A partir de quoi, à partir de quand, connaîtrai-je mon "à-venir" ? En fait, je ne le connaîtrai qu’en le vivant. Mais si, connaître l’avenir me permettait d’y partir l’esprit libre, je pourrais mieux, à partir de ce moment là, apprécier ma vie car je saurais que je suis toujours en vie. Et je pourrais choisir : avoir envie de partir ou avoir envie de rester.
J’étais là à soliloquer bêtement sur le trottoir, quand une force invisible m’a fait lever les yeux au ciel.
Et j’ai vu cette enseigne : Sara voyante, le tout très clairement écrit là-haut. Je vois ça rarement par ici Je vois Sara …re… ment ? Tiens c’est étrange ce que j’écris. Est-ce que Sara ment ? Non, Sara est voyante. Voyante ? Voilà pourquoi j’ai vu cela clairement dans le ciel bleu ?
Clairvoyance de Sara.
Je vois, je vois aussi un as de pique ; j’aurais mieux aimé voir un as de trèfle. Pourquoi ? Parce que, quand j’étais sorcière l’as de trèfle représentait la chance, la bonne fortune, la réussite et quand je le présentais à quelqu’un ce quelqu’un repartait avec le sourire et son nouveau destin sous le bras : un destin où il avait toutes les chances de son côté et où il était certain d’être un as dans n’importe quelle entreprise. Mais ici, ce n’est pas l’as de trèfle que je vois mais l’as de pique…bizarre bizarre.
Je laisse cette as de pique dans ma tête, dans mes idées de « soliloqueuse » invétérée et de sorcière bien aimée et je me pince le nez. Je me pince le nez tout simplement parce que je suis juste à côté d’une poubelle et que vraiment l’odeur est fort désagréable. Le nez ainsi malmené je continue à regarder cette enseigne. Je vois aussi l’as de cœur et lui, vraiment il me plaît. Le cœur c’est ma passion. Non je ne suis pas cardiologue ni chirurgien du cœur, je suis sorcière à la retraite. Quand je présentais cette carte à un patient, les impatients n’ont jamais été mes amis car ils courent toujours après le temps et moi le temps je le prends. Donc quand je présentais cette carte à un ami patient, s’il la prenait avec sa main droite il repartait avec, sous son bras, de la joie, une invitation à une soirée et la promesse d’une belle visite dans son foyer serein le lendemain matin. Inutile de vous dire que mon patient repartait avec le sourire et le cœur léger. Mais s’il prenait la carte à l’envers, dans le mauvais sens quoi ! C’en dessus dessous, sens-dessus-dessous…vous ne comprenez pas ? Alors sans dessus dessous est-ce plus correct ainsi ? Donc s’il prenait à l’envers cet as de cœur, il aurait quelques petites contrariétés, un peu moins de bonnes nouvelles et le bonheur prévu dans son foyer serait atténué. Mais je ne lui racontais pas tout, ainsi il repartait malgré tout content. Ah ! Voilà que l’as de pique se rappelle à ma mémoire et me pique et pique et col gram…dans la tête. Alors, je relève les yeux et je vois là-haut l’as de pique à la droite de l’as de cœur, alors ça laisse présager que chez Sara il devrait y avoir une bonne surprise. Mais, les hommes je vous entends marmonner : « là-haut, l’as de pique n’est pas à la droite de l’as de cœur, il est à sa gauche ! » Oh, la la, j’ai beau être une sorcière à la retraite, je suis une femme et c’est bien vous, les hommes qui dites que les femmes ne savent pas lire les cartes, qu’elle sont toujours obligées de les tourner pour savoir dans quel sens il faut avancer ? Et d’ailleurs depuis, vous avez tous un GPS avec une belle voix de femme qui vous dit de tourner à droite au moins cinq fois, pour que vous ne vous trompiez pas ! Alors les hommes silence ! Mais en effet, cet as de pique est bien à gauche de l’as de cœur et là, ça laisse présager de grands malheurs.
La terre va trembler, le monde va se lézarder et nous risquons tous de sombrer dans le néant.
C’est juste à ce moment précis que les éboueurs sont passés par là, on prit la poubelle à l’odeur fort désagréable et m’ont pris avec, croyant que j’étais un vieil épouvantail bon à jeter aux objets à recycler. Et là-bas, ils ont fait fort, ils m’ont recyclé en blog à parole et depuis je suis coincée dans un ordinateur, un gros truc qu’on appelle monde virtuel où personne ne se connait mais ou tout le monde fait semblant de s’aimer et de se respecter pour laisser aux mots la liberté de circuler.
Et des mots croyez- moi j’en ai un paquet à leur donner. Des milliers de confettis de toutes les couleurs, des milliers de petits flocons dans ma boule ronde où je suis assise, cette boule, qu’il faut secouer pour voir la neige tomber. Des milliers de lettres, consonnes et voyelles qui feraient perdre le nord à Laurent Romejko.
J’ai entendu dire dans les couloirs virtuels qu’ils en avaient assez de mes mots, que je m’en servais n’importe comment, à tort et à travers, ils ont je crois, bien envie de me recycler en sirène et de me balancer au fin fond de l’océan pour ne plus entendre parler de moi.
En attendant moi, je ne suis jamais allée chez Madame Sara, alors, cette voyante, si vous la voyez, dites lui de changer mon destin.
Merci à tous.
Jamadrou