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14 janvier 2016 4 14 /01 /janvier /2016 20:06
Clopin-clopant.   Almanito

(inédit)

"Spécial cinquième anniversaire" d'après le sujet semaine 07:2014- clic

 

 

Il fait bon dans la cuisine jaune. La pièce la plus lumineuse de la maison.
Derrière la vitre, l'herbe rase du jardin bordée de frisures banches épineuses annonce une journée glaciale. Je laisse en imagination le froid humide des rues m'accaparer l'échine par saccades frissonnantes, la ville sombre se resserrer comme un étau sur mes épaules pour mieux jouir de l'instant doux et rassurant.
Je ferme les yeux en mordant dans la baguette plongée dans le café noir sans sucre. L'onctuosité du beurre qui n'a pas tout à fait fondu le dispute à l'amertume heureuse du café brûlant. Soupir.
Les effluves ont fait sortir l'ours brun de sa tanière. Le poil ébouriffé, empaqueté dans un peignoir enfilé à l'envers, le gros noeud de la ceinture posé au dessus du nombril, mettant en évidence un ventre de femme enceinte presque à terme, il se tient justement les reins des deux mains en grimaçant. Le sourcil est l'indicateur infaillible de son humeur, soit qu'il s'étire en courbe harmonieuse sur les tempes, soit qu'il se hérisse en crins durs et noirs au dessus de ses yeux.
- Bonjour quand même!....Bien dormi?
-Humf....
Le nez en l'air, flairant le pain grillé, il furète dans la pièce, à la recherche de son bol et de sa cuillère qui l'attendent sur la table comme tous les jours. Un regard en passant devant la fenêtre lui arrache un nouvel "Humf!". Ce brillant homme d'affaires, ancien avocat manque singulièrement de vocabulaire au lever du lit. Il lui faut son miel, qu'il étire sur le pain frais, il lui faut son sucre qu'il touille longuement dans le grand bol en remuant de sombres pensées. Nourriture indispensable au plantigrade qui lui rendra le sourire que j'aime et la tendresse de son baiser matinal.
Pendant qu'il s'éclipse pour de bruyantes ablutions dans le torrent la salle de bain, je savoure le reste du baiser, le coeur crépitant au rythme du fourneaux à bois qui s'éveille soudain. Je remplis ma tasse de porcelaine jusqu'au liseré doré qui s'écaille un peu et j'allume la première, celle qui m'engourdit de la plante des pieds jusqu'à la racine des cheveux et prolonge mon bonheur en volutes bleues, dansantes comme un rêve.

 

 

Almanito

 

 

sujet semaines 02 et 03/2016 - clic

commentaires

C
Presqu' un court métrage, tant les images , avec ou sans le son , sont justes !<br /> J ai aimé les douces volutes de ce matin quotidien!
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A
Je vois qu'il n'y a pas que moi qui grogne au lever ( rire)
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M
Derrière les petits rituels matinaux apparaît une grande tendresse et c'est bon !
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L
Beaucoup d'hommes (seulement des hommes ?) vont se reconnaître ici !<br /> Merci pour ce style et cette écriture si agréable.<br /> Loïc
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C
La première... la meilleure !... :-)
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J
Grognon ce retraité au réveil, faut connaître ses habitudes pour le "récupérer".... ;-)
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