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sujet semaine 29/2016 - clic
Dans un monde où les feuilles de salade sont géantes, les escargots ne peuvent que l’être à leur tour. Mais ce monde n’existe que dans l’imaginaire des enfants, et de quelques adultes attardés ou qui ont tout simplement oublié de grandir.
Marius le poète est de ceux-là, sa vie se passe en rimes et en chansons rythmées par les sons langoureux de sa viole de gambe, celle qu’il a rachetée à prix d’or après avoir vu et adoré Tous les matins du monde.
Après avoir rangé l’instrument dans sa housse, un soir, il s’est endormi pour une nuit paisible et se réveilla, O stupeur, dans un monde étrange où tout avait pris des proportions gigantesques, sauf lui, qui par comparaison, était resté tout petit.
Anna la fidèle, bravant l’adversité et tous les dangers du voyage, l’avait suivi à vélo jusqu’ici, on ne sait quel miracle ou quel instinct puissant avait pu la pousser à rejoindre son élève, qu’elle avait initié dès ses 4 ans à l’art difficile de cet instrument du passé, singulier et parfois si triste…
En mâchant sa salade, Baveux le Gros écoutait d’une oreille attentive cette mélopée aux sons si graves et si envoûtants. Jamais il n’avait entendu un si joli timbre. Tournant lentement sa jolie tête grise et gluante vers l’artiste, et pointant bien haut ses antennes pour en recueillir le meilleur son, il se dit que c’était bien dommage qu’il ne soit qu’un pauvre et gros imbécile d’escargot ordinaire perdu sur une méga-planète quelque part dans l’immensité des mondes interstellaires, car s’il avait été terrien, à l’instar de l’homme qui jouait là pour lui ( enfin, c’est ce qu’il pensait) il aurait pu, lui aussi, s’essayer à ce merveilleux instrument qui lui tirait les larmes des yeux et la bave du ventre.
Les escargots terriens ne sont guère réceptifs à l’art quel qu’il soit, à ce qu’on dit, mais ceux de cette méga-planète ont la réputation d’avoir le cœur tendre, une âme sensible, c’est pourquoi un grand nombre d’entre eux sont de bons mélomanes et quelques-uns mêmes deviennent de grands artistes. Cependant la faim se faisait à nouveau sentir. Baveux le Gros s’apprêta à se remettre en marche en étirant son gros corps mou et flasque et agitant son énorme pied, tandis que ses yeux perçants avaient déjà repéré leur nouvelle victime, je veux parler d’un chou tout frais qui pointait son nez dans le méga-jardin du presbytère.
Marius, privé soudain de son public, stoppa le morceau en plein glissando, ce qui contraria fortement Anna, dont c’était le passage favori. Il lui promis de le reprendre là où il l’avait laissé dès que Baveux le Gros aurait fini son repas et terminé sa longue sieste ; ce qui leur laissait un moment de loisir considérable, vu la lenteur de l’animal.
Mais ils avaient tout leur temps, ils n’étaient pas pressés. Si ça se trouve, Il pourraient peut-être mettre ce temps libre à profit pour aller visiter le tout nouveau musée d’art, juste à côté, qui venait d’ouvrir dernièrement ses portes.
C’est une bonne idée, ça, dit Anna, qui adorait la peinture de Quint Buchholz.