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1 février 2017 3 01 /02 /février /2017 15:36

sujet semaine  05/2017 - clic

- Ma bonne Louise, tu m'as soignée tous ces jours de maladie. Et je veux te récompenser comme tu le mérites. Va dans le poulailler, attrape le coq Artaban et emporte le. C'est mon bien le plus précieux et il est juste que je te le lègue.

Louise sourit à demi en se disant que cette fois, la pauvre Gertrude, au bout du rouleau, perd complètement la tête.

Un coq, son trésor ? Alors qu'elle cache sûrement des sacs d'écus sous son matelas ! Elle ne dépense pas, la vieille Gertrude et son mari, meunier de son état, de son vivant a gagné beaucoup d'argent.

 

Mais Louise n'a pas obligé sa voisine en espérant être payée en retour. Il faut bien se rendre service entre voisins. Elle ne veut pas cependant contrarier la vieille femme et se rend dans la basse cour. Elle y trouve bien un coq se pavanant au milieu de ses poules. Mais tellement décati que Louise pense : ma parole, Gertrude se moque de moi.

Elle attrape sans difficulté le maigre volatile qu'elle ferme dans son panier et revient chez elle.

 

Sur le chemin du retour, Louise se pose des questions. Pas étonnant que ce coq soit en piteux état. A la réflexion, elle pense qu'elle l'a toujours vu chez la Gertrude. Depuis vingt ans au moins. Curieux ! Et sa voisine possède - à part cet animal efflanqué - les plus belles poules du village et toujours de nombreuses couvées.

 

Voilà Louise, telle la Perrette de la fable, qui se met à tirer des plans sur la comète.

" Ce coq doit être un bon reproducteur. Je mettrai mes œufs à couver et je porterai mes poulets au marché et..."

Léon l'attend devant la porte, comme d'habitude, les mains dans les poches.

- Il ne fera encore rien de sa journée ce fainéant" maugréait la Louise en passant devant lui.

- Alors femme, tu en as mis du temps ! Et la soupe ? Elle te paye au moins cette vieille bique pleine aux as ? lâche le bonhomme d'un ton sarcastique.

- Eh bien oui, tu vois, elle m'a donné son coq.

- Montre un peu. Un coq, ça ? T'as vu comme il est gaulé ? Même pas bon à mettre en sauce au vin.

- Pas question de toute façon ! Il va s'occuper de mes poules et j'aurai de beaux poussins et puis des poulets que j'irai...

- Oui, oui. En attendant, tu vas voir la tête de tes poules. Et Léon s'esclaffe.

 

Louise emporte le gallinacé dans sa basse cour en haussant les épaules. Elle entend soudain :

- Ton homme, ce vaurien, n'a pas trop intérêt à traîner du côté du poulailler.

- Quoi ? Qui parle, là ?

- Moi, moi, ton coq Artaban !

- Mon coq ? Allons donc. Firmin, sors de derrière cette haie. Je t'ai reconnu.

- Je te dis que je suis ton coq.

Louise, effarée, ouvre son cabas et voit l'animal qui l'observe d'un œil malicieux.

- Tu n'en reviens pas, hein, ma Louise ? La vieille Gertrude t'a pourtant averti que j'étais son bien le plus précieux. Si tu savais combien de services j'ai rendu à la Gertrude ! Son mari par exemple qui la battait comme plâtre, sais-tu comment il est mort ? Tu es une bonne fille, bien serviable. Aussi, si tu as besoin de moi...

 

Louise ne sait pas comment il s'y prend avec cette allure miteuse mais ses poules énamourées se précipitent vers le mâle, l'entourent. Et c'est à celle qui trouvera le ver le plus gras pour le régaler.

Songeuse, la fermière se hâte vers sa cuisine où Léon se prélasse en lisant le journal.

 

Louise ne trouve pas le sommeil, se tourne et se retourne dans son lit, pense à l'extraordinaire aventure de cette journée. La rubrique "astrologie" du journal lui avait prédit une surprise. En effet, quelle surprise ! Un coq qui parle et peut se rendre utile. Par ma foi, voilà qui est intéressant. Une idée lui vient. Et si elle demandait au coq de venir chanter à l'aube sous la fenêtre ? Ça ne la dérangerait pas puisqu'il faut qu'elle se lève très tôt pour accomplir le travail de la ferme en lieu et place de son paresseux de mari qui ronfle tout son saoul pendant qu'elle s'échine.

Louise se frotte les mains. Dès le lendemain, elle va s'entretenir avec son nouveau pensionnaire. Cette pensée lui paraît soudain absurde et la fait sourire - dialoguer avec un volatile de poulailler : peut-on imaginer chose pareille ? Bah, on verra bien.

 

Deux matins plus tard, alors que Louise, déjà debout s'affaire dans la cuisine, elle entend un cocorico si puissant qu'elle laisse tomber sa casserole de lait. Malgré l'acharnement du coq, Léon ne semble pas se réveiller. Puis soudain :

- Alors Léon, tu vas sortir de tes plumes ou bien je viens te chatouiller les pieds avec les miennes ?

Louise se précipite dans la cour pour voir son coq perché sur la muraille, dressé sur ses maigres mollets, s'époumonant à invectiver son homme.

 

Léon ouvre sa fenêtre, regarde à droite et à gauche d'un air rusé et s'exclame :

- Firmin, farceur, je sais que tu es là. Tu m'as réveillé mais tu me le paieras.

Et le coq de s'écrier :

- Flemmard, vas-tu enfin te décider à te lever ?

Léon, incrédule se rend enfin compte que le coq parle et continue à le brocarder :

- Ah ça, tire-au-flanc, tu n'as pas honte de laisser trimer la Louise pendant que tu ronfles ?

Léon s'affole, croit qu'il a affaire au diable en personne. Pas étonnant : la Gertrude est une sorcière, il n'en a jamais douté. Il s'agite tant et tant qu'il finit pas tomber et atterrit dans la mare aux canards en chemise de nuit et bonnet de coton.

Louise rit tellement qu'elle devient rouge comme la crête d'Artaban, s'étrangle, s'étouffe et s'écroule sur le tas de fumier.

 

- Firmin, Firmin hurle Artaban, au secours !

 

 

Marité

commentaires

C
Sacrés chutes! je ne m'attendais pas à la dernière! j'espère que Firmin va rappliquer pour venir en aide à la pauvre Louise! Quant à Léon, qu'il reste dans son jus, il ne l'a pas volé!Savoureuse cette petite histoire. chloé
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L
ah ben ça, il peut être fier cet Artaban !<br /> avec le sourire
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J
ah ça c'est un beau coq qu'elle a ! Léon ne passera pas Noel !
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J
Ah je connaissais la pondeuse aux oeufs d'or vlà qu'il y a le coq causeur... ;-) Ca vous retourne !!
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A
Truculent à souhait! :))
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