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23 février 2011 3 23 /02 /février /2011 06:30

 

 

Un beau jour, il a décidé qu'il n'avait plus de temps à perdre. Il s'est mis un pari sur le dos, un pari fou, un pari encombrant mais têtu comme il est, il refuse toute concession.
Avant sa mort dont il ne connaît ni l'heure ni les modalités ce qui le rend fébrile, il veut lire dix mille romans. Si l'on considère qu'un roman moyen de 200 pages peut être lu en une demi journée, que deux romans font la journée complète...il est encore loin du compte. Pour pouvoir s'adonner à sa passion, deux choses sont essentielles : le guiness des records qui le finance chaque mois, juste assez pour vivre chichement, et sa femme. Pleine d'amour et d'admiration, elle avait pris le début de cette lubie comme un signe de grande intelligence. Mais depuis deux ans, elle commence à s'essouffler. Elle doit l'habiller, le déshabiller, le nourrir, le laver, semblable au bébé qu'elle n'avait jamais pu porter. Elle a aimé cette servitude au début, un peu la mère toute puissante. Mais le « bébé » est lourd, encombrant et surtout sans plus aucune marque de tendresse. Ses maux de dos s'aggravent, elle n'arrive plus à se consacrer du temps à se pomponner et puis qu'importe il ne le remarquerait même plus. Elle ne pensait pas au début qu'il s'accrocherait aussi longtemps. Elle ne lui connaissait pas cette opiniâtreté. Tout au plus un mois puis il reviendrait à des marottes moins contraignantes. C'était sans compter l'addiction des mots et du plaisir de lire. Chaque roman, qu'il prend les plus divers possibles, lui procure tant de bonheur qu'il ne peut plus s'en défaire. Deux ans, 730 romans seulement, encore 11 ans et quelques brouettes à s'échiner comme un âne de trait, sans aucune gloire ni reconnaissance.
C'est en le nourrissant ce jour, vêtue d'une mauvaise robe élimée, qu'elle prit sa décision. Elle abandonnerait cet homme pas plus tard que ce soir. Quand il se couche, elle met un point final au rangement, pour une dernière fois, vide la boîte en métal remplie de l'argent du mois, revêt un châle sur ses cheveux et s'habille des vêtements du dimanche. Un dernier regard derrière elle, sans un regret. Un papillon enfin libéré de sa chrysalide. Elle montera dans le premier train qu'importe la destination.

 

Anoster

commentaires

D
<br /> <br /> J"ai adoré !! Bravo<br /> <br /> <br /> <br />
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M
<br /> <br /> Tout passe, tout casse, tout lasse. Peut-être aurait-il du lire des livres traitant des relations homme-femme ? Mony<br /> <br /> <br /> <br />
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G
<br /> <br /> Schopenhaueur dis que tout homme doit vivre sa propre folie, celle-ci en est une. Bravo pour le style<br /> <br /> <br /> GéS<br /> <br /> <br /> <br />
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O
<br /> <br /> Quelle imagination ! elle aurait peut être pu se douter que pour avoir ce genre de lubie, il faut etre vraiment dingue !<br /> <br /> <br /> Elle a d'abord admiré, s'est résigné, a supporté pour finir par se barrer... elle aurait dû commencer par la fin !<br /> <br /> <br /> <br />
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I
<br /> <br /> mais quand comprendront-ils qu'on n'est pas leur mère ?<br /> <br /> <br /> mais quand cesseront-elles à se prendre pour ?<br /> <br /> <br />  ce texte pointe bien cette ambiguïté, l'acceptation de départ, la compensation et puis le trop plein.<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Ainsi les mots nous portent..à notre porte.<br /> <br /> <br /> <br />
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J
<br /> <br /> le bonheur des uns fait le malheur des autres alors des portes claquent...<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Une façon très originale d'illustrer que parfois " trop, c'est trop ! "<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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