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20 août 2020 4 20 /08 /août /2020 19:36

sujet 29/2020 - clic

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Comme souvent, les soirs d’été, elle est assise dans le grand fauteuil d’osier sur la terrasse, et elle essaie d’entendre le ressac. Mais il y a encore des promeneurs le long de la plage, des rires qui fusent, quelques voitures qui passent. Dans l’ombre sa silhouette s’auréole de la lumière des lampes dans le salon où il fait ses mots croisés. Elle, elle laisse le flot des souvenirs caresser sa mémoire, presque toujours les mêmes, toujours aussi doux… Légers comme des bulles de champagne, frais comme un souffle d’août, chauds comme une étreinte. Du bout des doigts elle joue avec le pendentif à son cou.

Comme aujourd’hui c’était l’été, comme ce soir il faisait bon. Elle avait voulu un tête-à-tête avec les étoiles et avait attendu que tout s’apaise pour descendre jusqu’au bord de l’eau, dans la douce lumière d’une lune encore pleine. Il y avait ces deux rochers, comme des fauteuils d’orchestre et elle s’était assise. Perdue dans sa contemplation, elle avait sursauté, plus de surprise que de peur, en entendant un toussotement discret. Un garçon était un peu en retrait de l’autre rocher et la regardait. Elle avait discerné son sourire et le lui avait rendu avant de lui accorder la permission de s’assoir. La scène était vaste et le spectacle méritait un public. Ce soir-là ils n’échangèrent que des banalités d’usage, mais elle avait apprécié qu’il évite de trop parler, de questionner.

Sans s’être donné rendez-vous, ils s’étaient retrouvés à la même heure et au même endroit le lendemain, puis les soirs suivants, jusqu’à la fin des vacances. Depuis la première rencontre ils s’étaient confiés, avec retenue d’abord, puis avec la spontanéité de leur jeunesse, sans plus trop se préoccuper de troubler l’harmonie de la nuit. Entre deux blagues et deux fous-rires, il lui avait pris la main et ils avaient levé les yeux en pariant qui compterait le plus d’étoiles. Il lui avait déclaré alors qu’un jour il l’emmènerait déambuler sur la voie lactée. Elle l’avait regardé au fond des yeux et ils s’étaient embrassés. Bien sûr, ils s’étaient juré un amour éternel, mais demain chacun rentrerait chez lui jusqu’à l’an prochain. La veille de la séparation, ils étaient allés à la fête foraine et dans une machine à sous il lui avait gagné une chaînette argentée où brillait une petite larme de verroterie bleue nuit. Elle avait promis de ne jamais s’en séparer. Ils s’écriraient, se téléphoneraient et se retrouveraient dans quelques mois. Peut-être…

Elle avait reçu une carte postale qui représentait deux blocs de granit rugueux cernés par l’eau. Au dos il avait seulement écrit «  Regarde, je viens seul m’assoir sur cette pierre où tu la vis s’assoir ».

Un an, c’est long… La vie vous entraîne dans son tourbillon, le temps vous rattrape, vous happe, vous échappe…

C’est tout cela qu’elle laisse remonter ce soir encore, avec beaucoup de tendresse, les yeux perdus dans l’immensité du ciel. Un pas résonne dans l’entrée et son mari la rejoint. Il lui pose un grand châle en angora sur les épaules, il fera un peu plus frais cette nuit.

 

- A qui penses-tu, Chérie ? A moi ? demande-t-il en riant.

- Oh non, bien sûr ! répond-t-elle en se levant. On y va ?

 

Sur la plage, deux rochers sont unis par la chaîne de deux mains enlacées. Comme la première étoile filante griffe le ciel, il se lève et passe derrière elle. Doucement il soulève ses cheveux :

 

- Il est plus que temps de remplacer ce bijou, ne crois-tu pas ? murmure-t-il en décrochant le pendentif pour le remplacer par un magnifique saphir et embrasser le cou offert.

 

Comme elle se laisse aller contre lui, il questionne, dans le creux de son oreille :

 

- Tu veux bien me dire à quoi tu pensais, tout à l’heure ?

- A nous, dit-elle en le regardant tendrement.

- Y a-t-il quelque chose que tu regrettes ?

- Oui, une… Tu ne m’as pas encore emmenée en ballade sur la voie lactée !

- Nous irons un jour, mon amour, mais plus tard, bien plus tard si tu veux bien…

 

Là-haut, les Perséides dansent un ballet échevelé.

 

 

Le blog de Galet

commentaires

K
On est sur les hauteurs. Grand bravo !
Répondre
G
Très gentil, merci !
C
Quel magnifique texte !!!
Répondre
G
Merci Colette.

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