- Dis Josette,
-Tu ne m’avais pas dit que le maire avait éditée l’affiche que je viens d’exhumer en cherchant mon décapsuleur, dans ce capharnaüm !
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Ce Qui Se Recycle > Poubelle Jaune :
- Les boîtes de conserve
- Les canettes de boisson
- Les bombes aérosols, les bidons et boîtes métalliques
- Les barquettes
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-Si je l’avais su avant, j’aurais installé plus prêt mon micro-onde pour faire réchauffer mes pizzas !
-au fait sais tu où on jette les emballages métalliques des pizzas ?
J@k
Chez Jak c'est ici
- Hep ! Un instant voulez-vous, nous avons encore besoin de votre témoignage !
Elodie lance une œillade de bon toutou à l’inspecteur Mambo et fait un oui en balançant ses boucles brunes. Pour une fois qu’il se passe un événement dans le quartier autant le vivre à fond. Qui sait, peut-être passera-t-elle aux infos de vingt heures et sera-t-elle reconnue dans la rue par quelques personnes ? A cette idée, la jeune femme inspecte ses ongles manucurés avec soin puis d’un geste assuré donne du volume à sa chevelure. Et si son front brillait ? Quelle horreur ! Vite, son mouchoir estompe les éventuels défauts. Profil gauche ou profil droit ?
- Je vous ai posé une question, daigneriez-vous me répondre ?
Cela fait trente-six heures que l’inspecteur Mambo est de garde et sa patience légendaire commence à s’effriter laissant place à une humeur maussade.
Les yeux de bon toutou qui lui font face papillonnent, effrayés par son ton agacé. Une question ? Quelle question ?
- Euh, euh…
- Euh, quoi ? C’est bien vous qui avez appelé les secours ?
- Euh, oui, Commissaire.
- Inspecteur, inspecteur Mambo ! Vous connaissiez bien la victime ?
- Euh, enfin, c’est à dire que…
- Que quoi ?
- Je le croisais parfois quand il rentrait avec ses provisions, j’habite l’étage au-dessus, mais il est, enfin était, si discret…sauf que…
- Que quoi ?
- Là, j’ai sonné à sa porte… c’est que depuis deux jours et deux nuits, son chat miaulait à vous fendre le coeur.
- Son chat ? Où est-elle cette bestiole ?
- Euh… quand les pompiers ont défoncé la porte il a bondi dans l’escalier, pensez j’étais sur le palier et il a failli me faire dégringoler, il était comme fou, monsieur le com..specteur…
Au fur et à mesure des questions, Elodie reprend de l’assurance, c’est qu’il est bien de sa personne ce commissaire Mambo. Est-il célibataire ? Et si elle avait une chance de lui plaire ? Et si… A nouveau ses mains font mousser sa chevelure…
- Oui ?
- Euh, oui quoi ?
L’inspecteur Mambo soupire, cette grande godiche ne fait rien pour lui faciliter la tâche, ce n’est pas encore ce midi qu’il mangera chaud. Quel démon pousse les humains à s’entretuer ? Qui en voulait à cet homme au point de tuer ? Par où l’assassin est-il entré ? Comment une personne normale peut-elle vivre dans un tel degré de saleté et de désordre ? Pourquoi cette accumulation de cannettes de Coca ? Est-ce en lien avec le crime ?
- Bon, suivez-moi dans l’appartement, j’ai besoin de plus de précisions.
Quelle carrure ce Mambo ! Il doit être sportif ! Madame Mambo, mum, ça ne sonne pas mal !
Elodie se fait féline en embrayant le pas de l’inspecteur. Diable ! Il lui faudra, tôt ou tard, séduire un mâle et à trente-cinq ans le tard est presque au rendez-vous…elle a bien tenté sa chance auprès du locataire du dessous mais, pfft, en vain ! Faut dire qu’avec un coup de couteau en plein cœur il l’aurait déjà laissée pour veuve à l’heure actuelle !
- Que ? Qu’est-ce que ce foutoir ? Poussiè..
Les mots s’étranglent dans la gorge d’Elodie, son front se couvre de gouttes de sueur, son cœur affolé bat la chamade.
- N… non !
Elle ferme les yeux, pince ses narines mais le mal est fait et son corps se couvre de plaques rouges. Elle éternue, pleure, tousse, suffoque sous l’œdème qui soudain la défigure.
Les secours sollicités par l’inspecteur Mambo ont emmené en urgence une Elodie à la limite de l’étouffement. La caméra d’un journaliste à l’affut a pu saisir un visage spectaculairement boursouflé, il fera davantage sensation qu’un macchabée sous un drap.
