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3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 10:50

 

 

Dieu, qu’elle est belle dans sa robe fleurie ! Je ne me lasse pas de l’observer. J’aimerais tant l’approcher…

Mais l’autre, le bellâtre gominé, semble lui plaire. Ne font-ils pas route ensemble  depuis plusieurs saisons ? Mais que peut-elle lui trouver ?

Comment puis-je lutter avec cet élégant ? Que dois-je mettre en valeur ? Ma force physique, mon endurance ? Mon calme, ma douceur ?

Que verra-t-elle en moi, si j’ose l’approcher ? Un paysan, un gars de la campagne ou un amoureux fou prêt à toutes les concessions, prêt même à se laisser attacher ? J’ai adouci ma voix, je l’ai modulée pour ne pas l’effrayer par trop de puissance…

 Demain, oui demain, je vais me déclarer, Je vais guetter son passage, foncer dans la clôture qui ne me résistera pas, elle est rouillée depuis si longtemps, et lui prouver qu’un cheval ardennais, c’est aussi fougueux qu’un pur-sang ! 

Dusha

3 juillet 2012 2 03 /07 /juillet /2012 05:56

Tous les deux enlacés
même de liens qui blessent
à jamais ma maîtresse

 

Hélène

2 juillet 2012 1 02 /07 /juillet /2012 07:05
     
      Partis cheminant, nous avions la journée pour relier Pontivy à Lorient. Heureusement, le printemps respirait à travers les feuillages des chênes et châtaigniers doucement baignés de soleil.
Que la saison nous apporte la quiétude d'une température supportable était déjà un gage de réussite dans notre entreprise.
Anne-Marie serrait le bébé contre elle, évidemment... La tâche qu'elle avait entrepris lui paraissait déjà source d'inquiétude, mais... allez ! Rien du domaine de l'angoisse ne lui rendrait service, ni au tout petit d'ailleurs. Elle ferma les yeux, se remémora une à une les dernières recommandations reçues par sa patronne et se laissa aller doucement au sommeil.
Les secousses ressenties à l'intérieur de la calèche restaient supportables, heureusement, la cadence ne risquait pas de brusquer Etienne, ni dans sa digestion, ni dans son sommeil.
Nous décidions d'une halte pour le pique-nique dans le bois de Camors et Floranges. Quel endroit sauvage et magnifique à la fois ! Les pins maritimes dégageaient leur odeur entêtante. Tout était parfait pour la détente et le repos ! Les pierres de l'ancienne fontaine nous servirent de bancs improvisés, et notre petit protégé eut droit à toutes les attentions que méritaient, non seulement son âge, mais sa classe. Allaitement, toilette, change... les conditions de la garde étaient remplies à la perfection par Anne-Marie. Madame Seurre avait choisi la plus dévouée des nourrices pour son dernier-né, s'assurant que cet enfant ne manquerait ni de soins affectueux et attentifs, ni de sorties pour s'épanouir au mieux dans ses toutes premières années. Enfin, nos haltes représentèrent le quart de notre journée !
Et les chevaux ! Mon Dieu ces chevaux ! Ils possédaient l'allure et la grâce. Quelles beautés. Le palefrenier m'ayant indiqué l'écurie où les confier à l'issue de notre périple, ce fut fait deux heures après notre arrivée à Lorient. Anne-Marie et Etienne étant arrivés à bon port, nous pouvions enfin nous occuper de nous, mes fidèles compagnons et moi... avant de songer à repartir pour la prochaine course dès le lendemain. Un notaire, me semble-t-il, pour une histoire de succession au sujet de laquelle les héritiers se querellaient depuis déjà plus de trois ans.

Christine-Eva.

 

1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 09:32
Queue de cheval se fâche
Balaye sa robe mouchetée
Fausses jumelles nées
Dimanche sont attelées à la tâche...

Tirer le portrait
D'un animal de trait
Qui à bon port mène votre être
En calèche par les sentiers champêtres..
.
Noble conquête d'Adam
Au pas au trot au galop dans nos vies
Aux manèges ou sur les champs
Tu n'es pas mauvais cheval... Que n'hennit !

jill bill
30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 11:03
Solitude en ville
Une jeune fille
égarée en gare
Gare Saint-Lazare
Jeune fille sans voix
qui recherche sa voie
Salle des pas perdus
qu'on ne retrouve plus
Fuite vers d'autres gares
Sur le quai de l'espoir
Départ vers d'autres lieux
Sur le quai des adieux
Tout au bout de la voie
est le quai de la joie
Joie des retrouvailles
d'un bonheur sans faille
Au bout de la Ligne
Elle lui fera signe
Pour aller réunis
tout au bout de la vie

Eglantine
30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 09:21
Le Petit chaperon rouge
a du vague à l'âme...

