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23 janvier 2019 3 23 /01 /janvier /2019 19:13

sujet 03/2019 - clic

-         Tu te souviens Ma’Jeanne du petit Jacques ? Ton ami Jacquot ?

Regarde, le voilà près de toi sur la photo prise par Papa dans le verger alors que nous récoltions les pommes. Il te tenait la main en douce, c’était ton amoureux, c’était si évident… Vous aviez quoi ? Huit ans ?

Ah ! Ma’Jeanne je t’enviais un peu à l’époque. Moi c’était Emile qui me faisait rêver mais hélas Emile n’avait pas la vocation pour jouer au prince vraiment charmant et je restais en rade.

Bah ! Les années se sont écoulées, sereines, et à vingt ans à peine j’ai épousé Marcel. Je ne l’ai jamais regretté, non, jamais, c’était un bon mari et un bon père.

 

Soupir !

 

Ma’Jeanne, j’avais vingt ans et toi vingt et un. A ton tour, tu m’enviais… Ton jacquot t’avait délaissée pour courir les bals de la région et pas que les bals d’ailleurs, les jupons aussi.

A propos, tu te souviens de ta jolie robe en vichy mauve ? Attends que je retrouve l’album rouge, c’est celui de cette époque… Là, tu vois comme tu étais jolie ? Tu ressemblais à B.B. avec ce chignon un peu sauvage que je t’avais fait.

 

Soupir !

 

Si jolie et si triste…

Je n’ai pas pu supporter de te voir dépérir seule dans ton coin, Ma’Jeanne, non je n’ai pas pu…

Toutes ces photos, c’est toute notre vie et notre vie devait être belle, tu comprends ? Mmm !

Il faut… oui, il faut que je t’avoue avoir rencontré ton Jacquot un mercredi. Il me suivait dans la salle d’attente du dentiste, tu sais, le vieux docteur Gribeau…

Jacques a ricané quand je lui ai parlé de toi, de ta tristesse… Marie-Jeanne, oui, c’était des mômeries maintenant je suis un homme, je suis passé à autre chose, a-t-il dit en me défiant du regard…

Autre chose ! AUTRE CHOSE !

Ah ! Non Ma’Jeanne tu n’es pas une chose que l’on jette à la poubelle comme un vulgaire bout de papier.

 

Soupir !

 

Sur le chemin du retour, j’ai garé la voiture dans la première allée du petit bois Colin, moteur en marche, prête à surgir sur la route au passage de la Simca de Jacques, histoire de lui faire peur.

Ma’Jeanne, c’est moi qui ai eu une peur bleue quand la Simca a fait une embardée et est allée se fracasser contre un arbre. Une peur lâche qui m’a fait fuir au plus vite.

Comment Ma’Jeanne ai-je pu survivre avec cette culpabilité d’avoir causé la mort de ton Jacquot ? Comment ? Je me pose encore la question aujourd’hui…

 

Soupir !

 

Si seulement une petite étincelle apparaissait dans ton regard vide elle me rassurerait, me dirait que tu me détestes…

 

Soupir !

 

Ma’Jeanne je vais remballer les albums à quoi bon remuer tout cela. Les photos sont des crève-cœur ! Au fond c’est heureux que ton esprit ne s’en rende plus compte.

Viens que je t’embrasse !

 

 

Le blog de Mony

commentaires

M
Merci pour vos commentaires. Je ne sais jamais où les mots vont me mener et je suis souvent surprise du résultat :)
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E
que c'est lourd tout cela, mieux vaut refermer l'album, mais la culpabilité est si collante
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L
Merci pour ce texte plein de sensibilité, très émouvant.
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F
Plus d'étincelles dans les yeux de Jeanne, "son Jacquot" avait un destin. Elle aussi. Touchant.
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A
Trois vies foutues, celle de Jacquot, celle de Jeanne et peut-être encore plus celle à qui tu donnes la parole, la seule qui sait et doit vivre avec ce drame...
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J
Pas que de bons souvenirs... soupirs ! En effet... mais le temps et la maladie font que...
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A
Ainsi va la vie, des chassés-croisés improbables et sans trop d'importance et puis un jour un accident, la maladie... Tout ces évènements sont racontés avec beaucoup de finesse, d'émotion véritable.
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