« Il y a longtemps que j’aurais du le faire » se lamentait grand-père en astiquant son arme de guerre.
Combien d’années à supporter, à gémir, à pleurer sans pourtant oser ?
Combien de temps sans sourire, sans arriver à parler, à en parler ?
Pourquoi ne pas l’avoir décidé plus tôt ?
Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?
La vengeance est un plat qui ne se mange pas. Les larmes le salent. L’attente l’abat.
Malgré la matinée claire et prometteuse grand-père s’enferma dans des remords, dans des doutes poisseux dont il ne parvint pas à se détacher.
Sentant la mort proche, la sienne, pas celle du genre humain, il se mit à douter de sa foi, de sa vie, de ses pensées et surtout de la valeur de ses actes passés.
Car il avait tué grand-père !
Et pas qu’une fois !
Il avait tué des hommes comme on tire des lapins, machinalement.
Pan !
Et il ne se remettait pas de cette mascarade qui consiste à faire croire que le patriotisme est sanglant ou n’est pas.
Obéissance ?
Sentence ?
Ce maudit fusil n’était-il que l’instrument de sa défense ?
« Oui, c’est sûr, il y a longtemps que j’aurais du le faire » se lamentait grand-père en astiquant pour la dernière fois son arme de guerre.
Annick SB