Sa petite marchande d'allumettes
est partie sans crier gare...

Pénélope Estrella-Paz
24 juin 2012 7 24 /06 /juin /2012 14:21

 

Il parait que notre amour est défendu.

Il parait que nous ne devons nous rencontrer qu’en secret. Que personne, surtout ne doit rien apprendre.

Il parait que, si ça se savait, on nous empêcherait de nous rencontrer et que lui pourrait même aller en prison.

Parce que je n’ai que seize ans et lui, le double de mon âge.

Parce que c’est un homme et moi, une toute jeune fille. Enfin ça, c’est son opinion, parce que moi, je sais bien que je suis une femme. Une femme amoureuse. Amoureuse de lui.

Mais c’est un secret. Un secret bien gardé. Que personne ne soupçonne.

 

J’arrive tous les soirs au train de dix-neuf heures cinquante-sept. Toute ma famille croit que je suis dans le train suivant, celui de vingt et une heures zéro deux. Je ne descends jamais sur le quai, mais un peu avant, sur une voie de garage où se trouvent alignés les trains en réparation ou au nettoyage. Il m’attend là, dans un wagon couchette. On s’y fait un petit appartement, un petit nid d’amour, pour chaque soir.

On s’y aime avec la fougue et la passion du désespoir. Comme si, chaque lendemain, on ne devait plus se revoir. Mais chut, personne ne doit savoir.

 

Pour préserver encore plus notre secret, il accepte de passer aux yeux de tous pour un imbécile, pour un cocu qui ignore totalement les aventures de son épouse, une panthère qui le trompe avec tout ce qui porte pantalon. Les bien intentionnés, comme mon père, glosent et se moquent de son infortune :

« - Pauvre René ! Sa Simone, tout le monde y est passé dessus, sauf les trains bien entendu… L’imbécile heureux ! »

Et lui, il la laisse faire la Simone, sans rien dire. Et il se laisse ridiculiser par les autres, sans broncher.

 

Même que ça le fait doucement rigoler.

« - Pendant qu’on s’occupe des frasques de ma femme, on ne nous surveille pas. On nous laisse tranquille. Qu’ils continuent donc à me prendre pour un crétin, ça m’arrange. Dans moins de deux ans, je la largue. Ensuite, si tu veux encore de moi, nous pourrons vivre notre amour au grand jour. »

Et il jubile, mon amoureux, en endossant sa belle veste à boutons dorés et sa casquette de chef de gare.

Pendant que moi, je renfile mon manteau rouge de lycéenne, j’accroche à l’épaule ma sacoche de cours et je grimpe dans le vingt et une heurs zéro deux par l’arrière pour en descendre, tranquillement, comme si rien n’était.

Sur le quai, pourtant désert à cette heure-ci, je ne cours aucun danger.

Il est baigné par la douce lumière d’une lune bienveillante et le chef de gare ne me quitte pas des yeux jusqu’à ce que je sois montée dans la camionnette de mon père qui m’attend, de l’autre côté de la passerelle, devant la station.

 

Mamido

 

Ce texte est librement inspiré de la chanson de Jean Ferrat  "Le chef de gare est amoureux"