L’inspecteur Mambo soupire et baille, il avait presque un deuxième cadavre sur les bras.
Et soupire encore, au fond il avait un certain charme ce témoin !
Mony
Chez Mony, c'est ici
J'ai bien mangé, j'ai surtout bu
Où je suis, j'me rappelle plus
J'étais assis, je n'y suis plus
Le coca, c'est un sacré jus
De pisser, j'en finis plus...
Nounedeb
Chez Nounedeb c'est ici
Homme a bu tant et tant
de boisson pétillante
sucrée et caféinée
Homme a mangé tant et tant
de céréales croquantes
et pleines de miel
Homme a tapé tant et tant
sur son clavier
Homme a regardé tant et tant
les exploits de Ghost Rider
Ce Prince Noir
Aux nombreux exploits illégaux
Homme a tant et tant
rêvé de vitesse et de temps tué
à ne rien faire de bon
Qu'un beau jour il s'est retrouvé
Si gros et tant et tant dérangé
Qu'il n'a plus pu sortir
De son grand fauteuil noir.
Homme est mort
Dans sa soif et son obésité.
C'est l'odeur tant et tant nauséabonde
Qui a, longtemps après, tant et tant
alerté les voisins.
jamadrou
chez Jamadrou, c'est ici
Année 1897, Slade School…
Jeune Harold, mettez donc un peu plus de lumière dans vos couleurs !... Etiez-vous donc démuni de bleu pour que vous en fissiez si peu l’usage ?... Mais délayez, jeune homme, délayez !... Ne trouvez-vous pas troublant que le tablier du marchand et le chapeau de la dame de votre tableau soient dans une similitude de bleu primaire un peu trop remarquable ?... Inventez donc des bleus, que diable !...
De l’acier des poutrelles jusqu’au bleu turquoise, le choix est immense comme les voûtes de votre marché de primeurs !... Osez l’azur, le cobalt, le pastel, le maya, l’indigo, le turquin ou le saphir !... Faites briller votre palette, remuez votre pinceau, allez chercher des tons chauds !... Capturez le bleu, fumée, givré, canard, majorelle !... Redéfinissez l’horizon entre le ciel, l’azurin et le céleste !... Mieux !... Créez le vôtre !... Mettez des parfums dans vos bleus : lavande ou bleuet : profitez de votre marché !... Dépaysez votre toile avec du persan, de l’égyptien, du prusse, du maya, de l’outremer et pourquoi pas du bleu de France !...
Dans le châle de la vieille dame, vous avez récupéré le vert fuyant de vos arcades. Pourtant, vous avez beaucoup travaillé avec cette couleur. Je retrouve ici et là des teintes menthe, poireau, pistache, olive, avocat, amande, mousse, qui fleurent bon notre chère campagne anglaise… (rires de la classe)
Dans votre tableau, on pourrait se promener dans l’alignement de la toiture pour faire notre marché. Mais vos meilleurs verts sont tous collés au plafond, jeune homme !...
On pourrait presque retourner votre oeuvre pour profiter de tous ces étalages aériens !... Mais dites-moi simplement que votre tube de vert était plein et que celui de bleu était vide !... Pour donner dans l’éclat, dans la hauteur, vous avez rougi des lettres cabalistiques sur vos barils empilés ; elles aident le lecteur à apprécier les dimensions dans une attitude figée comme des panneaux de signalisation, une forme de publicité dans cet environnement froid.
Mais quelle idée vous a pris d’aller remplir tous ces cageots de cette effroyable couleur saumon ?... C’est un étal de poissons ?... Vous avez additionné les distractions en peignant de la même couleur ces ballots empilés, là, dans une profondeur approximative. On retrouve même cette couleur sur le chandail de la dame à droite. Les tonneaux, les caisses, la bâche, les paniers d’osiers, les salades, ont des couleurs similaires comme si tout n’était plus que du remplissage.
Dites-moi, les deux personnages centraux ont le même tailleur ?... Leurs vestes sont absolument identiques : même tissu, même couleur, même coupe !... Vos couleurs sont pauvres, jeune Harold. Ou alors, comme je le pressens, vous aviez la flemme de nettoyer votre pinceau : je ne vois pas d’autre explication. Vous aviez oublié votre chiffon ?...
