Sa main chaude enserrée dans la sienne elle a chuchoté à son oreille. Doux gazouillis d’amour, mélopée venue du plus profond de son être, pacte entre elle et lui, lui et elle.
Un dernier baiser, un dernier regard et la double-porte s’est refermée.
Elle dans le couloir, lui parti là-bas vers l’inconnu.
Un faible gémissement est sorti de sa gorge et son corps jusque là tendu s’est soudain affaissé sur lui-même. Un instant, un instant seulement.
Une voix en elle, impérative, l’appelait au dehors, loin de ce lieu où ils avaient survécu ces derniers jours.
Sa voiture garée sur le plateau, elle a enfilé la vieille parka et la paire de chaussures de marche qui veillaient toujours dans un coin du coffre. Un pas guidant l’autre, elle a marché le long des chemins de terre, traversant des landes et des bois encore roux de cet automne qui ne voulait pas céder sa place à l’hiver en ce premier jour de l’année.
Tour à tour, elle a poussé le landau dans lequel il était endormi, la poussette où il gigotait impatient puis le vélo où il était assis, joyeux, derrière elle. Elle l’a aidé à cueillir des myrtilles et des champignons.
Ecoute, le geai nous a repérés !
Regarde, un écureuil !
Curieux de tout, souvent plongé dans ses livres, il lui a appris à distinguer les arbres, les traces du gibier, à observer le ciel.
Le vent change ! Demain il pleuvra !
Déjà, il sortait avec ses copains, ses petites amies et elle marchait seule, sereine. En juin, si tout se déroulait bien, il obtiendrait son diplôme d’ingénieur agronome.
Arrivée au belvédère surplombant la vallée, elle s’est assise sur un banc. La ville en contrebas digérait les derniers évènements, bulles de champagne et cotillons pour les uns, mal de tête pour d’autres ou encore vide sidéral…vide…. vide…
Ses pensées se sont envolées vers les équipes médicales toujours sur le pont malgré les jours de fête puis, doucement, ont apprivoisé la réalité de ces êtres qui bientôt seraient soulagés grâce aux dons des organes de son fils et alors seulement les larmes ont perlé et se sont libérées.
Pourquoi ce tireur fou au marché de Noël ? Pourquoi en plein centre ville à l’heure de la fin des cours ? Pourquoi ces armes de guerre, ces éclats de grenades ? Pourquoi autant de blessés, de morts ? Pourquoi son fils pris dans ce traquenard insensé ?
Elle a regardé sa montre.
Il avait encore besoin d’elle pour sa dernière étape.
Elle a changé de chaussures et a repris la route vers l’hôpital.
Mony