http://youtu.be/_ysyW5uK_kg


23 juin 2012 6 23 /06 /juin /2012 09:33
         Il a dit tu m’attends sur le quai, au train de vingt et une heure quarante-six. Ne te trompe pas de jour. Il a même envoyé un texto ce matin au salon. Et la patronne m’a passé un savon parce que je consultais mon téléphone. Oui mais quand même, ça fait quinze jours que je ne l’ai pas vu, c’est long ! Elle ne sait plus elle, c’est une vieille. Comme toutes ces mémères qui vont au cours de gym du club à Djerba. Parce que je l’ai rencontré là-bas. J’ai craqué quand je l’ai vu dans son marcel. Il était trop beau ! Le bronzage, les muscles et tout. Et la mèche de cheveux platine, super, ouais, super. Les yeux, je ne vous raconte pas, bleu lagon, à tomber ! Il s’appelle Victor, c’est un pro de l’aquagym, de la planche à voile et du step. Ses cours c’était de la folie ! Il a dit que j’étais super belle en maillot, que je remplissais bien tous les bouts de tissu. Quand il a dit ça, j’ai trop balisé, c’était à moi qu’il parlait. J’ai failli m’évanouir.
Et le soir en boite de nuit, comme il a mis le feu ! Comme il remue les hanches, c’est trop de la balle ! Vertes, elles étaient les autres quand il m’a embrassée. Je vous assure la dernière journée et la nuit aussi, je n’arrivais pas à le quitter, j’vous dis pas !
Elle est drôle cette gare, il n’y a personne. Des bâtiments qui filent dans la nuit, des trains aussi. Et la lune pour les éclairer dans leur course. Enfin, elle n’éclaire que d’un côté, on dirait ça cligne de l’œil autour de moi. Ou alors c’est moi, je suis éblouie. N’empêche les trains, on ne les voit pas arriver. Quand il va descendre dans la lumière blanche du quai, grand et mince, avec du gel dans les cheveux, ce sera un Dieu. Peut-être qu’il arrivera par la passerelle, genre je viens du ciel. Trop top !
Tiens la blonde devant moi, qui se retourne, qu’est-ce qu’elle me veut ? Avec son manteau, on dirait un coquelicot dans le désert.
- Pardon mademoiselle, vous n’auriez pas l’heure ? Le train a du retard on dirait. J’attends mon fiancé. D’habitude je ne viens pas le chercher à la gare, c’est une surprise. Il est animateur dans un club de vacances et s’appelle Victor. J’espère que ça lui fera plaisir !

PS : je demande pardon aux ados dont j’ai massacré le langage !

Mansfield
22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 11:25

 

Matricule 76870, Gare de Compiègne

Juin quarante quatre, les images s’imprègnent

Son regard se perd et sa raison s’égare

Les chiens sortent de l’ombre

Sur le quai de la gare 

Et le bruit des mitrailles

Des bottes saccadées

Martelant la chaussée

Lui reviennent en mémoire

Et trouble ses pensées

 

Ils sont là, décharnés

Dans ces wagons plombés

Imbriqués l’un dans l’autre

 Morts et vivants soudés

Ils sont là,  statufiés

Dans la chaleur viciée

Derrière des lucarnes entièrement grillagées

Qui annoncent Dachau et tous ces barbelées

Ils sont là entassés, sans autre destinée

Que celle de survivre pour pouvoir raconter

 

Matricule 76870, Gare de Compiègne

A la vue de ce train,  la douleur l’enserre

Ses blessures sont béantes, sa cicatrice saigne

Ses larmes prises en otage derrière les barbelés

Refoulées, prisonnières  à présent se libèrent

Bête de fer, monstre sanguinaire  où la raison se perd

Il n’a rien oublié de l’horreur de la guerre

 

Chloé

 

20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 11:09

 


       Elle vient brusquement de changer de vie. Rien n’y paraît. Son manteau refermé en signe de respect ? de fierté ? Non. Elle étouffe seulement un secret de trop. En elle, le monde s’est éteint, est devenu silence. N’entend pas le train passé, ni sa fidèle amie l’interpeller au loin, se rapprocher en lui hurlant tout en pleurs : «pardon.»

La trahison est-elle seulement un poison de gare ? Qu’a-t-elle vécu d’irrémédiable ? Veut rien n’expliquer.  Il a suffi d’un rendez-vous de deux amies d’enfance, sans exclusivité. ..

Une plaie cachée, classée sans plainte sur cette imposture d’un soir où elle fut la proie d’un intrus sous ivresse.

Nulle confidence.

Elle ne se retournera pas. Elle a refermé son manteau d’existence.


Suzâme

20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 10:40

     

        Lucie avançait à pas mesurés un peu serrée dans son manteau rouge ceinturé de noir qu’elle affectionnait ; il lui avait toujours porté chance du moins elle le croyait.  Elle avait rendez-vous avec ce presque inconnu rencontré, alors qu’épuisée par une journée particulièrement éprouvante, elle s’était accordée une pause et offert un verre dans un bar proche du palais de justice où elle était juge d’instruction. Ils avaient plus que sympathisé mais ne s’était pas revus…. Ce qu’elle savait de lui : Gordi, diminutif de Guillaume et expert comptable confidences faites entre deux étreintes torrides.

