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5 novembre 2016 6 05 /11 /novembre /2016 17:30

sujet semaine 45/2016 - clic

A l'époque pour nous autres gamins le cinéma était un évènement car quel que soit le film l'entracte était l'occasion de découvrir des numéros de music-hall, des acrobates ou des magiciens.
Les profonds fauteuils de velours rouge de l'Alhambra avaient le même velouté que la méridienne de tante Jeanne, une banquette qu'on n'avait le droit de toucher que du bout des doigts après avoir fini notre goûter et nous être lavé les mains à l'office.
Alors avoir un tel trône rien que pour soi, c'était fabuleux!
Ce jour-là on projetait “Les feux de la rampe” de Monsieur Chaplin.

 

“Ne soyez pas surpris” nous avertit l'ouvreuse “à chaque représentation l'artiste s'est dissous”
“Dis M'man, dix sous ça fait combien en francs?” demanda mon petit frère.
“Un demi-franc” répondit ma mère du tac au tac.
Je trouvai pour ma part que c'était cher payé pour un entracte où le boniment de la vendeuse de glaces et le va et vient des clients gâchaient le spectacle.
Je me demande encore aujourd'hui ce qu'une ouvreuse de cinéma pouvait bien trouver à ouvrir à part le porte-monnaie du quidam en mal de septième art...
J'admirais ma mère pour son habileté à calculer et sa dextérité à “tenir les cordons de la bourse” comme elle aimait à le répéter, aussi ne fus-je pas surpris qu'elle ne donne pas ces trente sous puisque nous étions trois avec mon petit frère.
Je me souviens avoir été réveillé par lui à l'entracte :”Regarde, l'artiste entre en scène!”

 

C'était un petit bonhomme rougeaud pour ne pas dire cramoisi tout habillé de rouge et qui gonflait des ballons rouges... toujours est-il que s'étant envolé vers les cintres au moyen d'un énorme ballon rouge via une rampe de spots surchauffés il explosa bruyamment!
Les Feux de la rampe venaient de faire une victime.
Fondu, liquéfié, volatilisé... les mots manquent dans ces circonstances.
Derrière nous l'ouvreuse sortie de nulle part semblait ricaner. “Je vous avais prévenus” souffla t-elle.
C'est fou comme il suffit à une ouvreuse d'avoit été sevrée de trente sous pour devenir acariâtre.
J'avais vu fondre des poissons-pierre dans Le monde du Silence et disparaître des phasmes au jardin botanique mais jamais un petit bonhomme qui sent le roussi accroché à un gros ballon rouge.
Mon petit frère ne cessant de s'agiter sur son fauteuil comme si le diable en personne lui pinçait les fesses, nous quittâmes précipitamment la salle des trônes.
De retour à la maison notre mère nous fit copier la conjugaison du verbe dissoudre jusqu'au futur antérieur...
“J'aurai dissous... Tu auras dissous”... mon petit frère jubilait.

 

 

Vegas sur sarthe 

commentaires

A
N'ayant pas de cinéma dans mon village, aucune ouvreuse n'a été comme la tienne . Sympatique ce petit texte :)
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M
Le mère ne perd pas le cap, après une leçon de calcul voilà une leçon de conjugaison.<br /> Toute une époque ces séances de cinéma entrecoupées de numéros de music-hall :)
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C
Moi je connais des ouvreuses smpa qui donnaient des tickets gratuits et même des bonbecs! T'as pas choisi le bon ciné, c'est tout! Belle évocation. Chloé
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J
un texte malicieux et agréable à lire où l'ouvreuse en prend pour son grade
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V
Dix sous... une honte !
J
J'ai connu un cinéma dit de quartier, fauteuil en bois et esquimau glacé... Un jour de fête lorsque nous y allions, à savoir occasionnellement.... ;-)
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V
:)
A
Joli texte, nostalgique et malicieux, une petite part d'enfance remonte délicieusement à sa lecture.
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V
J'aime bien m'inventer des souvenirs d'enfance... j'en ai tant d'oubliés !
J
l'ouvreuse nous ouvrait aussi les portes de la gourmandise : bonbons acidulés, caramel, pastilles de menthe , esquimaux glacés...
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V
Miammm

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