3 novembre 2019
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«Ne coupez pas !!»
Je l'aurais parié. A chaque fois c'est la même chose, je n'y coupe pas : il se trouve toujours quelqu'un pour me couper le sifflet.
Si encore c'était pour dire quelque chose d'intelligent mais c'est bien souvent prétexte à couper les cheveux en quatre.
C'est pourquoi très tôt j'ai décidé d'écrire, même si parfois ce foutu copier-coller-rogner me joue des tours.
Il faut dire que cette malédiction avait commencé dès ma naissance !
Qu'est-ce qui a pris à cette accoucheuse de pacotille de cisailler le cordon qui me retenait si intimement à ma petite maman chérie ?
Cette stagiaire en boucherie-charcuterie s'est penchée sur moi – j'ai pu constater qu'elle en avait une belle paire – et Couic, d'un coup de ciseaux à vous couper le souffle elle a commis l'irréparable.
« Même pas mal ! ». C'est pas une raison.
Allez réparer ça, vous. Comment faire ? Un nœud, une épissure? Pourquoi pas un scoubidou ?
C'est que je l'affectionnais mon placenta – même s'il y a à boire et à manger là-dedans – mon ravitailleur en vol, celui que j'appelais mon sac-à-ventre.
Et qu'en reste t-il aujourd'hui ? Un zigouigoui, comme un petit escargot au gras du bide pour me rappeler mes origines bourguignonnes et ces cinq centimètres de tuyau desséché conservés dans une petite boîte avec mon bracelet de naissance.
Résultat, au bout de cinq jours on a coupé les ponts la sage-femme et moi ; on n'avait plus rien à se dire... surtout moi.
Je l'ai quittée un mardi ou un samedi, bref c'était un de ces matins de novembre avec un brouillard à couper au couteau... décidément ça continuait !
Fort heureusement dans mon nouveau chez-moi c'est à dire dans les vignes c'était moins dangereux car la taille ne commencerait qu'en décembre et les adultes se contentaient de surveiller les fermentations alcooliques et malo-lactiques... autant dire qu'ils cuvaient dans les chais à bariques.
Moi j'étais pour quelque temps condamné à la sobriété et je surveillais mon lait pour m'assurer qu'on ne me le coupait pas à l'eau pour cause de disette.
C'est qu'on était bien fauchés en 47.
C'est quand même drôle les coïncidences de la vie. Pensez que j'étais dans mon année Zéro au moment même où Rossellini terminait le tournage de son « Allemagne Année Zéro ».
Quand je songe qu'il avait du crier « Coupez ! » à la fin du dernier rush, j'en ai des frissons dans le nombril.
J'exagère un peu... un réalisateur italien ça ne dit pas « Coupez », ça dit «Tagliare» voire même « Tagliatelles » pour les western-spaghetti mais c'était pas son genre à Rossellini.
Lui son genre c'était des histoires de famille, la famille Köhler, le même nom inscrit en lettres d'or sur les tablettes de chocolat réservées à ma grande sœur mais ça n'intéresse personne.
« Plus tard t'en auras une grosse » me disait ma sœur en agitant sa tablette sous mon nez, ce à quoi j'enrageais de ne pouvoir lui répondre «si on ne me la coupe pas ! »
Avec le recul je pense qu'elle faisait allusion aux caries...
Cette phobie de la castration ne m'a jamais quitté et perdre la tête était un cauchemar récurrent où j'ai vu cent fois Louis XVI, Danton ou Robespierre se faire raser gratis.
Ne cherchez pas la moindre paire de ciseaux chez moi et puis ne me coupez pas ! J'arrête.
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