- « Vous êtes enceinte Madame » lui avait annoncé le médecin ! Cette phrase résonnait dans sa tête depuis trois mois. Quels idiots, aucune précaution…

Elle avait accusé le coup ; peu d’amies à qui se confier, puis renvoyée à sa propre enfance, un peu chaotique, elle accepta ce merveilleux cadeau ; un enfant ! Elle pensait enfant pas embryon, pas fœtus, Enfant.

Elle rencontra le géniteur malgré lui pour l’informer, lui expliqua qu’elle n’attendait rien de lui, qu’elle assumerait seule cet enfant mais qu’il était normal qu’il soit informé…Le pauvre tombait des nues, il était tard ce soir-là et ne réalisa pas vraiment ce qui lui arrivait. D’ailleurs il était en charmante compagnie !

Les semaines passèrent, puis Lucie reçut une lettre du père qui souhaitait la rencontrer pour discuter de cet évènement. Dans un premier temps, elle refusa tout net surtout parce qu’elle ne voulait pas lui imposer cet enfant qu’elle seule avait décidé de garder. Puis elle accepta de lui parler au téléphone deux ou trois fois. Gordi ne s’était pas vraiment préparé à être père mais il devait prendre aussi ses responsabilités et ils devaient en discuter ensemble.

Voilà pourquoi, Lucie attendait fébrilement le train de Gordi.

Puis relevant la tête, ses longs cheveux blonds rejetés en arrière à l’annonce de l’arrivée du train, elle fut sûre qu’elle avait pris la bonne décision. Elle avait envie de lui donner une chance d’entrer dans leur vie.

 

Lilou

20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 07:35
Cligner des yeux...
A chaque battement de paupières emprisonner l'image dans un mot ...

C'est parti !


Fuir

Il y a un train qu'elle ne prendra pas...

Enfant

C'est elle, une fille qui grandit...

Quai

Longer les rails, suivre la voie ...

Sous les pavés la plage et dans sa tête les nuages qui courent, accourent et partent à la dérive du tourbillon des vents ...

Vertiges et souvenirs.
Chute et rattrapage.

Suivre une boule ronde, celle sortie de la gorge, de la nuit, de l'esprit et avancer, cheminer pour en chasser les cris étouffés derrière les rideaux de velours.
Avancer dans la nuit éclairée et froide.

La fenêtre est close.
Tout repose et le silence expose sa lenteur au murmure des vents.

Souffle...

Avis de recherche envolé ...
Qui douterait du sommeil d'une enfant égarée ?
Qui pourrait soupçonner qu'elle aille se cacher si loin en longeant un quai ?

Elle croit avancer en serrant sa sacoche.
Sous les pavés la plage et au loin l'image d'une autre vie, d'une autre nuit.

Cligner des yeux et à chaque battement de paupières emprisonner l'image dans un mot ...

Elle poursuit.

gris

Dessiner des nuages.

lumière

Etre éblouie.

feux, branches, pierres ...

Les images se mêlent aux sons des mots qui déraillent dans le cerveau.
Elle a un peu peur et s'arrête en plein élan d'au-delà dans un miroir qu'elle ne comprend pas.

Cligner des yeux et à chaque battement de paupières emprisonner l'image dans un mot.

C'est fini.

L'horizon est noirci.
Elle perd la mémoire et s'endort dans la nuit légèrement bleutée...

Annick SB

20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 06:38

 

      Elle aimait à traîner dans la ville, prendre le dernier train pour rentrer.
Elle quittait le lycée à pieds, ayant dépensé dans les cafés l’argent qui lui avait été donné pour payer le bus.
Après le parc, elle remontait en direction de la cathédrale, passait près de la prison, ce grand mur de pierres hérissés de tessons de bouteilles.
Puis elle redescendait dans les vieux quartiers…
C’est là qu’elle se perdait dans les ruelles, dans la nuit souvent brumeuse. Seule, croisant quelques inconnus, elle aimait cette ambiance, en toute confiance.
Des images accompagnaient ces longues errances solitaires, qu’elles gardaient en esprit, plus tard, elle écrirait sur son cahier, comme le peintre en quelques traits dessine une chambre perdue au fond d’une impasse.
Puis, il fallait s’extraire de cette obscurité trouée de la pâle clarté des lampadaires façon rétro. Ne pas manquer le dernier train.
Lorsqu’elle atteignait la gare, trop de lumière projetée sur la façade blanche, elle clignait des yeux. Ca faisait mal, comme le retour vers ce réel, le train qui avalerait les kilomètres, le vélo qu’il faudrait pousser dans la côte, et la maison.
Ils seraient tous à table, on la questionnerait, elle se taisant les poings serrés sous la table…

