Même dans la vieillesse de Louis sa maison était sombre et paysanne, étable et salle à manger n’étant que d’un seul tenant : l’animal bien que désormais absent y restait la mesure de l’homme. On contemplait depuis le seuil un miroitement de champs et de pâtures, que quatre générations avant Louis avaient acquis, mais les deux dernières perdus. Des clarines au loin disaient le bel enclos d’une richesse passée.
Louis vieillissant sur son seuil était dernier de sa fratrie, aucune femme en leur jeunesse n’avait pas épousé l’indigence de ces frères manouvriers : alors seul mais têtu en son souvenir, il cumulait le bosselé de vieil usage, clarines, chaudrons, outils, négligemment posés dans l’ombre de la maison comme s’ils avaient servi la veille et serviraient le lendemain. Autour, quelques ares d’un potager restaient seul clos d’une richesse passée.
Puis le vieux Louis mourut. Un notaire retrouva longtemps après ses obsèques un cousin citadin, qui ne montra sur le seuil que l’émotion d’un cœur froid et maquignon. Clarines, chaudrons, outils, maison s’éparpillèrent comme fétus de collection et comme gîte, revenus à la lumière mais non au vieil usage, devenus jolie pacotille de murs trop propres. Les yeux mal sachant ne savaient voir ces vieux clous d’une richesse passée.
Acquéreurs, gardez-vous que votre collection ne soit contingence, que Louis en sa tombe ne comprît mieux que vous ce qui mesurait l’homme au joug de l’animal, ce qui distinguait le pieux souvenir de l’illusion d’une richesse passée.
Quebre