Marie
- Cette fois, c'est la dernière. Tu m'entends, Marie. Je t'interdis de revenir. Tu prends ce train, tu livres le
colis et tu restes là-bas.
- Mais toi, Roland. Qu'est-ce que...
- Ne t'occupe pas de moi. Je vais essayer de trouver un moyen. D'abord, je dois être sûr que les documents sont bien
parvenus à l'office. C'est trop important. Ils contiennent des informations essentielles. J'ai enfin découvert la localisation de leur XT300 et même, il se trouve qu'il y a une faille dans leur
système de sécurité. Avec ce que contiennent ces papiers, Lola saura tout ce qui lui manque encore pour monter une opération de nettoyage. Tu comprends, Marie ? De toute façon c'est fini.
D'ici peu, leur foutue arme ne sera plus qu'un mauvais souvenir.
- Et qu'est-ce tu comptes faire après ?
Je vais disparaître en essayant de ne pas laisser de traces. Il ne faut pas qu'ils sachent d'où provient la fuite. On
a encore quelques camarades infiltrés. Je crois que je vais passer par la Finlande. Lola me fera revenir ensuite. Ne t'inquiète pas mon amour.
Déjà deux ans. Deux ans que j'ai pris ce train. Deux ans sans nouvelles. La guerre est finie maintenant. Roland, où
es-tu ?
Je me souviens quand il m'a déposée devant la gare centrale et qu'il m'a dit d'y aller.
- Tu fais comme d'habitude. Tu marches tout droit, la tête haute. Un peu fière, hautaine. Le train part dans cinq
minutes, quai B. Tu vas vers les premières. Voiture 6, compartiment 8. Voilà ton billet. Tu seras seule. De toute façon, j'ai réservé tous les autres sièges. J'ai glissé les microfilms dans la
couverture de ce petit livre. Inutile de le planquer, c'est totalement invisible.
Et puis, un peu brusquement, il m'a poussée hors de la vieille voiture. Moi j'aurais voulu échanger un baiser avec
lui, pas seulement un vague signe de la main. Il a démarré en trombe et la guimbarde a disparu à l'angle de la rue.
Mécaniquement, j'ai fait comme il me l'avait dit. J'ai traversé la gare. Elle était pleine de soldats qui criaient.
J'ai longé le quai jusqu'à mon wagon. Je me suis installée et le train est parti. Je ne me souviens plus très bien du voyage, je crois que j'ai dû lire le scénario que mon imprésario m'avait
adressé quelques jours auparavant. Un navet, j'ai refusé le rôle. C'est seulement quand j'ai vu par la fenêtre que nous avions dépassé le petit pont au dessus de la rivière qui s'étire le long de
la voie ferrée que j'ai su que j'avais franchi la frontière. Alors, les larmes ont commencé à couler.
Roland Ivy