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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 18:41

Je suis là dans ma bassine cuivrée, sale et souillée

Les dévouées cornettes m’ont bien utilisée

Pour soigner tous ces gens blessés et alités.

Là-bas

Derrière la vitre blanche qui cache l’horreur

L’horreur de la misère, du tourment, du malheur

Lorsque je serais immaculée, bien essorée

A nouveau j’irais encore laver tous ces éclopés

Et les Cornettes blanches seront les infirmières

 

Jacqueline

2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 07:02

Humeurs, urines ou sueur ?... C’est épais ?... Jaune ?... Ca pue ?... C’est liquide ?... Blanc ?... C’est inodore ?... Aujourd’hui, c’est le test grandeur nature et je ne peux demander à personne, elles font toutes semblant de ne pas me voir…

Troisième année d’infirmière, c’est mon contrôle de fin d’études. Mais non, je ne peux pas goûter… Déjà que je suis allergique au sang… Quand ils ont charcuté ce pauvre soldat, j’ai failli tourner de l’œil !... Il avait quoi déjà ?... Un éclat d’obus dans la jambe !... Le toubib, il ne se gêne pas : quand cela se complique, il coupe !... C’est notre saigneur…

L’hôpital, c’est un repaire de flibustiers aux jambes de bois, aux yeux crevés et aux crochets d’acier !... On pourrait mettre une tête de mort sur notre drapeau !... C’est la menuiserie d’à côté qui ne chôme pas : béquilles en tout genre, moignons moulés, atèles personnalisées et cercueils de toutes tailles ! Nous, on débauche de la vie et l’usine embauche des employés !... Ha, le malheur des uns…

Alors, la mère sup m’a flanqué à La Charité chez les congénitaux et les grippés. Moi, je les soigne avec de l’antirouille… Ils toussent, ils crachent, ils transpirent, ils se roulent dans les draps pour apprivoiser leurs hallucinations !... Je leur dis de prier pour passer le temps. Quand je rentre dans les chambres, je monte au front. Ben oui, j’éponge leurs figures baignées de transpiration adipeuse…

C’est fragile, un homme. Un ou deux degrés de température, de trop ou de pas assez, et le voilà recroquevillé, banni des bien-portants, au rayon marginal des absents, en train de revisiter ses dévotions pour se mettre en règle avec Là-haut… Parce que, la menuiserie, elle ne fait pas dans la plume. Une paire d’ailes, en état de vol, ça se mérite… Bon, ma fiole… Allez ma fille, va voir, au soleil du Seigneur, la transparence du liquide. J’en renverse ?... Si ça glisse, si ça colle ou si ça attaque le parquet ?... Ho, je sais rien, je vais encore redoubler… Qui veut goûter ?... Amen.

 

Pour la douze, c’est bien un verre de rouge?... C’est encore moi de corvée de becquée avec ce grand gougnafier. En tout cas, ils ne lui ont pas coupé les mains, à celui-là !... Caporal de réserve dans la cavalerie, d’accord, mais avec moi, il n’en a pas !... Il met une petite pièce sur son plateau comme un pourboire de séduction !... Avec ses yeux doux, il est plein de sourires équivoques et sa moustache frétille !... Régime sans sel, le petit caporal Casanova !...

Il faut voir comme il attrape les miettes de pain avec son doigt mouillé !... Je dois rougir car il pousse ses avantages, ce sabreur de manège : je pousse mes miches !... Je n’ai que vingt-cinq ans mais si j’avais eu vingt-cinq ans de service, il aurait eu affaire à moi, ce Roméo de rodéo !...

Mais faut écouter toutes les sornettes qu’il me raconte !... A l’entendre, il a fait toutes les guerres !... L’était à Waterloo, à Wagram, à Arcole, à Iéna, Marengo, Austerlitz, cet ostrogot !... C’est ma coiffe qui doit lui plaire… La cornette, c’est bien mais c’est dans les virages serrés, les croisements et les portes que cela se complique. Nous, les anges de la terre, pour garder l’esprit sain, nos ailes sont sur notre tête !... C’est la mère sup qui le dit tout le temps !...

