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29 avril 2014 2 29 /04 /avril /2014 17:25

 

Cher préposé aux monuments et statues,

Je suis une sculpture de façade, je suis L’Homme Accoudé. Je suis certes reconnu et c’est au nom de cette réputation que je me permets de vous solliciter. Je convoite un changement de statut, il semblerait que ma requête soit honorable. J’ai quelques relations qui occupent des rebords, des corniches, des frontons, nichent dans des habitacles, surplombent des stèles et des piédestaux, habillent des bas-reliefs et caetera… Ils m’ont fortement inspiré quant à mes préoccupations. Les Gargouilles de la capitale, que je me plais à fréquenter, ont obtenu gain de cause. Elles étaient fortement indisposées par les particules fines qui leurs colmataient les ouïes qu’elles ont tout aussi fines… La circulation alternée des véhicules parisiens, ce sont elles ! Je n’omettrais pas non plus de vous rapporter que Le Penseur est déplié régulièrement depuis qu’il s’est épris de Thaï Chi Chuan et les Colonnes de Buren ont des envies d’itinérance, leur dossier devrait être considéré en commission extraordinaire incessamment. L’information doit rester confidentielle, chut! un jet privé est affrété régulièrement pour que La Joconde puisse se rendre en Italie visiter le fils qu’elle a engendré par l’entremise de Dino Buzzati peintre à ses heures, elle fût son modèle…Je sais, elle a obtenu une dérogation, elle n’intégrait pas le cadre de vos attributions, mais le monde sait votre érudition pour l’art pictural...et la longueur de votre bras.
Mais revenons à nos moutons… de Panurge qui ont bien failli me faire lamper le bouillon…Sacré Rabelais !
Je ne suis pas si mal agencé sur mon rebord de façade, même si j’ai quelque peu souffert du dernier sablage… il a induit sur mon visage un érythème redoutable, nanties furent mes oreilles couvertes ! Je n’ai jamais été si grenat qu’au temps de l’épidémie de peste en quatorze cent et des pets de nonnes. Je ne peux souffrir les fraises sauvages, que nenni ! L’an fût à la fraise, les bois en étaient truffés… j’ai de justesse reçu l’extrême-onction de l’Archevêque d’Arles avant qu’il ne trépasse… Il fût saisi par la peste, je pâtissais d’urticaire et par conséquence fâcheuse, de détresse intestinale… la confusion me fait encore pouffer… J’ai toujours eu peu d’accointances avec ce pontife pompeux. Il a fait son dû, j’ai fait le mien en acceptant sa friction à l’huile rance…La dernière ! Foi de mécréant. Mais l’histoire est vieillotte … et mon érythème résorbé.
Mes préoccupations sont tout autres. Je vis à ce jour un inconfort quotidien depuis qu’un détaillant de glaces et sorbets a établi, à deux bâtisses de là, sur le pavé d’en face, son échoppe gourmande. Je n’ai rien contre les douceurs, bien au contraire… mais la donzelle qui manie là, la cuillère est des plus gironde. La coquette offre une gorge à la sustentation défiant les lois de mon vieil Archimède et je ne saurai souffrir davantage de la regarder sans qu’elle ne me remarqua plus qu’un pot en terre ou qu’un pavé de rigole ! Mais je ne vous ai point tout avoué. À un empan tout au plus se trouve une tisseuse de lingerie délicate, et de mon rebord, ma vision aboutit sur le cabinet des essais…Il suffit que je me penche de la pointe d’un pouce à peine et j’assiste alors …
Je n’en dors plus la nuit… je m’épuise, je ternis…
Je ne suis point de pierre ! Et je ne fût point un homme accoudé sans partie inférieure de tout temps, je traite de mes jambes qui m’octroyaient fière allure. Je fus statue entière avant qu’un obus de la grande guerre m’emportasse les chausses basses, les bandes molletières et tout ce qu’il y avait dedans…
Mais venons-en au but qui me conduit à vous...Et je sais par avance que vous saurez me satisfaire... Je convoiterais auprès de votre bienveillance une mutation en Province, dans un musée de campagne, une entrée d’hôtel même de petite ville me plairait tout autant. Statue d’intérieur me ferait le plus grand bien. Malgré la vigueur qui m’émeut encore, je vieillis... ma façade est fraîche la nuit. Oui, statue d’intérieur me siérait grandement, et si je puis abuser davantage de votre complaisance, pourrais-je y être dépoussiéré à l’ancienne, à la main, comme on le faisait avant, par une petite bonne en tablier blanc ?

Je vous en accorderai mon éternelle reconnaissance.

L’Homme Accoudé.

Jane Véronique 

commentaires

J
très original ! que voilà un homme qui n'est pas de bois
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M
Heureusement, il ne réclame pas encore le droit à la retraite:)
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A
J'espère qu'elle aura gain de cause cette statue. Original ce texte, j'aime bien :)
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P
Trés intéressant, un régal de lecture ! Les monuments historiques devraient facilement accéder à cette requête fort légitime ! :)
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J
Rémi?...RÉMI !!!
R
Un changement de "statue" inattendu, mais recevable.
J
jubilatoire...MERCI
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J
OUF ! je ne suis pas la seule victime des fôtes... ça fait du bien de le savoir, je frisais la paranoïa.
J
Josette, merci, Josette...Et je tiens à m'excuser quant à mes jolies fautes que je disperse en veux-tu... en voilà...Tralala...Et c'est de la belle faute grasse, bien nourrie, gavée à l'inattention...Si je ne m'en rendais pas compte ...ÇA ME RENDRAIT MOINS FOLLE ! <br /> Elles me sautent à la gueule dès que mon texte apparaît sur Mil et une...&quot;Coucou!!!! ON EST LÀ!&quot; Elles me narguent, me grimacent d'ironie, elles me &quot;piedent nez&quot; les mesquines!....AAAAAAaaahhhh!!!!<br /> JE RAGE ...JE PESTE...JE M'EN ÉTOUFFE DE COLÈRE... PAAAaaardooon....

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