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10 mars 2013 7 10 /03 /mars /2013 16:09

 

               Le chaman lui avait dit : " la forêt et la plaine t’apporteront la réponse que tu attends " puis il lui avait tendu un calumet duquel s’échappait une fumée jaunâtre à la forte odeur de sous-bois. Adriel s’en était emparé et les yeux fermés avait aspiré longuement cette médecine. En lui, les images défilaient… Pourquoi se sentait-il différent des jeunes chasseurs, pourquoi n’appréciait-il pas de prendre la vie de ses mains ?… la forêt et la plaine t’apporteront la réponse… la voix du chaman résonnait en lui.

 

Un matin, à l’heure où le soleil sortait de l’horizon pour gravir lentement le ciel, Adriel juché sur son mustang pommelé quitta la tribu pour un ailleurs inconnu. Quand il franchit le gué, il aperçut tout en haut de la colline le chaman brandissant le bâton sacré alors il sut que son choix était le bon et d’un mouvement de jambes il mit son cheval au galop.

 

La plaine puis la forêt, la plaine à nouveau… la pluie, le vent… le soleil implacable, le froid intense… défilaient au rythme lunaire. Adriel campait trois jours au bord d’un ruisseau, découvrait une grotte dans les rochers et s’y abritait du vent glacial, poursuivait son chemin… Un poisson saisi d’un jet de lance précis, un lapin abattu par une flèche acérée lui permettaient de survivre ; jamais il ne tuait par plaisir et dès l’animal achevé il s’inclinait respectueusement sur sa dépouille. Le feu qu’il obtenait en frottant deux pierres l’une contre l’autre le protégeait des animaux dangereux et lui permettait de faire braiser la viande ou de se préparer une tisane réconfortante. Et partout où il passait, il observait la nature, n’en retenant que le meilleur.

 

Un jour, alors qu’il cueillait des baies mûres, il vit une vipère fuir dans les buissons devant lui et il aperçut sur le sol pierreux la mue qu’elle venait d’y abandonner. Du bout du mocassin il frôla cette dépouille asséchée et l’éleva jusqu’à ses mains. Il allait s’en saisir quand un cri d’effroi détourna son attention. A quelques pas de lui, un papoose venait de subir la morsure du reptile dérangé. Le regard de l’enfant se voila tandis que Adriel se précipitait vers son mustang. Du sac fixé sur son dos, il retira de grandes feuilles repliées, un petit récipient de terre cuite et son couteau.

 

L’enfant étendu sur le sol gémissait. Où était sa famille, sa tribu ? Adriel ne réfléchit pas davantage, déjà il mélangeait rapidement des poudres conservées dans les feuilles avec son crachat et un peu d’eau prélevée dans la petite outre en peau suspendue à sa taille. Quand il eut obtenu une pâte brunâtre, il se pencha vers le papoose étendu sur le sol et d’un geste précis il incisa la cheville douloureuse. Longuement et à plusieurs reprises il suça et recracha le liquide qui en suintait puis il appliqua l’onguent qu’il recouvrit d’une feuille maintenue par de longues herbes séchées.

 

- Où sont les tiens ?

D’un geste, le papoose indiqua une direction et Adriel le prit dans ses bras et le transporta vers des tipis dissimulés sur le versant opposé.

 

L’enfant prénommé Chesmu lutta de longues heures contre le poisson qui attaquait son corps et Adriel renouvela trois fois son cataplasme. Quand enfin Chesmu fut sur pied, la tribu tout entière fêta l’indien solitaire qui avait sauvé un des siens.

 

De ce jour, Adriel sentit une carapace tomber comme une mue de ses épaules et il salua l’esprit de la vipère qui lui avait fait comprendre que son destin était de soigner et de maintenir la vie. Entre elle et lui commençait une longue histoire faite de respect et de peur réciproques.

 

Longtemps à travers les plaines et les forêts on parla d’Adriel, l’homme-médecine et nul ne fit jamais appel à lui en vain !

 

Mony

 

 

commentaires

J
<br /> voilà un conte comme je les aime ... tous ces savoirs traditionnels qui sont en train d'être perdus ...<br />
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Q
<br /> C'est tout simplement bien raconté, une histoire qui nous tient de bout en bout. Bravo !<br />
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C
<br /> Un bien joli conte Mony que j'aurais bien aimé moi aussi adapter et mettre en scène et en musique pour mes moussaillons ( comme beaucoup d'autres contes d'ailleurs que tu écris). Merci à toi pour<br /> tous ces jolis partages. Chloé<br />
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M
<br /> @ Emma : non je n'ai pas pensé à un serpent en particulier. Mon imaginaire nourri, entre autres livres à la lecture de bd, a peut-être inconsciemment puisé dans celle-ci qu'enfant j'appréciais<br /> particulièrement :<br /> <br /> <br /> http://www.coinbd.com/series-bd/bessy/<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br />
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V
<br /> On aimerait croire à l'histoire, en tout cas j'aime beaucoup sa narration !<br />
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E
<br /> au fait, as tu pensé au serpent du  caducée d'Esculape, dieu de la medecine, en écrivant ce conte ?<br />
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A
<br /> Adriel a trouvé sa voie . Très joli texte mony <br />
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M
<br /> @Marief - oui, tu as l'autorisation.<br /> <br /> <br /> Ce serait amusant et enrichissant de nous faire offrir ta version à lire sur Miletune<br />
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J
<br /> Une morsure dont l'issue peut-être fatale... ce papoos a eu de la chance, "il" était là... merci !<br />
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M
<br /> @ Annick - oui, pure invention<br /> <br /> <br /> @ Emma - j'ai démarré le texte avec cette phrase en tête mais oui, je vais songer à un autre titre<br />
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M
<br /> Joli conte que j'aimerai adapter pour mon public de classes maternelles.<br /> <br /> <br /> Ai-je l'autorisation de l'auteur. Marief<br />
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E
<br />  j'aime beaucoup : le nom Adriel, le mot papoose, l'ambiance ancienne, le récit initiatique. un joli conte, (pourquoi ce titre raisonnable? ne gagnerait il pas à être plus "coloré" ?)<br />
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A
<br /> Légende ou ionvention ???? Ton texte fait l'éloge des médecins d'antan ; c'est intéressant . Quand je pense qu'on a oublié toute cette médecine là et qu'on est donc<br /> à la merci des labos pour la moindre piqûre de moustique ! <br />
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