Quand tu seras partie
Quand tout sera fini
Quand tu seras perdue
Quand je serai rompu
Quand j'aurai oublié
Ton nom notre passé
Les traits de ton visage
L'amour et ses ravages
Ne restera de toi
Qui fut ma joie ma croix
Ce fin parfum d'œillet
Au charme suranné
La vivante fragrance
Souffle de ta présence
Courant dessus ma peau
En troublant glissando
Catheau
Emma sourit.
Depuis le temps que ce jeune gaillard lui contait fleurette…
Au début, elle croyait qu’il se moquait d’elle. Impossible qu’un beau gars de son âge s’intéresse à une vieille fille…mais Emma avait admis la vérité, que ce jeune homme était éperdument amoureux d’elle.
Et enfin, il était bien là, devant elle, ses yeux grand-ouvert, son bras caressant sa chaise…
Elle savait que ce jeune Pierrot allait enfin lui poser la question, la question qu’elle attendait depuis l’âge de douze ou treize ans, ce moment rêvé où l’homme de sa vie lui demande de l’épouser…Emma avait presque oublié ce sentiment d’espoir.
Certes, elle n’avait pas pensé qu’il faudrait tant d’années, mais le moment était enfin venu…
Elle le sentait crisper devant elle. Le jeune homme ouvrit sa bouche…
-M-m-mademoiselle…commença-t-il. Il bégayait un peu. L’émotion, sans doute.
-Oui ? murmura-t-elle, déjà indulgente.
-M-m-mademoiselle, p-puis-je… ?
-Pouvez-vous quoi, Pierrot ? Emma ressentit comme un nœud d’excitation qui montait derrière son jabot de dentelles.
-M-m-mademoiselle, p-puis-je vous appeler…
-Oui, Pierrot ?
-M-m-mademoiselle, p-puis-je vous appeler… « M-m-maman » ?
Joye
Emma sourit.
Depuis le temps que ce jeune gaillard lui contait fleurette…
Au début, elle croyait qu’il se moquait d’elle. Impossible qu’un beau gars de son âge s’intéresse à une vieille fille…mais Emma avait admis la vérité, que ce jeune homme était éperdument amoureux d’elle.
Et enfin, il était bien là, devant elle, ses yeux grand-ouvert, son bras caressant sa chaise…
Elle savait que ce jeune Pierrot allait enfin lui poser la question, la question qu’elle attendait depuis l’âge de douze ou treize ans, ce moment rêvé où l’homme de sa vie lui demande de l’épouser…Emma avait presque oublié ce sentiment d’espoir.
Certes, elle n’avait pas pensé qu’il faudrait tant d’années, mais le moment était enfin venu…
Elle le sentait crisper devant elle. Le jeune homme ouvrit sa bouche…
-M-m-mademoiselle…commença-t-il. Il bégayait un peu. L’émotion, sans doute.
-Oui ? murmura-t-elle, déjà indulgente.
-M-m-mademoiselle, p-puis-je… ?
-Pouvez-vous quoi, Pierrot ? Emma ressentit comme un nœud d’excitation qui montait derrière son jabot de dentelles.
-M-m-mademoiselle, p-puis-je vous appeler…
-Oui, Pierrot ?
-M-m-mademoiselle, p-puis-je vous appeler… « M-m-maman » ?
Joye
Paul a toujours ses grands yeux bruns et son bon regard d’épagneul. Ses cheveux sont plus longs et son teint a pris une singulière couleur bistre accentuée encore par le contraste de sa moustache et de ses rouflaquettes. Il a élégamment noué sa Lavallière et ses mains sont soignées.
Comme il lui a manqué….
Qu’Alice est sévère, engoncée dans sa robe sombre seulement agrémentée d’un jabot blanc. Ses cheveux, qu’il a connu flottant au vent, sont à présent relevés en un chignon austère surmonté d’un bibi à plume. Et ses mains, ses mains si douces pourquoi les dissimule-t-elle sous des mitaines de dentelle rêche ?
Il a tant rêvé d’elle…
Elle lui confie sa réussite, dix couturières travaillent sous ses ordres, les commandes de la bourgeoisie emplissent ses carnets de croquis, bientôt il faudra agrandir l’atelier et le magasin ou alors déménager…
Il parle de ce pays lointain où il a vécu les deux dernières années. Le soleil omniprésent, le désert puis la brousse, les animaux étranges, les fruits abondants, son travail d’ingénieur, la vie douce parmi les indigènes…
Des sauvages ? Elle fait la moue apeurée.
Paul porte son verre à ses lèvres, apprécie la fraîcheur du vin blanc.
Alice découpe un morceau de gâteau, l’avale sans y prêter attention, dit "je reprendrais volontiers un café"
D’un geste, Paul hèle le serveur : "s’il vous plaît, un café et un verre de blanc !"
Le silence s’installe puis un " la cour est jolie et fraîche" tente de réchauffer l’atmosphère.
Oui, le café-restaurant du père Lathuille aux Batignolles est un endroit recherché par les parisiens. Le vin y est moins cher que dans la capitale et l’excursion a un petit goût de dépaysement. Pourtant le vin semble tout à coup amer et les coloris des fleurs moins vifs.
Paul espérait emmener Alice vers les colonies, avoir des enfants…
Alice entrevoyait que son amoureux trouverait un emploi stable à Paris et qu’il l’encouragerait dans la gestion de son commerce...
L’un et l’autre sont à présent perdus dans leurs pensées.
Qui avouera le premier à l’autre que leur aventure vient de se terminer ?
