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2 avril 2019 2 02 /04 /avril /2019 14:04

sujet 13/2019 - clic

Toujours célibataire, sans enfant, et presque au désespoir…..
« Pour se changer les idées, rien ne vaut un petit séjour à la campagne !" Une idée de son médecin généraliste. Il évoque les cerisiers en fleurs, la sérénité, les petits oiseaux, les fleurs et l'herbe verte. Il lui assure qu'elle reviendra requinquée d'un séjour rural vivifiant. Elle, elle n'aime pas la campagne, c'est comme ça.
 
Mais, elle a besoin de se décrasser les neurones, elle l'admet et se met en recherche d’un gite rural estampillé.
Elle prend la direction forêt, fleurettes, et verdure, le cœur plein d'espoir malgré tout. Elle arrive enfin dans la verdure, destination repos.
Voici le hameau, enfin ! Elle relis ses notes et ne comprend pas, elle cherche un individu pour s'informer au mieux : « après la bâtisse en rénovation du père Chauffier, tourner à droite et rouler jusqu’au bosquet de chênes. Puis tourner à gauche et prendre la petite route, il n’y en a qu’une, rouler jusqu’au bout, c’est là et faites attention le chien est très con ! » C’est un papy, assis devant une grange, qui lui a donné des précisions complémentaires. Le chien très con est attaché. Ouf !
Bonjour, présentations, visite du jardin biologique, installation. Les propriétaires sont accueillants.
Elle attaque son séjour, changement d’idées sous oxygène, par une promenade à l’air pur. Il y a des arbres. Premier constat. Il a plu dru sur les cerisiers, ou autre espèce, en fleurs. C'est joli, bon, mais désert et il faut éviter la bouillasse du chemin creux.
Elle alterne, clopin-clopant, une flaque évitée, une autre molle dans laquelle s'enfonce ses boots en cuir fauve.. Le chemin creux est raviné par les pluies martiennes, qui précèdent les orages d’été. Les orages de mars suivent l'époque de la neige fondue, après la galette des rois. Elle ne mange pas de galette des rois, un e question de calories.
Il fait froid sous le pâle soleil. Elle a le ciel sur les godasses. Sous ses semelles, colle la glaise. Elle a décidé de trouver tout ça charmant, et elle respire le bon air pleinement.
Encagoulée, emmitouflée, emmitainée, écharpée et bottée, le nez rouge les doigts glacés et des névralgies dans la mâchoire, elle hume avec gourmandise le bon air. C'est le printemps, profitons !
A la campagne, on fait de grands feux joyeux dans la cheminée. Dès son retour, elle se love dans un canapé devant la flamme brûlante. Mais le bois, il faut le couper, le stocker, le scier…donc l’économiser, CQFD ! Elle comprends donc qu’elle ne peut pas en profiter toute la journée. De toutes façons, elle a le cul froid et les genoux brûlants, c’est bizarre cette sensation. Elle s’accorde un temps recto-verso, comme sur la plage pour bronzer.
Ce qui est merveilleux à la campagne, c’est de se réveiller, et d’entendre le doux bruit de la pluie crépiter sur le toit, alors qu’on est enfoui sous des tonnes de couvertures bien chaudes. Ce qui est ennuyeux à la campagne, c’est qu’il est impossible de passer des vacances au lit sous les couvertures, et qu’une fois dehors, la pluie qui crépite, mouille.
Pour se réchauffer, elle grignote. elle grignote des beignets aux pommes, des gâteaux de semoule fait maison, du civet aux pommes de terre sautées, des tartines de confiture bio, affalée dans un fauteuil en osier, enroulée dans un châle en pure laine.
Un arc-en-ciel soudain ! Jésus Marie, quel bonheur ! C’est le moment de sortir ! Elle s’en va photographier, sur quelque branche là-bas, les branches de cerisier par exemple, quelques gouttelettes transparentes comme l’esprit divin.
Elle grimpe sur le talus, elle glisse, elle grimpe à nouveau, grimaçante de douleur à cause de sa cheville foulée à l’instant, elle clique sur son numérique et clac ! Plus de pile dans l’appareil !
Mordel de berde ! Le marchand de piles se trouve à 25 km. Elle sort la voiture et elle roule doucement, le soleil en pleine tronche, car il fait enfin soleil, juste pour l’emmerder.
Elle évite de justesse le tracteur du père Machfoin, c'est elle qui le surnomme ainsi, elle est en colère, car elle croit qu'il lui fonce dessus, c’est du moins l’impression qu’elle en a car la brillance de la route l’empêche d’apprécier les distances.
Elle écoute un CD sans arriver à chantonner, à cause des pointes de feu qui brûle dans sa cheville malmenée.
Un troupeau de mouton plus loin, elle fait demi tour. Elle ne prendra pas de photo, elle fera des dessins !
Elle rentre se soigner.
A la campagne, on mène une vie saine. Elle ne s’esquinte pas la peau à se frotter sous la douche, elle fait vite, elle règle sur chaud, l’eau sort bouillante, hurlement de douleur, ensuite, elle essuie ses cloques avec précaution près du lavabo glacial. Merveilleux contraste, hum, son médecin lui dirait qu'elle "en rajoute".
A la campagne, il n’y a pas internet, car ça n’est pas écologique. On médite sans doute…Elle apprend qu’au bout du village, elle peut se servir de l’ordinateur, celui du café tabac. Elle fonce. Le temps de cliquer pour accéder à sa boite e mail, ça tourne, il faut patienter, le débit est lent…Elle commande des bananes flambées et elle boit trois bières. Enfin ! elle peut ouvrir sa boite mais impossible de se souvenir de son mot de passe ! Merde.
Elle rentre par le petit chemin raviné, décidant qu’Internet finalement c’est pas du tout important.
Elle est fatiguée. Le grand air, c’est bien connu, ça défatigue mais aussi ça fatigue !
Le manque d’habitude, quand on respire de l’oxyde de carbone toute les saintes semaines.
Au bout du quatrième jour de pluie tenace, elle rentre chez elle, énervée, découragée, exténuée, dans son appartement merveilleusement surchauffé.
Elle tousse autant que la dame aux camélias. Pire encore même ! Elle allume sa télé, son PC, elle fait couler un bain moussant et elle appelle son médecin car son thermomètre affiche 40°.
En sortant de son bain, elle glisse sur quelques feuilles, décollées de ses bottes campagnardes, elle tombe, et une cheville cassée plus tard, aux Urgences, elle entend le médecin des urgences dire « vous êtes bien pâlichonne, vous devriez vous offrir un petit séjour à la campagne, ça vous requinquerait».
 
