Des années, des années que Victor n’était pas heureux. Marié à une femme qui l’aimait et qu’il aimait, père d’un petit garçon, Victor ne voyait que le verre à moitié vide et ne comprenait pas pourquoi sa vie ne l’enchantait pas. Il n’avait pourtant eu aucuns pépins au cours de ses 27 années.
En échec scolaire à cause de son comportement, il se mit rapidement au travail à l’usine où il y gravit tous les échelons pour devenir responsable de secteur, gagnant ainsi bien sa vie. Il rencontre sa femme par l’intermédiaire d’amis communs, et rapidement se marie et devient l’heureux papa d’un garçon brillant.
Psychologue, psychiatre, médecin, amis, ni même sa femme ne comprenaient pourquoi Victor broyait du noir et ne se sentait pas heureux. Son seul moyen de s’échapper était le dessin, il dessinait beaucoup mais personne ne comprenait pourquoi ni ce que ces dessins représentaient, ce qu’ils signifiaient.
Alors, comme tous les soirs ou presque, il va dans ce bar qu’il affectionne tant « le Sahara » où il s’imbibe d’alcool afin d’oublier… oublier qu’il ne sait pas pourquoi rien ne va. Enivrer ce cerveau qui l’empêche d’être heureux, et qui lui donne l’impression qu’il passe à côté de sa vie, littéralement.
Mais un jour, il y fit une rencontre, ce genre de rencontre qu’on ne fait qu’une fois et qui vous bouleverse au plus profond de votre âme.
Lucie, 22 ans, était la femme qui lui ouvrit les yeux. Intelligente, très intelligente, charismatique mais surtout pétillante et pleine de vie. Victor eut l’impression d’une renaissance à ses côtés même si ce ne fut pas facile au début de laisser tomber son ancienne vie, car il aimait son ex-femme et son fils, et savait pertinemment qu’il ferait du mal.
Ses dessins étaient désormais exposés dans la galerie d’art que tenait Lucie et elle en était fière, car elle seule avait compris la signification de ces messages. Elle, seule, le comprenait sans mots, sans explications, ils se soutenaient et s’aimaient d’un amour rare et inconditionnel.
Il avait l’impression que, désormais, le temps s’était arrêté, ou du moins ralenti, et qu’il vivait chaque instant intensément à ses côtés. A présent, c’est eux qui décidaient de la valeur du temps et non le contraire ; ils tenaient les rennes et ne se laissaient plus dicter par le monde. Mais ce temps, chacun le sait, finit toujours par gagner, inexorablement.
En ce jour de novembre 2013, elle publia un dernier dessin de VICTOR : elle et lui, tirant sur la même corde pour retenir ce sablier qui s’égrenait malgré tout, dans un désert symbole de leur lieu de rencontre. C’était sa façon de s’exprimer, le dessin. Chaque période de sa vie, il l’avait illustré et elle l’avait exposé en 2 périodes distinctes, l’avant et l’après rencontre avec Lucie. Une période sombre où les dessins étaient principalement en noir et blanc, triste et pour la plupart non finis ; et une période radieuse, colorée et aboutie.
Sur chaque dessin, Julie avait pour habitude d’y noter un commentaire personnel, pour le dessin illustrant deux tourtereaux sur la tour Eiffel, elle avait noté la date de leur mariage, sur une cigogne déposant un colis à un couple de zèbre, la date de naissance de leur fille et sur ce dernier dessin, elle y inscrivit une date : 12 novembre 2013, en hommage à mon ami, mon amant, mon amour, mon petit zèbre, nous nous sommes battus, vaillamment contre ce compte à rebours donné par les médecins, nous avons profité de chaque instant, je t’aime pour l’éternité. Ta Lucie.
Elody Riff
En hommage à ma maman décédée d’un cancer à la date précisée dans le texte
Pensées à tous les « zèbres » qui se reconnaitront dans ma description de Victor