Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 10:58

 

 
Bon, il n’en n’a pas fini avec toutes ses salades, celui-là ?... Tu parles d’un laïusseur !... Dites, jeune homme, il faudrait peut-être mettre un peu de gaudriole dans votre après-midi pour réjouir le mien !... 
 
Maman m’avait bien dit de me méfier des beaux parleurs !... Eux, quand ils ont les pieds sur terre, ils ont encore la tête dans les étoiles !... Elle avait raison : ils ne pensent jamais à embrasser !... Il leur faut la lune brillante et tous ses quartiers ou le parfum des fleurs et leurs fragrances, la chanson des oiseaux et leurs partitions ou le glouglou d’une source proche et ses murmures de rochers affleurant !... Dites l’artiste : vous attendez un arc-en-ciel pour m’embrasser ou quoi ?... Parce que je vous signale qu’il n’y a pas d’orage en vue !... J’aimerais tellement que vous tourniez votre langue dans ma bouche plutôt que de la laisser divaguer le temps infini de vos impressions de guide touristique !...
 
C’est bien la peine que je me sois mise sur mon trente et un !... J’ai perdu une heure à ajuster ce chapeau !... Et toutes les attaches de cette robe : un véritable labyrinthe de boutonnière !... S’il me déshabille, avec tous ces difficiles boutons, il ne se rappellera plus pourquoi il a commencé !... C’est pour cela que maman m’a recommandé cette toilette !...
 
Mais, ce n’est pas un homme, c’est une véritable carte postale !... 
 
Et voilà qu’il me raconte Paris et sa banlieue, ses fontaines et ses monuments, ses trésors et ses palais !... C’est l’Arc de Triomphe, le boulevard Haussmann, la rue de Ravioli (j’aime bien), les nouveaux Champs-Élysées !... Mais, monsieur le baratineur : je m’en fous !... Il veut peut-être m’effeuiller avec toutes les marguerites du Jardin des Plantes !... Un peu, beaucoup, passionnément, à la folie, tu parles… La source de la Seine ?... Je m’en fous !... Le jardin des Tuileries ?... Mais je m’en fous !...
 
Ben, en tout cas, ce n’est pas le père Lathuille qui en est le gardien !... Il surveille sa terrasse comme si on allait lui piquer les rayons du soleil !... Celui-là, avec ses rouflaquettes et sa théière en bandoulière, il fait fuir les moineaux avant qu’ils n’aient quelques velléités de grappillage de mes miettes. Je le verrais bien épouvantail officiel à Versailles, planté au milieu des plates-bandes royales… Avec son torchon replié sous  l’épaule, on dirait un mauvais ange avec les ailes froissées…
 
Et, maintenant, ces bottines qui me font mal aux pieds !... A force de remonter tous ces boulevards, cette balade virtuelle m’a fatigué les jambes !...
 
Hé bien, voilà qu’il prend mon verre maintenant ! C’est sûr, il a soif à force de tous ses boniments !... Quoi, mon zouave ?... Que nous allions jusqu’au Pont de l’Alma ?... A la nage ?... A la rame ?...  Mais, je n’ai pas besoin d’un guide : du Sacré Cœur, je préfère un joli cœur !... Au Bois de Vincennes, courons la prétentaine !... Au bois de Boulogne, osez la besogne !... Quitte à rester assise, emmenez-moi donc visiter les allées du Père Lachaise… Dites, vous n’auriez pas un peu envie de m’embrasser aussi ?... Ca serait tellement mieux que toutes vos histoires de titi parisien…
 
Vous êtes peintre ?... Vous, ce sont les couleurs qui vous enivrent ?... Dites, vous ne seriez pas un peu puceau sur les bords ?... A force d’énerver votre pinceau, c’est le rouge qui domine sur votre figure de godelureau… Je pourrais vous susurrer la source de mon plaisir mais j’aurais trop peur de vous voir en fuite !...
 
Et il faut toujours qu’il en rajoute : c’est une vraie pipelette !... Quoi ?... Montmartre ?... Que je monte là-dessus et je le verrai ?... Heureusement, des troupes de martinets égayent le moment !... On dirait que cela lui coupe le sifflet !... Il inspire pour m’affubler d’une autre des ses tirades !... Charmeur, embrassez plutôt mon cou, voyez comme il frémit !... 
 
Quand même !... Il pourrait tenter de passer une main sous ma robe !... Il pourrait jouer avec les rubans et les dentelles, s’encanailler avec l’élastique de ma jarretière ou s’affoler avec la tiédeur du tissu, mais non !... S’il m’emmène dans le noir, c’est sûr, il va me faire visiter des catacombes !...
 
J’espère que ce n’est pas mon parfum qui le retient : c’est du Guerlain !... Il m’a coûté une petite fortune au Bon Marché !... Une heure de queue pour ces quelques gouttes d’attrape-nigaud !... Il est peut-être allergique ou il a le nez bouché, mon matador...
 
Et cet abruti de Lathuille qui mate nos environs !... Il prend un ticket ou quoi ?... Arrête de baver, satyre, y a rien à voir !... Mais oui, je mets l’appoint sur la table !... Ce n’est pas mon romantique qui pourra s’affranchir de mon ardoise. Tout son or, il l’a placé dans ses yeux de chien battu et il est riche… le bougre…
 
Moi, j’avais juste envie de danser !... Je voulais un cavalier pour aller guincher dans un bal des Batignolles !... Un qui ne me marche pas trop sur les pieds, un qui fasse plaisir à regarder, un avec des jolis biscotos, un qui puisse me ramener à la nuit tombée !...
 
Il est peut-être impressionné, mon… impressionniste... Il a une muse dans son viseur et il la place au centre de la cible de son cœur… Il ne sait peut-être pas danser, mon séducteur dominical. Hé bien, emmenez-moi donc sur les chevaux de bois ! On fera une course !... Au moins, je toucherai un pompon… Ou alors, nous n’avons qu’à aller nous balader au parc Montsouris. On regardera pousser les fleurs en nous extasiant des abeilles butineuses, des papillons frondeurs et des bourdons entremetteurs. S’il a de l’audace, il me prendra la main, s’il a du courage, il me prendra la taille, s’il a de l’inconscience, il me parlera d’amour…
 
Rangez vos pinceaux, jeune enlumineur ; des timides nus de vos tableaux, vous allez préférer mes originaux ; des sensations multicolores, vous apprendrez les tourments de mon corps et, à vos œuvres picturales, vous rajouterez la dimension des chansons de mes râles…
 
Allez, je vais lui faire mes yeux charmeurs, les pétillants, les caressants, ceux qui m’ont valu trois fiancés sous-officiers et une pléthore d’amants officieux, au grand dam de… maman…
 
 
Pascal 

commentaires

C
Pas folle, la grisette !
Répondre
M
Je lui fais confiance, elle arrivera à ses fins...J'aime le petit côté "nature" de cette donzelle !
Répondre
J
savoir écouter est un art...quand on a des projets paillards !
Répondre
P
C'est mignon :)

  • : Mil et une, atelier d'écriture en ligne
  • : atelier d'écriture en ligne
  • Contact

Recherche

Pour envoyer les textes

Les textes, avec titre et signature, sont à envoyer à notre adresse mail les40voleurs(at)laposte.net
 

Infos