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4 octobre 2015 7 04 /10 /octobre /2015 15:54

 

J'ai longtemps cherché la manière idéale pour rester irrémédiablement jeune. Une prise de conscience, très tôt, (que j'évalue à quelques milliers d'années, dans un soucis de précision et de lisibilité ) de cette sordide précarité qui constitue l'essentiel de notre condition, m'a finalement guidé vers une lumineuse solution ; toujours s'appuyer sur une inébranlable volonté !

Et depuis, rien n'y fait, je trace ma route, quoiqu'il m'en coûte.
Par tout temps, on peut me voir, drapé de certitudes, déroulant, sur toutes les terres vierges que je croise, mon infini rouleau de décisions et autres points de vue personnels.
J'ai fusionné, il y a de ça quelques années, propulsé par une adéquate révolution industrielle, avec des monceaux d'or et de bitume. Je serait désormais un avec celle que l'on n'ose nommer, mais qui le mérite amplement, soit, l'Immortelle Volonté !
Mais vous pouvez m'appeler Didier, le défricheur. J'ai su rester simple. Et bien, réjoussiez-vous, je reviens vers notre chère vieille Europe, toujours pétaradant de santé, après un long périple à travers le globe, les âges, et pratiquement aussi léger qu'aux premiers jours, pour parcourir quelques friches persistantes, toujours en basse campagne, qui soupirent dans l'attente des sillons et autres coups de boutoir, que l'inébranlable pouvoir de ma jeunesse éternelle n'a de cesse de leur donner.
J'entends, au loin, leur plainte :
- Didier, planifie nous pour l'éternité. Facilite les flux immémoriaux des pensées de tes semblables.
Comment, et pourquoi, résisterais-je à cet appel vibrant ? D'autant plus que je n'ai un peu que ça à faire. Et puis aussi, pour être sincère, j'ai tellement peur de m'ennuyer si je la perdais, cette splendide faculté, forgée par mes mains du néant. J'avoue que cette volonté est un outil incroyablement puissant et attachant, et force m'est de constater que j'en suis légèrement devenu dépendant. La sincère jouissance, quand je m'accorde une micro-pause, en contemplant derrière moi tout ce travail accompli, l'aplatissement de toutes difficultés que je mets gratuitement sous les pieds de l'humanité, non, c'est chouette, je suis pas le dernier des branleurs, ah ça non, et oui, je le redis, j'aurais du mal à m'en passer.
Mais cette force de caractère, qui fait que je suis ce que je suis, et sans qui donc je ne serais pas celui que je veux être, n'a jamais complètement fait taire une autre voix.
Au début, je la prenais pour un acouphène. Un murmure quasiment inaudible, un souffle inarticulé qui osait tenter me distraire de ma tâche. Il suffisait alors que je presse le pas pour la faire taire, que je descende un pichet de liqueur, que je distribue quelques orgasme à quelques passants et passantes en passant.
Et puis, de siècles en siècles, d'heures en heures, le son à gonflé, bataillant avec le bruit de mes machines intérieures que je poussais à pleine turbine, au paroxysme, dans leurs retranchement.
Aujourd'hui, c'est arrivé, elle me parle. Elle me dit :
Je suis la croisée des chemins. Ma voix, c'est la voix de la liberté. J'ai utilisé chaque seconde de ta vie pour me présenter devant toi. Et l'heure est venue, tu es enfin au sommet, devant toi, l'abîme. Mais te reste encore un instant pour te retourner, une dernière fois, sur ton voyage ; car je suis pas chiche, tiens te le pour dit.
Regarde, chaque route que tu as tracée dans la nuit, oubliant d'où tu venait, sachant très moyennement vers quel horizon tu te dirigeais, regarde ce qu'elle a changé pour tes frères. Ils te suivaient, gambadants pieds nus, un air de musique éternellement nouvelle s'échappait de leurs gorges, pour tout dire, ils glissaient sur le tapis que tu leur tissais, ils vivaient à genou, toujours derrière toi. Car ta route, qui n'est que ta route, elle ne s'efface pas derrière toi. Tu as scarifié tout l'univers et depuis, le monde entier navigue sur tes canaux de sang. Ce que tu as fait, tu ne l'a fait que pour toi, ce qui, à la limite, pourrait être tout à fait concevable, si cela n'avait amputer les milliards d'autres volontés sur lesquelles tu as pris le pas.
Tu dis que concevoir, bâtir, créer, avancer, c'est l'aboutissement de ta volonté d'être libre.
Mais tu es moins libre que le plus banal des rochers sur lequel tu t'assoies un moment, entre deux bouts de tes tâches malignes. Tu n'as rien validé, oubliant que l'air qu'inspirent tes poumons, c'est l'air le plus ancien qui se puisse, vieux comme le monde ; toi qui ne voulais que du neuf, ta vie se nourri de la mort, recyclée.
La liberté était déjà là. Mais la peur t'a fait tracer des chemins que tu as tous nommés liberté.
Alors qu'elle, elle n'a pas de nom, c'était juste ta vie, une parcelle de la Vie.
Tu n'avais qu'à la chérir, elle n'attendais rien d'autre de toi pour te l'offrir, cette éternité.
Et ne me dis pas que le temps t'a manqué. Le temps, sérieusement... Tu a bien su l'utiliser, le mêlant au salpêtre, au souffre, au sable et à la poussière.
Tout ça pour le durcir et le passer à bâtir tes empires.

