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8 novembre 2019 5 08 /11 /novembre /2019 15:00

sujet 39/2019 - clic

Cher fils,

 

Tu m'as demandé de te parler de ta tante Lilli. C'est difficile. Tu as raison, généralement on évite le sujet. Mais je vais essayer.

 

Lorsque tu étais enfant, tu l'a rencontrée souvent, t'en souviens-tu ? Ma grande sœur et moi étions assez proche. Elle a été une petite fille joyeuse mais assez effacée, affectueuse, très sage, très ordonnée. Elle n'aimait pas peiner les autres. Elle partageait toujours ses jouets et ses friandises et je pense en avoir honteusement profité !

 

Jeune-fille, elle avait une beauté douce et ronde. Elle était très amoureuse de Julien, boulanger avec son père. Ils se sont épousés et ont eu trois ans de bonheur, mais pas d'enfants et puis malheureusement il s'est fait renverser à vélo et après elle n'a plus « regardé » d'autres hommes.Petit à petit, elle a pris la relève de ta grand-mère. Elle faisait des travaux de couture pour des particuliers ; beaucoup de robes de mariées, c'était sa spécialité. Le temps a passé, imperceptiblement. Te souviens-tu de son grain de beauté, au coin de la joue qu'elle appelait « son papillon du sourire » ? De ses mèches rebelles ? De ses éternelles blouses bleues ? Des ciseaux attachés par un cordon autour de son cou ? Tu aimais aller chez elle, elle te prodiguait une impressionnante quantité d'histoires et de gâteaux au chocolat. Et elle t'avait cousu toute une famille de poussins en velours que tu as longtemps traînée un peu partout. Et aussi, tu arrachais toujours les bouts de fils qui se collaient à ses vêtements.

 

Puis nous avons déménagé. Elle n'aimait pas téléphoner. Ni elle ni moi n'aimions les longs trajets en voiture. Nous nous sommes presque perdues de vue.

 

La dernière fois … Je n'en ai jamais parlé, même à ton père. Depuis l'avant dernière fois, elle avait pris un gros coup de vieux. Elle tremblait imperceptiblement. Ses vêtements étaient légèrement en désordre. Elle m'a raconté que le matin même elle avait voulu recoudre un bouton sans réussir à enfiler une aiguillée. Mot à mot, elle m'a dit : «  Aux vieux ouvriers, de vieux outils. Mes ciseaux sont émoussés ; je n'ai pas réussi à avoir une coupure nette du fil ; impossible de le rentrer dans le chah de l'aiguille. Impossible. Quelle galère de vieillir ! » Et sans transition, elle m'a demandé des nouvelles de Sarah et de toi. Et puis à mon départ elle a voulu de toutes forces que j'emporte le collier de Maman. Le lendemain on l'a retrouvé morte dans son lit. Avait-elle pris des cachets ? On ne sait pas. Je ne sais pas. Pour ma conscience, j'espère que non, mais si elle l'a fait, maintenant je suis apaisée à ce sujet. Je garde ta tante Lilli dans mon cœur.

 

Cher fils, profite bien de chaque instant de bonheur. Je t'aime.

 

Maman

 

 

Le blog d'AniLouve

commentaires

M
Pour que le neveu demande des détails de la vie de tante Lilly c'est qu'au fond de son esprit et de son cœur elle avait une place privilégiée et c'est la plus important. Oui, vieillir est parfois une épreuve insurmontable...
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J
C'est vrai que la vie fait se perdre de vue, longtemps voire toujours... Essayons de se revoir en fut-ce qu'une ou deux fois l'an... et puis ça fait plaisir aux personnes âgées de la famille ,-)
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