 
Le blog de France Lacoste

commentaires

E
épatant ! un texte alerte, un brin cynique, plein d'humour et formidablement bien écrit
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M
Quand on n'aime pas la campagne, il vaut mieux la fuir, et pour cette femme changer de médecin(s) et se faire prescrire une bonne sortie en boîte...
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L
C Drôle comme tout et bien vu...;Elle aurait dû quitter ses bottes avant d'entrer dans la baignoire, cette jeune citadine... C'était le baptême, comme en mer ... Mais au bout d'un temps, on s'y fait à la campagne !!
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G
et encore, elle l'a échappé belle, le chien était attaché !!!! la campagne quand on n'est pas habitué, c'est à petite dose, sinon on risque l'hyper oxygénation ! pôv !
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A
Oui ça sent le vécu, c'est extrêmement drôle et formidablement raconté, d'une plume vive et réjouissante. J'ai adoré, tiens, je vais me faire un thé brûlant pour arroser ça!
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F
Antoine, un petit morceau de moi dans cette citadine...
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A
J'aime bien ce récit d'une citadine qui découvre peu à peu les joies et surtout...les désagréments de la vie à la campagne. La fin est très réussie également, amusante et inattendue !
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V
La campagne, ça se mérite et ça n'est pas donné à tout le monde !<br /> J'ai bien ri à l'infortune de cette citadine
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F
Tu as raison Vegas sur Sarthe, j'ai une amie qui habite du côté de la foret de Chinon, elle m'a toujours dit ça "la campagne, ça se mérite !" Je crois bien que je ne mérite pas...

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