sujet 04/2022 - clic
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Gentes dames et damoiseaux, voulez-vous que je vous dise l’histoire de cette jouvencelle à peine sortie des robes sacerdotales qu’elle se trouva plongée dans les tissus du commerce familial ?
Ysabelle, elle s’appelait. Elle avait épousé un homme riche qui avait tant chanté, tant bu, tant fêté qu’il eût fini ruiné sans l’intervention de ses parents. Ce débauché avait épousé dans sa jeunesse ladite jeune fille à peine sortie du couvent. Contraint par sa mère qui pressentait que son fils avait plus d’intérêt dans les tavernes et autres maisons de jouissance que dans le négoce du drap qu’il tenait de son père.
Après des années à gérer les affaires et se sentant à la fin de sa vie, la mère veuve, fit venir à son chevet sa belle-fille. Confite en dévotion, Ysabelle n’avait depuis son mariage, jamais été plus loin que les limites du chemin qui la menait à l’église ni non plus ouvert sa porte à son mari.
- Ma fille, vous allez devoir prendre la mesure de vos responsabilités. Croyez bien que j’eus aimé mille fois mieux avoir engendré un fils qui eût la capacité de devenir un homme. Mais, ne nous épanchons pas sur ce qui n’est pas. Je vous demande de prendre ma place lorsque je ne serai plus. Mon homme de loi s’est engagé à vous soutenir dans votre apprentissage. Vous aurez aussi près de vous, Harpagon, mon valet qui comme vous le savez, n’épargne pas sa peine pour engranger l’or et l’argent dans notre cassette. Bien entendu, il faut le rémunérer à la hauteur des économies engendrées. Un pourcentage, c’est ce que je pratique.
- Mère, je n’entends rien à ces affaires d’argent et de commerce. Le couvent ne m’y a pas préparée. Mon mari aura sur moi toutes libertés pour nous détrousser. Répondit la bru effarouchée.
- Retroussez vos jupons plutôt, mais faîtes qu’il n’approche jamais du coffre. Ne le laissez plus faire tapisserie devant votre porte. Apprenez à lui plaire, à lui devenir indispensable. J’ai fait venir Madame Claude afin qu’elle vous enseigne les rudiments du charme et de la volupté. Gardez à l’esprit que dorénavant vous devrez avoir le pouvoir sur lui tout en le laissant croire qu’il est le maître. C’est là toute la malice que nous possédons. Un jour peut-être, les femmes auront pignon sur rue mais celui-ci n’est pas encore advenu.
- Puisque c’est votre souhait, je m’y soumettrai. Par quoi dois-je commencer ? Dit-elle après moult tergiversations.
- Madame Claude est dans le boudoir, elle vous attend. Mettez-y du cœur et amenez votre mari dans votre lit. Ensuite maître Corneille vous informera de tout ce qu’il faut savoir pour diriger ce commerce. Puis Harpagon vous entretiendra des choses à savoir sur le train de la maison.
La jeune femme fut si alerte à apprendre les affaires de la vie conjugale comme les enseignements de la conduite de l’entreprise qu’elle dépassât sur bien des plans les espérances de sa belle-mère. Son mari ne sut jamais comment par une belle nuit il put enfin entrer dans l’alcôve de sa femme. D’ailleurs, il ne se posa pas la question et n’en sortit plus jamais. Tandis que la belle, devenue amante et maîtresse, oublia bien vite la vie monacale et celle des saints.
Son mari lui laissa toute liberté pour devenir cheffe d’industrie, optimiser les rendements, rationaliser les frais, externaliser la main d’œuvre, capitaliser l’outils de production, dynamiser ses placements, ouvrir le capital en bourse, créer des sociétés off-shore et devenir une des plus grandes fortunes mondiales.
Pourvu qu’elle soit douce, c’est bien tout ce qu’il demandait, et il l’eût !
L' Entille