Miche
19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 19:34

 

 

            Elke regarde sa montre, déjà 20 heures ! La dernière répétition de la chorale commence dans un quart d’heure et Steven, le directeur, ne tolère aucun retard. Faire tapisserie dans un coin de la salle sans pouvoir chanter est une frustration qu’elle n’a connue qu’une seule fois en trois ans de participation. Et ce soir, à la veille du concert, pas question de réitérer cette expérience peu glorieuse qui lui interdirait de surcroit de monter sur scène le lendemain.

 

En approchant de la maison de Kim elle est fébrile. Pourvu que son amie soit prête !

Toc ! Toc ! Elke lève les yeux vers la fenêtre de l’étage mais déjà la lumière s’éteint dans la chambre de son amie qui déboule sur le trottoir essoufflée par sa course dans l’escalier. Derrière elle la voix de sa mère recommande : - Kim, ton écharpe !

- Pas besoin, nous sommes en retard.

 

Bras dessus, bras dessous, les deux amies accélèrent le pas. Combien de fois ont-elles fait ensemble le chemin jusqu’au centre ville ? Elles se connaissent depuis l’enfance et le quartier de La Vieille Montagne, isolé par le chemin de fer, est leur domaine de prédilection où elles se sentent à la fois proches de tout et à l'abri de l’effervescence du trafic urbain.

Monter quarante cinq marches, traverser la passerelle, redescendre quarante sept marches et elles se retrouveront face à la Maison Communale où une salle est réservée aux activités des diverses sociétés de loisir.

Presque au pas de course, les deux sopranos fredonnent un passage difficile.

- Non, dit Elke, le tempo n’est pas bon.

- Pas grave, répond Kim, Steven nous corrigera. Dépêchons-nous ou il sera d’une humeur massacrante.

- Et si nous passions par les voies ?

Kim ne répond pas mais se laisse entraîner par son amie. Le goût de l’interdit a toujours eu pour elle une saveur particulière et si Elke, la sage, s’y laisse tenter comment ne pas la suivre.

 

- Attention à ton manteau !

- Oups ! L’accroc n’était pas loin. J’entends d’ici les félicitations de Papa si j’avais déchiré mon cadeau d’anniversaire.

Les deux jeunes filles éclatent d’un grand fou rire. La légendaire grosse voix du délicieux papa d’Elke a toujours été la terreur de Kim.

 

Le ballast est rendu glissant par le gel et les rails brillent comme des bijoux en cette nuit de pleine lune. Les deux amies préoccupées de ne pas tomber et d’aller au plus vite déboulent de derrière un wagon à l’arrêt et enjambent la deuxième voie quand elles sont percutées de plein fouet par un convoi de marchandises qu’elles n’ont pas entendu arriver.

Le choc, violent, est sans appel.

 

Demain, le concert de Noël sera annulé.


 

Mony


19 juin 2012 2 19 /06 /juin /2012 13:43

 

 

Quand je serai lassée d'arpenter les pavés
que bien trop d'innocents de force ont piétiné
prenant le dernier train sans pouvoir se sauver
aux barbares nazis à jamais condamnés

Quand j'en aurai assez de revoir le visage
de ce bel officier qui volait ma jeunesse
et m'offrait des cadeaux tirés de ses pillages
contre des nuits sans fin, jouant de ma faiblesse

Je prendrai mon manteau de sang pour seul bagage
celui qu'il m'enlevait de ses mains assassines
et tout au bout du quai dans cette ombre complice

quand le monstre d'acier franchira l'aiguillage
je n'aurai pas de cri, non rien dans ma poitrine
qui trahisse mon geste, ma foi libératrice.

