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16 novembre 2014 7 16 /11 /novembre /2014 15:14

 

“Filez dans vos chambres!”
Ca se terminait toujours pareil avec le père, sauf qu'on n'avait qu'une chambre pour ma connasse de soeur et moi-même.
On lui en faisait voir de toutes les couleurs au vieux mais s'il avait été moins maniaque avec tout son fourbi, ses chevalets, ses tubes et sa forêt de pinceaux on lui aurait foutu la paix... et puis les artistes c'est ombrageux, caractériel et plein de manies bizarres... tout ce que je déteste.
On détestait aussi toutes ces filles grasses qui venaient poser des soirées entières dans le petit salon qui faisait office d'atelier et repartaient à l'aube en nous réveillant d'un claquement de porte.
 
“Filez vous coucher!”
Cette fois-là on avait fait fort, ma connasse de soeur et moi.
On avait frotté deux ou trois toiles vierges au papier de verre, collé les pinceaux dans un pot de glu et ajouté notre signature - on signait LDS pour les demoiselles Schwartz - au bas de sa dernière aquarelle.
Pas de quoi en faire un drame.
Il avait peu apprécié et était devenu cinabre, limite vermillon. Faut dire qu'il était en pleine période rouge dont il barbouillait les mamelles et les culs qui débordaient de ses toiles.
 
“Filez dans vos chambres!”
Autrefois il nous aurait pris sur ses genoux sous le regard attendri de la mère, délaissant quelque marine turquoise ou quelque nature morte pour nous chatouiller de sa barbe rêche et nous faire rire aux éclats.
Et puis la mère était partie, laissant l'artiste désemparé et le pinceau sec.
Depuis il n'était plus jamais entré dans notre chambre qui recelait tout ce qu'on pouvait faucher dans l'atelier, surtout ma connasse de soeur.
Chacune à son chevalet, on “retouchait” à notre façon les toiles chapardées, anémiant les corps, ajoutant qui un nez rouge, qui un gros braquemard à nos ennemies, ces poufiasses rougeaudes alanguies sur la toile.
On en extorquait mille couronnes suédoises à un illuminé qui prétendait que l'impressionnisme était mort et que nos oeuvres avant-gardistes feraient sa fortune d'ici quelques années!
De quoi nous offrir des toilettes, du parfum et ces petites flasques d'aquavit qui nous mettaient cul par dessus tête, surtout ma connasse de soeur.
Le vieux fatiguait et peignait plus rarement - trop occupé à titiller laborieusement ses modèles - et comme on manquait de matière première on s'était mises à improviser, surtout ma connasse de soeur.
Ce furent d'abord des petits cubes puis des cônes, des sphères et des cylindres... enfin des trucs à la noix.
Autour de nous, ça ne parlait que de Matisse, Braque et un certain Picasso.
Un jour, elle a quitté notre chambre.
Connasse!
 
 
Vegas sur sarthe

commentaires

M
C'est qu'elle l'aime sa connasse de sœur qu'a quitté... la chambre.
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M
Un amour-haine très puissant !
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A
Malgré de ce qu'elle dit, la " connasse" doit bien manquer à cette jeune fille , elle ne peut plus défigurer les toiles du père, l'inspiration n'est plus là
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N
Assez de ressasser! L'avenir, c'est l'installation: amasse.
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A
"Connasse", pardon :-)))
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J
Va savoir comment nait un nouveau mouvement... peut être que la Connasse de sœur le sait !
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A
Frangines, complices mais pas franchement copines, à moins que "conasses" dans sa bouche soit un petit nom affectueux...
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