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Les caisses que Nora descend du grenier par le petit escalier escamotable s’empilent peu à peu dans le hall.
L’inspecteur Harry soupire. Il lui faut bien s’avouer que sans l’aide de sa collègue la tâche aurait été trop ardue pour son dos aux vertèbres un brin malmenées par le temps.
Où sont passées mes plus belles années ? Au fond de ce fatras de carton ? L’inspecteur Harry, les bras ballants, semble transformé en statue.
Nora fredonne.
Nora fredonne quelle que soit la météo, l’humeur de son bientôt ex-supérieur ou de son compagnon.
Elle fredonne tout en jetant un regard interrogateur à son boss.
Que se passe-t-il dans la tête d’une personne quittant l’endroit où elle a vécu un grand nombre d’années ? Et tout ce petit univers empaqueté à quoi ça sert ?
La jeune femme est adepte du minimalisme et a des difficultés à comprendre les accumulations qu’elle juge compulsives.
L’inspecteur Harry soupire une fois de plus. Il s’est tellement réjoui de ce départ à la retraite, de cette vie pleine de promesses passée au soleil, libre, libre enfin de tout horaire, enquêtes ou autres obligations… et là, il se sent vide de tous ses repères.
Puis son œil frétille, il vient de repérer une caisse au carton orangé orné d’étranges fleurs. Déjà, il en sort sa vieille compagne, une machine à écrire sauvée du tout à l’informatique.
- Une antiquité bonne pour le marché aux puces, s’exclame Nora.
Harry fronce les sourcils qu’il a touffus. Comment faire comprendre à sa jeune collègue les liens qu’il a entretenus avec ce clavier ?
- Gmrr…
- Vous dites ?
- Je dis que si cette machine à écrire pouvait parler elle vous décrirait tous les suspects que j’ai eu l’occasion d’interroger.
- Bof, je connais la ritournelle, je l’entends tous les jours…
Oui, elle a sans doute raison, pense l’inspecteur Harry, les années passent mais les humains restent d’immuables suspects et les criminels se cachent souvent sous des dehors courtois ou angéliques.
Nora toujours afférée redescend la dernière caisse et se saisit de l’aspirateur qu’elle passe là-haut en un temps record.
Déjà 17 heures, il est temps pour elle de rentrer au bercail.
Harry la regarde partir, penaud, son billet à la main.
- Si on ne peut plus s’entraider où va-t-on ? a rigolé Nora en le voyant fouiller dans son portefeuilles. A lundi, pour le pot de départ ! J’avoue, chef, vous allez me manquer !
Penaud, oui, l’inspecteur l’est d’autant plus que jamais il ne lui avouera avoir jadis arrêté ses grands-parents, de fameux escrocs au quant-à-soi plus que trompeur.
Bon, c’est décidé, cette machine à écrire et la plupart des autres contenus des caisses finiront aux encombrants et peut-être, comme lui, Harry, connaîtront une autre vie !
Et vive le soleil pour encore de longues et belles années !
Le blog de Mony