Le vent tourne et te frôle. Sa caresse te surprend et tu penses à d'autres caresses plus lentes, plus appuyées. Tu te détaches
doucement de ces pensées, tu laisses le vent se ramifier sur ton corps éveillé. Tu laisses la fraîcheur te saisir telle une houle et le souffle s'égarer sur ta peau.
C'est une heure étrange où le monde semble s'inverser. Tu refuses journal, radio, télé, pour un temps. Il y a tant de cris d'oiseaux
passants, tant de murmures et de bruissements de feuilles, tant de folles joies dans tes images, que tu retiens le temps présent dans l'illimité.
Les collines vigiles semblent élevées pour toi, elles sont à ta mesure. Berceau incliné, de sources et de pierres, d'arbres et de
mousses, berceau où tu as toujours voulu naître, où tu renais. Les racines éparses, les rocs erratiques sont doux pour tes pas. L'humus, ta terre, attend que tu t'arrêtes, que tu
t'offres.
Là-bas, le fleuve coule d'arche en arche, de pont en pont. Il atteindra la mer bien après toi. Tu portes la tienne en ton sein, en
ton ventre large, parmi tes froissures, tes espérances et le fouillis de ta vie.
Voici ta route, unique et pourtant semblable à toutes les routes. Étranges, étranges routes des hommes qui cheminent entre songes et
veilles, entre ardeur et repli. Voici ta route, courbe douce, obsédante.
Tu vas lentement vers le matin, la quiétude, tu vas dans l'unique résonance de tes pas.
Dusha