Ecoutez tous !... Bien sûr, il est difficile de s’approprier la Lumière ; chaque seconde, elle investit une ombre ou se cache dans un détail secondaire ; il faut maîtriser ses effets, appréhender l’instant, la sentir plus que la voir, capturer l’instant avec une humilité de débutant. Vous avez à votre disposition votre sensibilité, vos élans, vos passions, vos humeurs, comme des arcs tendus par vos impressions enflammées. Que chacune de vos couleurs soit un rai d’illumination fascinant ; vous devez enguirlander votre toile de mille faisceaux lumineux. N’oubliez pas : la vraie couleur est celle du cœur, pressez-le, bousculez-le, tordez-le, blessez-le, la Lumière doit venir de l’intérieur !… Vous êtes le reflet exalté de ce que vous voyez et, seuls, votre haleine inspirée, votre souffle exhalé, vos soupirs délivrés doivent figer l’ardeur de votre peinture exposée.
Vous, Harold, investi par une superbe technicité et… la folie des grandeurs, vous avez contourné l’ambiance. Forcément, quand on regarde en l’air, on ne voit pas ce qui se passe dans les travées d’un marché… Dans les vérandas, vous êtes allé chercher la lumière à sa naissance…
Ici, on sent bien que, dans votre toile, vous étiez absorbé par le travail obscur des enchevêtrements complexes et des ombres des hautes encoignures ; vous soigniez les détails, les perspectives, les flous, les enfoncements, les coruscations éphémères et leurs ombres, sans beaucoup d’intérêt pour les humains baguenaudant à leurs emplettes.
Là-haut, vous avez décortiqué les nuances en refusant les assombrissements les plus foncés. Oubliant le noir ténébreux, vous avez chargé vos teintes pour définir le volume aérien de votre marché. Ainsi, démesuré, il s’éloigne à perte de vue dans la profondeur de votre tableau. C’est très fort. Pour remplir ce décor disproportionné, je verrais plus facilement un dirigeable en construction ou une gare de triage qu’un simple marché de primeurs.
Je crois que vous vous êtes laissé éblouir par toutes ces poutrelles maillées et vous avez délaissé l’essence même des commerces qui vivent dessous. Je crois que vous avez couru deux lièvres à la fois avec votre œuvre. Je crois que vous avez profité du contexte pour travailler avec minutie et grand talent, je le reconnais, les ornements de cet écheveau inextricable. Vos personnages, jetés dans la toile, ne sont que des compléments d’objets indirects à votre oeuvre. Impersonnels, esseulés, abrégés, froids, ils gisent dans des positions attentistes comme si leur sort était définitivement lié aux lumières que votre pinceau muet ne viendra jamais éclairer…
C’est l’heure ; reprise des cours demain à huit heures !... Restez donc un moment, Harold…
Dites-moi, Harold, comment avez-vous pu définir avec tant de précision ce dédaléen enchevêtrement métallique ?... Quels étaient vos plans, vos calculs, votre méthode, votre vision ?... C’est la première fois qu’un élève de première année m’apporte la charpente des Halles de Londres avec un tel foisonnement organisé, une justesse d’architecte millimétrée, une projection si habile… Avec votre toiture, vous frisez la perfection, jeune homme. Le talent, ce n’est pas ce qu’on montre, c’est ce que l’on suggère mais, ça, vous l’avez déjà compris… Mais je vous en prie, n’oubliez pas les couleurs. Harold, souvenez-vous toujours : les peintres sont les poètes de la Couleur…
Pascal.
Monsieur, je cherche les Halles.
- Hélas, elles ont été détruites, voilà plusieurs années. Ils ont laissé ce trou, que vous voyez là-bas. Ils devaient reconstruire; mais les caisses sont vides, enfin, c’est ce qu’ils disent. Allez savoir !
- Alors, il n’y a plus de Halles ?
L’homme me quitte, haussant les épaules. Je continue mon chemin.
C’est alors que je les voie, telles qu’elles sont restées dans mon souvenir : spacieuses, colorées, éclairées par une verrière, haute, là-haut, soutenue par une solide armature d’acier.
J’avance, réconforté. Elles sont là, intactes ; telles que petit, je les voyais, lorsque j’accompagnais ma grand-mère, venant acheter fruits et légumes frais, poissons tout juste péchés, fromages moulés dans des laiteries familiales…
J’avance, et me heurte à une illusion ; très belle illusion, puisque c’est un tableau.
Signé du peintre Harold Gilman. Peinture magnifique des Halles de mon enfance.
Planté là, non loin de ce trou, si grand que l’on a peine à croire que ce sont les hommes qui en sont responsables.
Jaclyn O’Léum
« Admirez, messieurs dames, admirez le quadrillage parfait des poutres, la profondeur de champ, admirez ces enchevêtrements de ferraillage qui s’enfuient à perte de vue !...
