De cet angle de la pièce, je ne voyais pas la console. Ni le miroir immense qui surplombait le meuble. Je m'étais légèrement accroupie pour revoir, de ma hauteur d'enfant, ces trois flacons alignés.
Effet d'optique étrange et amusant que ce vaporisateur ambré,multiplié dans le tain du miroir.
J'eus envie de rire. Comme je le trouvais vieux... Déjà, du haut de mon enfance, je n'aimais ni la couleur ni la forme du flacon. Il racontait à mon âme jeunette la fin d'une autre vie. Des mains ridées qui le prenaient amoureusement. Voulaient me faire goûter, comme un privilège rare, le dernier acte d'une vie de lumière qui s'étiolait lentement.
Je n'aimais pas cette odeur lourde à base de jasmin. J'avais envie de vivre, de courir, de humer l'herbe des champs et le parfum des coquelicots.
Tous ces effluves libres, prisonniers d'un flacon ? Jamais !
Il m'a fallu grandir... grandir... grandir encore pour libérer chaque matin, à la base de mon cou, un bouquet odorant, fin, libre, libre comme le vent et captif d'un flacon tout simple.
Il s'appelle Brindille. N'a pas de particule. Et me suis chaque seconde... fidèle...
Christiane