LA DERNIÈRE PORTE. Cloclo

sujet 38/2020 - clic 

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Ça commence par quoi, une vie ?

Une porte, un obstacle à franchir. La première n’est pas la plus terrible, on la passe sans anxiété, sans idée de ce qui nous attend de l’autre côté.

Puis vient le temps béni de l’enfance, spontané et débridé, le temps des portes bleues, des portes roses, celles que l’on force d’un grand coup de pied, sans réfléchir, juste pour s’affirmer. On défonce, on s’acharne, on brutalise, on s’amuse gaiment, c’est tout.

Suivront les troisièmes portes, les portes blindées, les portes verrouillées, les portes infranchissables, les portes d’à côté. « Finissez d’entrer», vous dira-t-on d’une voix engageante, mais vous vous enfuirez, de peur de déranger. Vous n’aurez pas assez d’une vie pour élucider le mystère de ces portes que l’on ouvre et referme sans trop savoir où se diriger. Que l’on hésite souvent à pousser. Pourtant, la lumière est si claire de l’autre côté qu’une nuée d’oiseaux semble la griffer de ses ailes vrillées. Vous êtes en passe de bonheur, il y a des signes avant-coureurs, mais vous restez sur le palier. Vous avez laissé le code à l’entrée.

Pas de chance, il vous faut retourner vers vos douces chimères, au risque de vous perdre dans cette ancienne éternité, celle du temps figé, à peine essuyé au paillasson de vos rêves. Vous vous attardez sur la dernière marche, celle du temps gaspillé, des chances ignorées et des bonheurs manqués. S’il est encore temps, vous pourrez encore la repeindre, votre porte, ajouter un peu de couleur à vos vies, en retracer à grands traits les contours estompés.

Puis vous marquerez un temps d’arrêt.

Vous voici à la dernière porte, celle de l’ultime seuil, celle qui suit la maturité. C’est la même, mais de l’autre côté. Elle est comme neuve, intacte, hormis les traces des petits doigts du passé. Un envers de porte pour un retour obligé. Arrivés à ce stade, réfléchissez, repassez votre vie, tentez d’en extraire les meilleurs jours, vos plus belles rencontres, vos uniques amours, vos émois de toujours, vos projets aboutis, vos rêves accomplis. Laissez tomber le reste, il n’est plus temps d’y songer.

Quand vous en aurez extrait la quintessence et la douceur, et la conviction intime de la fragilité fugace de nos vies, alors poussez la porte, la dernière, et laissez-vous aller...

Le blog de Cloclo

Comments

[lecrilibriste]

j'aime beaucoup ton texte

[Lancolie]

Tous ces paliers de réflexion, de la première porte (présumée) sans douleur, jusqu'à la dernière, parfaitement ignorée... Et toute cette poésie qui chante toujours le regret que le temps passe trop vite et que l'on ne puisse profiter plus à plein de chaque instant, mais qui est déjà par elle-même, UN ABOUTISSEMENT !

[K]

L'énigme du sphinx revisitée et développée !

[Galet]

Et qu'elle claque derrière vous ou se ferme doucement, comme à regret, elle sera définitivement close. Alors commencera une autre aventure...

[Mony]

Oui, une vie nous réserve beaucoup de portes différentes. Face à la dernière, tentons d'être sereins mais pas trop pressés de la pousser. Joli parcours de vie.