tu te souviens,
les suées, cette moiteur lourde, ce silence de tentacule,
tu te penches sur le cordage, essuies ton front,
hamac de torture à guetter le moindre bruissement,
et puis soudain le bruit sourd des tambours,
ce n’est plus le frisson peureux de la bête venimeuse
plutôt celui de la flèche et ces corps aux armes de couleurs,
enfants du feuillage, quêteurs d’âmes,
tu n’as plus de souvenir,
des bribes brumeuses et cramoisies,
tu ne te souviens plus,
si encore un peu, ce visage dépossédé, qui se vide,
peau réfractaire et rabougrie…
… comme le mobile aux yeux de l’enfant,
paupières entrouvertes, ils sont là,
tournent et torturent nos fièvres partagées,
n’ont gardé que l’admissible et l’âme rampante,
tu les attends qui viennent,
ils ou elles se penchent, sucent ta bouillance,
ces morceaux de tête, grimaçants et vides,
et l’aube qui vient t’habillera du tien,
ce masque de survie…
Daniel