A l'époque de grand-mère ce n'était pas pareil. Ce n'était pas pareil disait-elle, recourbée et usée.
Usée par le poids du labeur, des douleurs, des souvenirs, elle balbutiait à qui voulait l'entendre.
Ce n'était pas pareil...
Oubliant tout à coup l'entourage, les problèmes, le tic-tac du réveil, elle se calait contre le placard en chêne et vociférait,
haletait,
Maudissant la guerre, la folie meurtrière, les galons, le bonheur enfui,
Minaudant, grimaçant, se tordant, secouant d'une main le paquet de lettres en criant :
Ecoutez-moi, bon sang !
N'approchant les songes que parce qu'ils s'abattent sur les souvenirs se maintenant à la surface,
Calmement accoudée, le coeur tout rabougri
Enlaçant les rubans des plis de sa mémoire cousus à même la peau, doux et simples
Mijotant des recettes, farces, evies sucrées salées
Enigmatiques images allant et venant sans cesse
N'hésitant pas à revivre encore et encore le
Terrible et dramatique départ vers un oubli certain.
Annick SB