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1 janvier 2012 7 01 /01 /janvier /2012 14:24

 

Sa main chaude enserrée dans la sienne elle a chuchoté à son oreille. Doux gazouillis d’amour, mélopée venue du plus profond de son être, pacte entre elle et lui, lui et elle.
Un dernier baiser, un dernier regard et la double-porte s’est refermée.
Elle dans le couloir, lui parti là-bas vers l’inconnu.
Un faible gémissement est sorti de sa gorge et son corps jusque là tendu s’est soudain affaissé sur lui-même. Un instant, un instant seulement.
Une voix en elle, impérative, l’appelait au dehors, loin de ce lieu où ils avaient survécu ces derniers jours.

Sa voiture garée sur le plateau, elle a enfilé la vieille parka et la paire de chaussures de marche qui veillaient toujours dans un coin du coffre. Un pas guidant l’autre, elle a marché le long des chemins de terre, traversant des landes et des bois encore roux de cet automne qui ne voulait pas céder sa place à l’hiver en ce premier jour de l’année.

Tour à tour, elle a poussé le landau dans lequel il était endormi, la poussette où il gigotait impatient puis le vélo où il était assis, joyeux, derrière elle. Elle l’a aidé à cueillir des myrtilles et des champignons.
Ecoute, le geai nous a repérés !
Regarde, un écureuil !
Curieux de tout, souvent plongé dans ses livres, il lui a appris à distinguer les arbres, les traces du gibier, à observer le ciel.
Le vent change ! Demain il pleuvra !
Déjà, il sortait avec ses copains, ses petites amies et elle marchait seule, sereine. En juin, si tout se déroulait bien, il obtiendrait son diplôme d’ingénieur agronome.


Arrivée au belvédère surplombant la vallée, elle s’est assise sur un banc. La ville en contrebas digérait les derniers évènements, bulles de champagne et cotillons pour les uns, mal de tête pour d’autres ou encore vide sidéral…vide…. vide…
Ses pensées se sont envolées vers les équipes médicales toujours sur le pont malgré les jours de fête puis, doucement, ont apprivoisé la réalité de ces êtres qui bientôt seraient soulagés grâce aux dons des organes de son fils et alors seulement les larmes ont perlé et se sont libérées.

Pourquoi ce tireur fou au marché de Noël ? Pourquoi en plein centre ville à l’heure de la fin des cours ? Pourquoi ces armes de guerre, ces éclats de grenades ? Pourquoi autant de blessés, de morts ? Pourquoi son fils pris dans ce traquenard insensé ?

Elle a regardé sa montre.
Il avait encore besoin d’elle pour sa dernière étape.
Elle a changé de chaussures et a repris la route vers l’hôpital.

 

Mony

commentaires

A
<br /> Tu vois Mony j'avaias copié collé ton texte sur une page en pensant faire un rebond sur tes mots ( on aime ça toutes les deux ) et ça dort au brouillon et je n' y suis pas arrivée !  Tu nous offres un panaché entre actualité et fiction, entre calme<br /> et violence, entre souvenir et action et il est difficile d'aller plus loin dans l'émotion qui se dégage de cette lecture.<br />
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C
<br /> Egale à ce que tu donnes habituellement à voir dans tes textes!Toujours  cette même  délicatesse et tellement de poésie et finesse pour amener le lecteur à  l'essentiell ! Merci<br /> aussi pour ton commentaire et  ces mots plein de justesse! Cordialement Chloé<br />
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V
<br /> C'est magnifique, Mony... Je l'ai lu et relu car déambuler dans ces replis du temps m'a donné un peu le tournis puis le frisson. Jusqu'à comprendre et quand je dis ce mot, cela signifie ressentir<br /> comme toute mère, dans la moindre de mes cellules ce qui pourrait nous arriver à toutes. Magnifiquement écrit, articulé, avec ces détails de vie qui sont toujorus chez toi complètement pensés et<br /> vécus. Merci de cette belle page... Je reviendrai demain lire chacun autour de cette jolie photo d'automne inquiet.<br />
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R
<br /> Rien à dire. Comme Vargas je pense:Très beau et très dur!<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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V
<br /> Un récit criant de vérité, aux antipodes de la quiétude de l'endroit... c'est tout ça la vie.<br />
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C
<br /> En effet, ce fait divers est épouvantable, mais tu nous y conduis avec tant de sensibilité et d'humanité qu'on en oublie presque les horreurs et la folie de ces tueurs fous, un peu partout dans<br /> le monde, qui sèment la mort tout autour d'eux en laissant des familles dans le désespoir. Très beau texte émouvant et vrai. Du très bon Mony.<br />
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D
<br /> Déchirant ton texte Mony .... et beau .... Tous mes voeux à toi et à tous les écrivains<br />
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M
<br /> Ce texte, comme tous mes textes, est une fiction dans laquelle se glissent parfois des réalités.<br /> <br /> <br /> Ce matin, il m'a été impérieux de l'écrire comme pour exorciser la douleur connue en décembre dans ma région.<br /> <br /> <br /> Que cela ne retienne personne d'écrire. La joie, le bonheur mais aussi la tristesse font partie de la vie et le patchwoork que forment nos différents textes est riche de cette humanité.<br /> <br /> <br /> Merci à vous et mes meilleurs voeux pour 2012.<br /> <br /> <br /> Mony<br />
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E
<br /> c'est superbe, Mony, et abominable, merci de l'avoir laissé vivre<br />
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A
<br /> J'ai lu ton texte qui m'a ému mais je suis dans l'impossibilité de te déposer un commentaire, je te prie de m'en excuser <br />
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A
<br /> Mony rassure-moi, dis-moi qu'en ce qui te concerne, ce texte est une fiction...<br /> <br /> <br /> mais ton texte est magnifique! j'allais en écrire un aussi...<br /> Après celui-ci, je n'ose plus, tout serait tellement dérisoire...<br />
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J
<br /> Référence à la tuerie de décembre... Un homme armé et puis l'enfer qui est tombé sur la grand-place...   Un acte sans nom, des vies perdues... ici dons d'organes pour que cette<br /> mort ne soit pas pour rien... Merci Mony, bonne année à toi, à tous !  Jill<br />
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