Dès mon arrivée dans ma famille écologiste je n'ai pas eu à choisir.
Téton ou tétine, ce fut téton et y avait même pas à discuter à propos du droit ou du gauche puisque chez nous on était de gauche depuis oncle Hubert c'est à dire que la gauche existe.
Pour la couleur non plus je n'ai pas choisi : ce fut bleu pour me distinguer de ma frangine qui avait hérité du rose un an avant moi.
Et par habitude je suis resté bleu, bleu à la crèche, bleu à la communale et ainsi de suite jusqu'au kaki du bidasse.
Car j'aurais pu choisir entre le bleu de l'armée de l'air et le bleu de la marine mais mon père gendarme s'était senti obligé de me pistonner et c'est ainsi que j'ai rejoint les trans … pas les transexuels mais les transmissions.
Quand j'y repense je me dit qu'avec des transexuels j'aurais pu choisir entre bleu et rose mais c'est définitivement pas mon truc.
Aux trans, on n'avait guère le choix non plus ; en 70 c'était douze mois ou un peu plus si on faisait les cons, alors j'ai fait profil bas pour une fois que j'avais le choix.
Faire profil bas à l'armée et surtout dans les trans ça consiste à mettre le fil bleu sous la vis bleue et le fil rouge sous la vis rouge et jamais le contraire …
En sortant j'étais un homme, un vrai, un de ceux qui ont l'embarras du choix et qui tirent brune et blonde à pile ou face. Je fumais déjà des brunes depuis pas mal de temps alors je me suis dit qu'il fallait tout expérimenter dans la vie mais les blondes m'ont aussitôt donné la gerbe, peut-être parce que sous l'emballage elles n'étaient pas forcément blondes.
C'est fou ce qu'il y a comme fourberie et artifice sous l'emballage.
Finalement j'ai emballé une rousse ou plutôt c'est elle qui m'a emballé … Germaine.
Pour l'anecdote Germaine était gironde d'autant plus qu'elle travaillait à Pessac à la fabrique de pièces de monnaie, des francs à l'époque.
Elle bossait au service qualité - avec un grand Q dit-elle encore - et testait les faces des francs à longueur de journée pendant que sa voisine testait les piles !
Je me suis toujours demandé qui testait les tranches ?
Elle m'impressionnait et trente ans après je suis encore impressionné par sa dextérité.
Même quand Germaine est passée à l'euro elle n'a rien perdu de son doigté, bien au contraire.
Aujourd'hui on tient chacun un cordon de la bourse vu qu'il n'y en a que deux ; je la laisse tirer plus fort de son côté en lui disant que c'est l'apanage des femmes fortes, même si je sais qu'elle ne me croit pas.
Quant à moi j'ai arrêté de fumer les brunes, c'était dur mais c'était mon choix … et on n'a pas trop d'une vie pour choisir.