Vegas sur Sarthe
18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 18:11

 

        Clara resta figée pendant plusieurs minutes, fixa la lune et la ligne bleue de l'horizon.
Quand elle se retourna, son visage n'était plus le même. Il avait épousé les formes de la lune, sans qu'elle en prenne conscience.
En chemin, elle chercha des mots pour se rassurer. L'avait-elle parcouru ce chemin ?
Elle ne comprenait pas l'absence d' Alfred, lui si prompt à réaliser ses rêves. Elle était comme il le souhaitait, blonde platine, regard clair, port de tête impeccable, sauf peut-être ses cheveux, qui s'étaient mis à pousser pendant l'attente. Elle venait juste de s'en rendre compte.
Peut-être l'avait-il découvert avec son nouveau visage et qu'il était revenu sur ses pas, sur sa décision ? Ou que la couleur rouge lui déplaisait ?
Peut-être se cachait-il dans les hangars, juste derrière les voies ferrées ? Il avait l'habitude de réapparaître là où on ne l'attendait pas.
Etait-ce une nouvelle ruse du réalisateur, celle de mêler la réalité au rêve et de faire jouer le suspens ?
Elle poursuivit sa route. Pas un bruit souterrain, pas un bruissement d'ailes. Et elle se demandait encore si elle avait eu réellement rendez-vous avec lui.
Elle mit ses mains dans ses poches, sentit dans l'une d'elle quelque chose lui frôler les doigts, autre que la doublure de son manteau. Elle en sortit une mince feuille de papier sur laquelle était écrit :
- "Souriez, vous êtes filmée !
votre Alfred "

Agnès

18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 15:50
                 Avec un grand sourire il disait toujours "Je viendrai par le train du soir, celui de vingt heures cinq et on partira tous les deux loin d'ici" et puis il avait cessé de le dire.
Il avait cessé de venir aussi, et puis il avait cessé d'appeler.
A vingt heures huit, le rapide repartait après avoir déversé son flot de voyageurs pressés qui la bousculaient et c'était bien normal puisqu'elle était invisible.
Ensuite venait le ballet poussif des "marchandises" qu'une grosse Blanc-Misseron crachotante tractait vers l'Est jusqu'au plan de triage dans ce bruit d'enfer et cette odeur de graisse surchauffée qu'elle avait appris à aimer.
Avant de disparaître entre deux wagons, son père lui avait tout dit du rail et des vapeurs, des chaudières et des boîtes à fumées et lorsqu'elle avait découvert Marcel, son Marcel aux commandes d'un de ces monstres elle avait su aussitôt que ce serait lui et personne d'autre.
De son regard vide elle suivait la lanterne de queue jusqu'à n'être plus qu'un minuscule point rougeoyant sur l'horizon, comme les fines cigarettes qu'il fumait en fermant les yeux et quand le panache de vapeur s'était délité dans les nuages du soir elle revenait sur ses pas pour guetter le "marchandises" suivant.
Marcel aimait surtout son manteau rouge et il n'aurait pas supporté qu'elle en choisisse un autre pour sa promenade quotidienne.
Elle en connaissait chaque mètre, d'abord le goudron martelé de tant de pas perdus puis les pavés inégaux qu'elle caressait machinalement du bout de sa bottine.
A cet endroit peu fréquenté, l'éclairage manquait mais la lune et la lueur fugitive des foyers qui lançait des éclairs dans ses cheveux blonds lui suffisaient et d'ailleurs, elle aurait pu marcher ainsi les yeux fermés sans trébucher.
Au retour elle empruntait "la plage", une mince bande sablonneuse bordée d'une dérisoire barrière de bois qui séparait le quai des voies et son pas assourdi la transportait alors dans sa rêverie, toujours la même où, Marcel l'appelait à la rejoindre au bord d'une mer d'un bleu immense...
Puis elle regagnait sa maison de quartier - le quartier du Maroc - et ce nom bizarre qui les avait fait tant sourire prolongeait un instant son rêve d'ailleurs, là où Marcel saurait l'aimer et où rien ne serait plus comme avant.

Vegas sur Sarthe

18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 11:30

 

 - Tiens, l'estaminet est fermé ?

- Depuis des années. Depuis la mort du père Georges. Mais Jeanne habite toujours là. Ça fait combien de temps que tu es parti d'ici ? Dix ans ?

- A peu près. Mon père a été nommé à Creil en 52, et voilà qu'on lui propose de finir sa carrière ici, comme chef de section. Tu parles s'il a sauté sur l'occasion, toute la famille est dans le coin, et on a toujours la maison. Alors me revoilà, au moins pour la durée des vacances.