Plongez dans le relief jusqu’à l’éloignement confus du décor !... La perspective est immense, les reflets se subodorent, les couleurs se juxtaposent, les volumes encombrent l’atmosphère, la lumière s’invite, les personnages s’animent, les bruits ont des odeurs et leurs échos nous renvoient des couleurs impressionnantes… Le détail est omniprésent mais il se fond dans l’ambiance en se multipliant à l’infini. L’étude est à la projection ; on en devine la vastitude, l’ampleur, la grandiloquence des effets, le flamboiement des attitudes, la prospection des humeurs, la contagion des sensations, l’indépendance des sujets et on se sent petit devant un tel tableau… »
Ben, moi, avec toutes ces explications exaltées de guide, je suis tombé en avant, là, dans les lumières du tableau, et j’ai fait un bond d’un siècle… en arrière…
« Mais qu’est-ce que vous foutez dans mes salades, vous ?!... »
« J’étais ébloui… »
« Ce n’est pas une raison pour piétiner mes plates-bandes !... Vous allez me faire des pâtés !... »
« Vous avez des couleurs… impressionnistes… »
« Faites la queue, comme tout le monde !... »
« Pourquoi, au vieil homme penché, on sent toute la fatigue ?... Pourquoi, à l’homme à la casquette, on sent tout le poids de son panier ?... Pourquoi, à la dame au châle, avec sa tête inclinée, on comprend tous ses questionnements de porte-monnaie ?... »
« Mais ce sont les couleurs, jeune homme !... Chaque tonalité a sa vibration, chaque intensité a sa propre incidence, chaque ombre a son parfum de carnation en gestation spirituelle !... »
« Je suis… admiratif… »
« Mais l’admiration est une autre couleur sur la palette des sensations, jeune profane !... De même que l’affliction, le plaisir, la haine, l’amour ou la joie se peignent à divers degrés de chaleur picturale !... Chaque coup de pinceau est un sentiment profond, chaque élan du poil est une signature extravertie, chaque mélange est une extrapolation intime, chaque trait est un soupir, chaque impression est un signe… A vous d’en traduire les simagrées sur l’échelle insondable de vos sensations… »
« Mais… »
« Chut… N’entendez-vous pas la foule grouillante dans les environs ?... Ecoutez ces bruits de cagettes malmenées, ces braiements d’animaux enfermés, ces cris de ralliement aux étals des intérêts mercantiles, ces charivaris de débordements humains remontant les travées comme une marée d’équinoxe… Une des qualités d’un chef-d’oeuvre, c’est d’enfanter des silences et des clameurs…
Ne sentez-vous pas tous les parfums du marché ?... Ici, ce sont des senteurs de champignons, de prunes, de volaille, de fleurs, de sueur !...
Là !... Ce sont des effluves de pommes, de fromages, de confitures, de poissons !...
« Mais… »
« Fermez les yeux pour mieux voir !... Sentez-vous le vent sur votre visage pour tout mettre dans le désordre dans vos impressions olfactives ?... Le pouvoir intrinsèque d’un chef-d’œuvre, c’est de vous faire entrer dans l’intimité de son tableau. C’est réveiller en vous des sens qu’on ne croit utiles que dans la nature. C’est se faire absorber par la toile jusqu’à demander au vendeur, celui avec son tablier d’affaire et sa cravate ajustée, le prix de ses œufs, c’est avoir froid du courant d’air, celui qui court entre les verrières, là-haut, c’est attendre le soleil, celui qui normalement allumera de mille feux l’ambiance marchande. C’est comprendre tous les empilements dans la toile, ses ballots, ses caisses et ses tonneaux, comme des feux d’artifice en devenir dans la main de celui qui les a enfantés.
Un tableau doit bousculer son auditeur, monsieur le visiteur ; l’âme de son créateur se balade en liberté dans l’embrouillamini organisé des couleurs. Il est là, il vous observe, il s’ébroue, il vit, il soupire, il s’anime, il peint, le temps de votre collusion avec son œuvre. Sentez-vous des frissons ?... Il est si près que vous pourriez le toucher… Avez-vous quelques fourmis de visite ?... Obligeant, il vous salue à travers sa toile…
Déjà, il vous emmène ; vous voulez savoir ce qui se passe derrière cet étal, flairer une autre aventure, apprécier une autre devanture, découvrir d’autres fournitures, pour rassasier votre imagination avec ce feu d’artifice de peinture !...
