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24 juin 2021 4 24 /06 /juin /2021 15:52

sujet 19/2021 - clic

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A la lisière du jardin, Grand-père râlait tous les ans, ronchonnait sur ce foutu hortensia que Grand-mère avait planté là sans son accord. Elle avait dit en le plantant :

-          C’est mon cadeau au jardin. Ainsi, il ne m’oubliera pas. Je suis Hortense, il est hortensia.

Tous les ans ce foutu hortensia s’étalait de tout son long, prenait ses aises sur le carré de patates qu’il avait méticuleusement tracé, soigneusement amandé, amoureusement planté, patiemment butté et régulièrement biné.

Le jardin de Grand-père était son domaine. Personne ne pouvait y mettre un pied, sauf nous, ses petits-enfants. Avec nous, il aimait faire le tour des planches de salades et de carottes, de choux et de navets, de fraisiers et de tomates, du carré d’herbes pour la cuisine de Grand-mère et de toutes ces merveilles qu’il faisait pousser avec son savoir-faire et son amour et nous expliquer pourquoi il mélangeait certaines espèces et pas d’autres.

Et puis lorsqu’on approchait du carré de patates, il bougonnait. Toujours ce foutu hortensia qui développait ses énormes fleurs indigo et rongeait l’espace dédié aux précieuses tubercules pour tenir tout l’hiver. Et nous de lui demander à chaque fois :

-           Pourquoi tu râles Grand-père ?

-         Ce foutu hortensias ! Si ça continue, je pourrai plus planter des patates ici ! Mais où je vais les mettre ? J’ai plus de place moi !

 

Mais, jamais il n’y aurait toucher, hormis pour le tailler à chaque printemps.

 

Lorsque je suis devenu plus grand, je passais parfois voir mes grands-parents. Et puis Grand-mère s’en est allée.

 

Un après-midi, lorsque j’ai poussé le portillon branlant, j’ai trouvé Grand-père collé tout contre l’hortensias. Inquiet, je lui demande ce qu’il fait là, presque entremêlé dans les branches.

 

-          J’écoute. Me répondis-t-il.

-          Tu écoutes ?

-          Oui, j’écoute et je respire.

-          L’odeur des hortensias ? Demandais-je.

-          Non, ne sois pas sot ! Il ne sent rien.

-          Alors quoi ?

-          L’odeur du pétrichor.

-          Pardon ? Dis-je stupéfait. C’est quoi ça ?

-          Le parfum de la pluie.

-          Ah !

-          Viens. Sens ! Tu ne remarques rien ? Me demande-t-il après un moment.

-          Si, ça me rappelle quelque chose. Mais je n’arrive pas à retrouver quoi.

-          C’est l’odeur de Grand-mère. Elle sentait exactement pareil.

 

Et nous restâmes là, tous les deux, coincés dans l’hortensias en nous rappelant Hortense..

 

L'Entille 

commentaires

L
Merci M'ame Galet.
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G
Hé ben voilà, c'est exactement pour ça qu'a été créé "Pétrichor", de la maison Leprince ! Loin du jardin, ce jeune homme pourra encore se blottir dans l'odeur de sa grand-mère et par ricochet évoquer son grand-père, le râleur au coeur tendre. Un beau texte M'ame L'Entille !
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