Ça n'a pas changé, autour de la gare, dis donc ! Le petit chemin pavé est toujours là. Chiche qu'on revienne avec notre vélo jouer à Paris-Roubaix, comme dans le bon vieux temps ?

Quel dommage que Georges ne soit plus là, je l'aimais bien, tu te souviens qu'il nous donnait des bubble gums? Et c'était quoi cette phrase rigolote qu'il disait tout le temps ?

 

- "Café bouillu, café foutu !"

 

- C'est ça. Et sa fille, Yvette ? Une vraie pin-up, celle-là !

 

- Comment, tu n'as pas su ? Elle est morte tragiquement. Ta tante ne t'a pas dit ?

 

- Non, qu'est-ce qui est arrivé ? Mon grand frère en était dingue, de cette fille !

 

- Eh bien, il n'y a pas que lui ! Ce que je sais, je l'ai compris à demi-mot dans les chuchotements de mes parents. On ne parlait pas de ces choses-là devant les enfants. Plus tard, j'ai reconstitué toute l'histoire grâce aux copains, et en lisant le journal, après le drame.

Au début de la guerre, elle avait quoi, dans les seize ans ? Elle aidait ses parents à servir au comptoir. C'est là qu'après la bière pression, elle aurait commencé à assurer le service après-vente auprès des militaires anglais cantonnés dans le village. Un sacré tempérament, cette fille !

 

- Le prestige de l'uniforme, il parait qu'elles n'y résistent pas !

 

- Les mauvaises langues ont prétendu qu' elle n'a pas été trop regardante sur la couleur des uniformes, quand par la suite ils ont viré au vert de gris…

 

- Je n'ai rien su de tout ça. Il est vrai que nous n'étions que des bébés…

 

- Oh, les langues se sont déliées plus tard, après le drame.

C'était une sulfureuse, la belle Yvette. Mais on lui a sans doute prêté plus d'aventures qu'elle n'en a eues réellement. Comme le fait qu'elle "empruntait" parfois le mari de sa sœur ainée, Colette. Voilà que je me mets à cancaner, moi aussi…

Juste après la guerre, ses parents l'ont envoyée se faire oublier quelque temps chez sa marraine, dans le midi. D'aucuns disent : le temps d'accoucher en secret, mais on n'a jamais vu de gosse avec elle.

Elle est revenue quelques années après. Pour son malheur.

C'était l'été 52, juste après que tu sois parti à Creil. Elle a été tuée sur le passage à niveau de Berlincourt. Décapitée.

Pendant des mois j'ai fait des cauchemars affreux où je voyais rouler sa belle tête coupée. Je me demandais ce qu'étaient devenus ses cheveux, tu te rappelles ses cheveux ?

 

- Ah oui alors, une splendeur, longs, d'un blond chaud, blond Vénitien, je crois… qu'elle remontait parfois négligemment. Ah la vache, quelle horreur ! Georges et Jeanne ont dû être anéantis ?

 

- Georges est mort de chagrin. Jeanne ne sort presque plus, elle longe parfois le mur comme une petite souris pour aller chercher son pain…

Ce jour-là Yvette était partie à vélo avec son amoureux. Elle avait mis une robe rouge, et tous les deux chantaient à tue-tête "le galérien", tu te rappelles, une scie, cette année-là :

 

"Je m'souviens, ma mèr' m'aimait

Et je suis aux galères,

Je m'souviens ma mèr' disait

Mais je n'ai pas cru ma mère…

 

- Mais comment sais-tu cela ?

- Par le journal, parce qu'il y a eu des témoins qui ont raconté ça de long en large.

Le garde barrière était lent, il avait une patte folle depuis la guerre, il a baissé la barrière un poil trop tard. Ils n'ont pas entendu arriver le train à cause du bruit de la minoterie, et puis ils chantaient !

 

- Et lui a été tué aussi ?

 

-Ah, il a eu plus de chance, si on peut dire. Il a survécu deux jours. Et c'est là que le scandale a éclaté, parce que c'était le maire de Terlemont, mari d'une vicomtesse, châtelain et père de quatre enfants en chaussettes blanches bien tirées. Là, c'est moi qui fantasme, c'était pas dans le journal.

D'ailleurs, le pire n'était pas dans le journal, je l'ai appris par ma cousine Solange, dont le mari est garde au château.

