atelier d'écriture en ligne
C’était en 1970, dans les rues de Séville. J’étais en voyage avec ma sœur, venue comme moi de notre lorraine natale. On était en avril et la feria allait commencer, rassemblant un joyeux festival de couleurs, de musiques, et de ripailles en tout genre. La rue vivait à cent à l’heure, on voyait du monde courir en tous sens, des hommes au chapeau noir ayant bien fière allure, le menton relevé, laissant apparaître des yeux noirs perçants, la taille fine, cambrée, sanglée dans une espèce de large foulard noir qui leur donnait des allures de jeunes premiers. L’un deux, que ma sœur, plus hardie que moi avait un peu provoqué en répondant à son avance, s’arrêta devant nous en nous gratifiant d’un buenas dias tonitruant et joyeux. Nous rencontrâmes aussi des femmes en robe de gitane aux couleurs vives, pressant le pas pour ne rien manquer du spectacle, et aussi des couturières de dernière heure portant à bout de bras de splendides atours.
Nous nous hâtions d’aller sur la grande place, là d’où partirait le cortège. Un défilé à cheval monté par des couples aux couleurs éblouissantes, robes rouges à volants et cheveux attachés par des guirlandes de fleurs. Des enfants en tenue de fête, élégants et fiers. La joie régnait partout dans les rues et la musique des habaneras couvrait le brouhaha des joyeux commérages sévillans. Puis nous cherchâmes une taverne pour nous restaurer, car à force de marcher, nos jambes ne nous portaient plus et nous avions attrapé chacune une ampoule au pied. Nous nous régalâmes de churros, de tapas, de gambas a la plancha arrosés d’un bon petit Jerez, le vin gouleyant du pays. Soudain, dans l’une de ces tavernes qui font la renommée du pays, je vis ma soeur se retourner brutalement et me désigner quelqu’un du doigt en disant : c’est lui, c’est lui ! Mais qui donc ? Tu sais bien, le garçon de tout à l’heure ! Et, joignant le geste à la parole, la voilà qui disparaît dans la foule pour rejoindre son bel inconnu.
Ce fut la dernière fois où je vis ma sœur de tout le voyage. Je fus contrainte de rentrer seule à l’hôtel, en tâtonnant un peu, car c’est elle qui avait le plan, et le lendemain, obligée de payer la note pour nous deux. Quelques semaines plus tard, je reçus une brève carte postale venue d’Espagne qui m’envoyait ses muchos besos de Séville, me demandait de ne pas m’inquiéter pour elle. Que tout allait bien, qu’elle allait épouser son bel hidalgo dans un village proche de là, où son bellâtre gardait des moutons blancs et noirs et vivait aussi de la culture des olives à la belle saison. Si le cœur m’en disait, je pourrais les rejoindre bientôt pour la cérémonie.
J’ai acheté la méthode Assimil et pris des cours accélérés d’Espagnol. En espérant être rapidement au point pour pouvoir dialoguer avec la famille de Diego, qui était, d’après ma sœur, très sympa, très bavarde et surtout très nombreuse. Et viva l’España !!
Le blog de Cloclo