sujet semaine 52/2016 - clic
Lorsqu’ils sont venus à la SPA pour se faire adopter par un chiot, j’ai tout de suite senti que je les choisirai, que c’était eux et moi. Elle avait un petit ventre annonciateur d’une petite crevette joueuse et déjà une odeur de lait caillé, il avait un embonpoint confortable et des mains comme des battoirs. A l’époque j’étais une petite boule blanche à l’œil au beurre noir, ils sont partis avec moi, nous nous sommes fait de la place dans leur appartement.
A présent nous sommes trois, j’ai grandi et la crevette est arrivée, on pourrait en mettre dix comme elle dans mon corps. Je veille sur ses jours et ses nuits, connais ses sons et ses parfums, pleur strident, déglutition étouffée, lait d’avoine, selles acides.
Cette nuit la crevette s’est réveillée et a hurlé sa faim, j’ai réveillé maman qui est allée préparer un biberon dans un demi-sommeil, j’ai sauté dans le lit pendant qu’elle était dans la cuisine, la place était encore chaude, je me suis lové contre papa, perturbant à peine ses ronflements réguliers. Quand maman est revenue, la crevette hurlante serrée contre elle et le biberon à la main, elle s’est allongée contre moi, a posé la crevette sur mon corps et lui a fourré le biberon dans la bouche. Nous étions bien, tous les quatre, et elles se sont vite endormies. J’ai remué juste assez pour que la crevette se cale dans la cuvette entre papa et moi, et j’ai fini le biberon.
Je somnole en écoutant leurs respirations, le grondement sonore de papa, le souffle paisible de maman et le halètement rapide et irrégulier de crevette.
Nous sommes emboîtés en un tangram familial confiant et apaisant, et je vibre de félicité.
Isabelle