sujet 07/2018 - clic
Sous le soleil d'été, Adeline ouvre la boite aux lettres.
Sa chevelure claire, en vagues mouvante, danse sur le haut de son dos, en rythme avec sa démarche dynamique.
Elle aime ces journées, décidée à paresser en déshabillé.
Un petit vent agréable s'insinue sous la soie mauve et vient lui caresser le bas du corps.
Elle se sent observée, un chat bondit, alors caché dans la lavande odorante, et s'enfuit...C'est le chat de ses plus proches voisins, habitants deux kilomètres plus loin, en contrebas.
Elle prend la petite enveloppe blanche et devine qu'elle contient une carte postale. Son visage s'éclaire et ses doigts s'impatientent. Elle sautille comme une enfant en remontant l'allée. Elle aime les lettres bien dessinées à l'encre noir, sur le blanc immaculé, qu'elle devine écritent d'une main appliquée.
D'un coup de couteau , elle l'ouvre, assise sur le bord de la chaise au coussin orangé. C'est curieux, pense t'elle, à chaque fois, le même empressement, le même sourire, la même chaise et le même point de vue sur le jardin quand elle savoure cette instant.
Elle a toujours aimé recevoir du courrier. Elle se souvient de sa joie quand elle découvrait les cartes de Sainte Catherine que lui envoyaient ses quelques amis de classe...
Elle entrouve l'enveloppe et en sort une carte surprenante, elle représente un paysage enneigé avec ici et là quelques crocus au pigments rouges, orangés.
Les fleurs sont dessinées avec hésitation et minutie, la neige est matérialisée par des tous petits morceaux de coton collés. Un frisson d'émotion lui parcourt le dos. Il y a tant d'application, de coups de crayon gommés et recommencés, de couleurs choisis pour un meilleur effet, de gestes délicats, un buvart, sous le doigt, pour un rendu plus ...velouté, venant de cet inconnu.
Elle a reconnu son écriture sur l'enveloppe. Elle retourne la carte en retenant sa respiration. Elle ne devrait pas accorder autant d'importance à cette correspondance, elle le sait, elle n'avait pas prévu ce trouble qui l'habite à chaque fois. Elle sent qu'il est différent...qu'il prendra un autre chemin quand la vie lui offrira sa deuxième chance. Un homme qui écrit de telles choses ne peut pas être que mauvais. Elle se répète tout cela comme pour libérer son coeur de la culpabilité qu'elle y sème . Son écriture inclinée vers la droite dessine de belles arabesques ; Les mots s'enroulent sans effort et coulent, comme une rivière paissible, traversant les contrées sans jamais se fatiguer. Ignorants les obstacles, la sêcheresse, les intempéries, pour enfin me livrer à demi mots, ébloui, par des rayons de bonheur, sa poésie du coeur. Je reçois étonnée, murmurés par mes lèvres rosées, la douceur libérée des barreaux d'un condamné.
...
Adeline, ma douce inconnue,
Quelle chance que vous me lisiez,
Après autant de déconvenues,
L'espoir à nouveau rennaît...
Je vous imagine très seule,
Peut-être le coeur délaissé...
Je vous vois auprès du tilleul,
Rêveuse, votre robe froissée,
Egrener quelques vers croisés
De ce Guillaume Appolinaire
Dont vous m'avez tant fait aimer
La poésie si douce, amère...
Maryline18