Dans la soirée, le curé est venu  pour les derniers sacrements. Et il a harcelé le mourant pour qu'il abjure son adultère et renie la petite Yvette.

Nul ne saura jamais si le malheureux pouvait l'entendre, je préfère croire qu'il se trouvait déjà dans le tunnel lumineux au bout duquel l'attendait une robe rouge…

 

Je m'souviens ma mèr' pleurait

Dès qu'je passais la porte

Je m'souviens comme ell'pleurait

Ell' voulait pas que je sorte

 

- Eh ben mon vieux, quelle histoire, j'en suis tout retourné !

 

- Il y a des gens qui prétendent qu'elle revient.

 

- Qui ça, Yvette, la pècheresse, l'âme sans repos ?

 

- Ne ris pas, elle se tient là, dans sa robe rouge, devant l'ancien estaminet, juste où tu es, les nuits de pleine lune. Parce qu'elle n'est pas du genre à se cacher ! On dirait qu'elle regarde les trains, mais il ne faut pas l'appeler parce qu'alors elle se retourne et…et… elle n'a pas de visage…

 

- Ne me dis pas que tu crois à ces sornettes ?

 

- Je l'ai vue, ici même, il y a à peu près un an. Bon d'accord, j'avais un peu trop arrosé mon bac, mais je l'ai vue…

 

http://www.dailymotion.com/video/x6fbs7_le-galerien_music


18 juin 2012 1 18 /06 /juin /2012 07:05

 

Elle habite au deuxième
Près de la voie ferrée
Depuis un an à peine
Deux pièces et demie chauffées
À chaque train qui passe
Tout est en vibration
Dans l’armoire les tasses
Émettent quelques sons
Travaille comme couturière
À l’usine de bas nylon
Il faut en coudre des paires
Pour remplir son baluchon
Elle se dit qu’un beau jour
Elle le prendra ce train
Un aller sans retour
Vers un meilleur destin.

Solange
17 juin 2012 7 17 /06 /juin /2012 09:51


Il arrivait que le train soit un peu en retard, mais Maryvonne était patiente. Chaque jour de la semaine, samedi et dimanche exceptés, elle attendait le train de 18h36.

 

C’était une jolie jeune femme, assez coquette, très réservée. Chacun la connaissait dans notre petite ville. Nous avions pour elle beaucoup de sympathie, de l’affection même pour certains. Les adultes parlaient d’elle à mots couverts, elle avait eu tant de malheurs, n’est-ce-pas, ça forçait au respect.

J’avais 13 ans, je connaissais la famille de Maryvonne. Elle avait un père et une mère, elle était entourée d’une fratrie assez nombreuse et de pas mal d’oncles, tantes et cousins. Rien de particulier à mes yeux.

À 13 ans, on a envie de savoir ce qui est dit à voix basse. Mais je n’ai jamais su quels étaient les drames qui avaient affligé cette famille.

 

Notre maison se situait rue de la gare. Ma chambre donnait sur l’artère bruyante, mes parents ayant décidé que les jeunes personnes pouvaient dormir partout, même dans l’inconfort.

Je rêvais souvent à la fenêtre. C’est ainsi que j’avais remarqué la précision de la jeune femme. Je l’avais suivie plusieurs fois, je savais son comportement, son attente persévérante. Je pouvais, en pensée, l’accompagner…

 

Maryvonne attendait donc le train, chaque jour, à la même heure. Elle se tenait un peu à l’écart du quai et observait la foule des voyageurs. Elle observait, elle attendait. La jeune femme ne quittait la gare que lorsqu’elle avait vu s’éloigner les feux rouges de l’arrière du convoi.

 

Un mercredi de l’an dernier, jour où le train était bondé de mères et d’enfants revenant de la ville voisine, la rumeur de la rue fut plus intense, aux bavardages se mêlèrent des clameurs. Maryvonne était tombée sur les voies et passée sous un autre train, elle était morte sur le coup.

On parla d’accident, de distraction, de glissade. Je ne fus pas convaincue. La jeune femme, selon moi, avait mis volontairement fin à son attente. Elle avait un secret. Lequel ? Je ne l’ai jamais découvert.

 

Il m’arrive souvent de penser à elle. De la revoir se diriger vers la gare, un soir de fin d’automne, dans son nouveau manteau couleur rouge sang qui flattait son teint pâle.

 

Dusha

 

 

 

 

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