 

 

Eric

 

 

sujet 41/2015 - clic

commentaires

M
Chacun trace sa route cahin-caha... qui sait par avance ce qui est le mieux ? <br /> Le titre m'intrigue !!!
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E
J'avoue, on ne sait pas... et c'est tant mieux !<br /> <br /> <br /> Le titre est un pied de nez. J'en avais prévu un, très explicite et définitif mais je n'aime pas ce qui est définitif. Quelque chose comme "la voix de la volonté n'est pas une voix de liberté". C'est vrai, qu'est-ce que j'en sais ? <br /> Alors, vu que le héros trace des routes depuis l'aube de l'humanité, vu que mes textes sont les seuls chemins que j'ai parcouru, j'ai mis en abime les 246443968747 routes qu'ils a tracé avec les 246443968747 textes que j'aurais pondu, si comme lui j’avais pu continuer éternellement cette vie.<br /> Et sans sans titre, car au final, je n'ai absolument aucune idée de ce dont je suis en train de parler !<br /> Merci de m'avoir lu !
E
Didier, le défricheur, chapeau ! voilà un souffle déjanté et surréaliste brillamment déroulé
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E
Yup, me suis un peu lâché ! <br /> C'est dur, je trouve, de partir d'une photo déjà bien surréelle. Je me sens plus à l'aise en partant d'une photo "normale" et trouver le petit détail qui va la faire basculer ailleurs. Mais là, on est déjà "ailleurs" ! <br /> En tout cas, merci d'avoir pris le temps de lire mon pavé !
C
Les chemins de la liberté sont souvent difficiles à prendre ! très beau texte !
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E
Merci beaucoup !<br /> J'ai essayé de m'inspirer des thèses de M. François Roustang dont j'avais bien aimé une interview radio. Malheureusement, j'ai essayé de le lire mais j'y comprends rien !
P
Le propre de l'homme : bâtisseur.
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E
On dit que ça l'occupe. Pendant ce temps là, il ne traine pas dans les bistrots ! :-)
G
Les voies royales, comme l'enfer, peuvent être pavées de mauvaises intentions. Il est des routes pour guider et d'autres pour fourvoyer !
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E
:-) aucun soucis, vraiment !
G
Eric, mes intentions étaient bonnes, mon attention l'était moins, pardon ! ;)
E
...heu, de bonnes intentions, plutôt, d'après les textes ?<br /> Les mauvaises intentions, c'est direct chez le père Géhenne, y'a pas d'arrangements !<br /> En tout cas, merci de m'avoir lu, vraiment

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