Mony
« Mon beau damoiseau, mon doux chevalier, mon tout premier, mon pastelliste, que vois-tu dans mes yeux ?...Ho oui, dis-moi encore tous tes mots d’impressionniste !... »
« Ce que je vois dans tes yeux ?... »
« Oui, allez, ne me fais point languir, laisse tes mots te trahir et tant pis si je dois rougir !... »
« Je vois tes jeunes cernes complices à l’ombre de ton chapeau si lisse… »
« Canaille !... »
« Mais c’est mon cœur que je vois dans tes yeux !… C’est toi la réalité du reflet de mes regards, c’est toi les couleurs de tous mes paysages, les parfums de tous mes soupirs, la texture de toutes mes caresses, les chansons douces de toutes mes perceptions !... Touche ma chemise, touche l’endroit de mon cœur, regarde comme il palpite !... »
« Mais non, le serveur nous regarde… »
« Ce que je vois dans tes yeux… »
« Allez, traduis-moi tous tes soupirs, mon amoureux, je te promets de ne pas sourire !... »
« Dans tes yeux, je vois la mer et tous ses bateaux, je vois le ciel et tous ses oiseaux, je vois l’infini et tous ses zéros, je vois le peintre et tous ses tableaux, je vois la campagne et tous ses ruisseaux, je vois ma retraite et tous ses flambeaux, je vois l’Espagne et tous ses châteaux, je vois le monde et tous ses fuseaux… »
« Oui, raconte-moi… »
« Dans tes yeux, je vois des milliers de planètes étonnantes qui dessinent des arabesques extravagantes, des jongleurs émérites et des funambules aux contorsions exigeantes, des montreurs d’ours et des magiciens aux baguettes tournoyantes, des clowns burlesques et des dompteurs de puces savantes, des singes habillés et des trapézistes aux figures inquiétantes… »
« Taquin !... Tu dis cela parce que le cirque a planté ses piquets sur la grande place !... »
« Mon Amour, dans tes yeux, les bourreaux sont en grève, les serpents sont sans venin, les épidémies sont sans cimetières, les guerres sont sans soldats, les monuments sont sans morts, les rivières sont sans désespérés, les prisonniers sont sans barreaux, les chats sont sans griffes, les roses sont sans épines, les soleils sont sans brûlures, les nuits sont sans cauchemars, les bossus sont sans bosse, les faits divers sont sans désastres, les paralysés sont sans béquilles, les chagrins sont sans conséquences, les hivers sont sans engelures, les combats de boxe sont sans enjeu…
Dans tes yeux, je vois des champs de fleurs et des myriades d’éphémères pour butiner passionnément leurs corolles adultères ; je vois des oiseaux migrateurs posés dans ce havre de paix ; je vois l’aube d’une larme retenue et le crépuscule de ta paupière émue ; je vois mes desseins dans tes panoramas et des trésors de lumière illuminant ton iris et… tes lèvres, ô tes lèvres…
Elles sont comme les gardiennes de ta bouche. Toutes tes grimaces assidues sont mes réponses sans voix. Elles m’encouragent et me montrent ta voie. Allez, embrasse-moi… »
« Mais non, le serveur nous regarde… »
« Pourtant, dans tes yeux, les prières s’exhaussent, les rêves n’en finissent jamais, les arcs-en-ciel durent plus longtemps que les orages, les trains arrivent toujours à l’heure et les gares ne sont que pour les retrouvailles, les silences ne sont que des acceptations, les murmures ne sont que des accordances et les cris ne sont que pour étalonner le Plaisir. Dans tes yeux, je ne meurs pas de faim, je ne suis jamais las des mêmes refrains, du même festin, chaque seconde ténue te ravive d’un nouvel entrain, d’un nouveau dessin…
Quand mes pinceaux dansent sur la toile, quand ils s’enivrent de carmin ou d’indigo, d’ocre ou de cramoisi, de pourpre ou de havane, quand ils valsent le long d’une farandole de chrysocales ou d’un pétillement argenté, c’est dans tes yeux profonds que je puise mes plus belles carnations, mes plus profondes inspirations, mes plus intimes impressions… Quand je peins un oiseau, je sais qu’il vole et quand je ferme les yeux, il chante ; quand je peins un coucher de soleil, j’ai des frissons à cause de sa chaleur finissante ; quand je peins la nuit, j’ai envie de l’éclabousser d’étoiles filantes par poignées de bonheur mais, quand je peins tes yeux, je voudrais crier : Si Dieu est la bible de mon âme, tu es la bible de mon cœur !...
Derrière ton front soucieux, je devine toutes tes pensées et les quelques plis, là, c’est pour tenter de les garder prisonnières loin de mon inquisition amoureuse. Toi, toi tu es comme ce peuple lointain qui pleure la sècheresse pour l’appeler et qui rit sous les torrents de mousson pour la fêter. Tu es un paradoxe dans le pays de mes équinoxes et je bronze à la candeur de tes regards mouillés…
Ma belle compagne, à cette heure de célébration, tes yeux pétillent plus fort que la chanson de cette flûte de champagne… »
« Mais encore, mon doux, mon tendre… »
« Au soleil de tes sourires diamantins, je vois des îles désertes et des récifs de sable fin. Alignés, je vois tous les messages de mes bouteilles à la mer se dépliant enfin… L’émail de tes dents, si carnassières, est comme un corail aux intentions buissonnières et tes rires de dimanche sont autant de brûlantes avalanches sur mes incantations primesautières…
Tout près de toi, je sens les effluves de tes parfums et je me perds entre le muguet fripon et le lilas coquin ; je sens vibrer la dentelle de ton corsage, là où tes soupirs m’appellent et m’attirent, là où tes rubans opalins ne demandent qu’à se déboucler, là où notre Marie te confesse vainement entre ces deux seins frémissants… Mais approche donc tes lèvres !... »
« Mais non, le serveur nous regarde… »
« Bon, allez viens, je t’emmène au cirque… »
Pascal