Quand vous pénétrez dans une toile, jeune béotien, sachez que son auteur vous reçoit avec toutes ses couleurs de politesse. Attendez-vous au grand voyage, attendez-vous à franchir un espace temps de lumière et de miroitements sensationnels !...
La dame, déambulant dans ces halles, celle au beau chapeau et au col gaufré, vous voudrez l’interpeller, vous voudrez lui demander ce qu’elle emporte dans son cabas, ce qu’elle va manger à midi, vous voudrez faire un bout de chemin avec elle juste pour ne pas vous perdre dans ce dédale !... »
« Mais… »
« On ne sort jamais vraiment indemne d’un tableau, jeune homme, il a sa part de responsabilité dans le futur de celui qui l’observe. Il est un panneau de signalisation unique, estampillé de la seule signature du maître, au profit de la conduite du visionnaire. Un bon tableau, c’est un arrêt sur image, il organise les sens dans l’ordre de la démesure, mais le film en entier se déroule en trois dimensions dans le tumulte de vos impressions chavirées… »
« Mais… vous êtes, vous êtes… le ?… »
De loin, j’entendais le guide poursuivre la visite…
« Si vous le voulez bien, mesdames et messieurs, nous allons maintenant passer à la toile suivante… »
Moi, je m’en fous… Je reste là. J’attends que des pigeons voyageurs se posent dans les poutres entrecroisées de la toiture. C’est sûr, ils vont roucouler de concert avec ceux prisonniers dans les cages. Ils arriveront avec le soleil, je vois déjà des lueurs de miroitement s’allumer dans les verrières. C’est l’aube…
Pascal.
Une fois dans la s'maine
Bras d'ssus, bras d'ssous
Avec la Germaine
Qui compte nos sous
On va au marché couvert
De la ville voisine
Remplir de divers
Un panier qu'on chine
Qu'on marchande ma foi
Chez l'autre et l'un on rwète
L'usine c'est pas paie de roi
On soupèse plus qu'on achète...
Oh Germaine, des oranges ici !
Eh mon homme
C'est d'la folie vu l'prix
T'as trois kilos d'pommes...
Même si t'étais en prison
J't'en ramènerais pas
Allez pressons
Et passons prendre ton tabac...
T'as raison la mère
Une bonne chique
Ca guérit toutes mes misères...
- Aide moi à monter sur le banc, Josy, je ne vois pas bien, je vois que des plumes au-dessus de la foule.
- Maman, fais attention, tiens passe-moi ton sac, appuie toi sur mon épaule.
- Ah, mais ce sont les filles du Docteur March !
- Mais qu'est-ce que tu racontes ? Où ça ?
- Là, tu vois ? les filles toutes nues ! Dans la rue, si c'est pas une misère !
- D'abord, Maman elles sont pas toutes nues. Et ensuite comment veux-tu que ce soit les filles du Dr March ?
- Mais Josy, réfléchis, tu en connais d'autres, des quadruplettes, dans la ville ?
- Maman, quand même ! le docteur March c'était le collègue de Papy, ton père ! si ses quadruplettes sont encore de ce monde, elles doivent avoir ton âge; tu les vois danser dans la rue avec des plumes sur la tête ?
- C'est ça, dis que je suis has been, le temps que tu y es ! Elles sont bien maquillées, c'est tout. Et le botox, t'as pas vu l'émission d'hier sur le botox ? tiens je me demande…
- Maman sois raisonnable et d'abord descends de ce banc, je ne suis pas tranquille.
- Ah non, t'as raison, ça ne peut pas être les quatre filles du Docteur March, elles ne sont pas de la même couleur.
- Eh bien tu vois, il y en a une rouge, une verte, une bleue et une mauve, c'est très joli, tu ne trouves pas ?
- Mais non ! je te dis qu'elles ne sont pas de la même couleur que le Docteur March. Le Docteur March, il venait de Shanghai, ou de Formose, je ne sais plus bien. Bref ça peut pas être ses filles, t'as raison.
Tu m'aides à descendre, oui ou non ?
Emma
Trois perruches voletaient tristement dans une cage, à Vesoul. Elles ne bavardaient même plus quand, par erreur, un petit crapaud y sauta. Ne me becquetez pas, leur dit-il. Si vous me laissez la vie sauve, j'exaucerai le vœu que chacune de vous fera.
- Moi, dit la perruche rouge, j'aimerais vivre en liberté.
- Moi, dit la verte, j'aimerais vivre dans un pays chaud.
- Moi, dit la bleue, j'aimerais chanter et danser sans plus m'arrêter.
- Voilà! Et le crapaud disparut.
Nounedeb