Ventouses, lavements, appliquer les sinapismes, masser les rhumatisants, enterrer les morts, d’accord, mais comment on pratique avec les obsédés ?... Dans nos livres, rien sur ce chapitre !... Je vais laisser tomber son crucifix là où ça fait mal, cela va le calmer… Je le trouve un peu trop cavalier, cet écuyer… Quand le capo râle, l’infirmière cavale… C’est une mule qui lui a marché sur le sabot (un sabot de l’ébénisterie d’à côté) et il me la joue Attila des grands espaces !... A cette heure de convalescence, il ne tiendrait même pas sur un cheval de carrousel, le picador !... « Laisse tomber deux gouttes du liquide de ta fiole dans ma soupe, petite, c’est pour mon vétéran d’opérette… »

C’est quoi ?... L’Angélus ?... Ouf, sauvée par le gong, si je puis dire… Amen.

 

 

Bon, une pincée de salsepareille, trois graines d’hellébore, un soupçon de mandragore, un zeste d’hysope, et si j’y mettais quelques fleurs d’anis pour parfumer l’ambiance ?... Mais qui m’a piqué ma poudre de perlimpinpin ?... De l’escampette, je n’en ai plus. Ils s’en allaient tous en courant !... Allez, à feu doux… Soigner les jambes de bois, les gueules de bois, les langues de bois, avant de les voir partir entre quatre planches, telle est ma condition d’herboriste à vocation de guérisseuse… Tu parles d’une potion !... Et c’est encore moi qui m’y colle… Faut laisser macérer, comme ils disent dans la recette ; mais je n’ai pas que ça à faire, moi !...

Et l’autre gamine avec sa bouteille… On dirait qu’elle voit les microbes en train de se baigner. Elle ne ferait pas la différence entre de l’eau bénite et du vin de messe et quand on lui parle d’autel, elle demande si les lits sont moelleux !...

Entrez chez les Sœurs de la Charité, c’est un ossuaire non, c’est un sacerdoce… C’est de l’Amour, le don de soi, de la générosité, à l’état pur. Même avec des années de crachats, de bile, de drains, de pisse, de pleurs, de misère, nous ne sommes pas blindées sous nos robes de bure. Alors c’est normal, on les bizute un peu, nos nouvelles…

On a piqué un peu de ratafia, celui planqué sous l’oreiller de la mère sup et on a rempli la fiole de notre apprentie. Depuis ce matin, de mal en peine, elle hante les couloirs avec toute une ribambelle de points d’interrogation accrochés à son habit comme des petits orphelins affamés… Allez, avec ma carafe, je vais trinquer avec elle, peut-être qu’elle comprendra enfin… Ca bout !...  Holà !... Mollo !... Amen.

 

Pascal

1 septembre 2013 7 01 /09 /septembre /2013 17:40

Depuis des siècles,

Dans les ermitages, les abbayes,

Les hôtels-Dieu, les hostelleries,

Les quarantaines, les maladreries,

Sous leur cornette raidie de blanc,

Sous leur voile noire de vierge,

Dans leur robe de serge,

Leur tunique de bure,

Et parfois dessous le cilice,

De leurs fines mains blanches,

De leurs vieux doigts déformés par l'arthrite

Elles ont fait de la charpie,

Elles ont vidé les bassins de cuivre et de porcelaine,

Elles ont posé les sangsues grasses et noires,

Elles ont manié la lancette effilée,

Elles ont pansé les plaies sanguinolentes,

Elles ont essuyé les sanies, les excréments, les vomissures,

Elles ont caressé les fronts mouillés de sueur morbide,

Elles ont désaltéré les lèvres fendillées par la soif,

Elles ont fermé les yeux révulsés des morts,

Elles ont enveloppé de draps rêches leur pauvre corps raidi.

De leurs oreilles oublieuses

Elles ont entendu la litanie farouche

Celle des  cris, des sanglots, des murmures,

Celle des appels, des aveux, des plaintes,

Celle des jurons, des invectives, des insultes,

Celle des blasphèmes, des pardons et des reniements.

Sur leurs pieds nus et fatigués, emprisonnés dans des sandales,

Avec la patience des anges, elles ont soigné

Les lépreux aux membres rongés,

Les pestiférés aux monstrueux bubons,

Les cholériques écumants au ventre bleu,

Les folles et les fous de village,

Les orphelins et les enfants sans mère,

Elles, les invisibles, les secrètes, les discrètes,

Elles, les reléguées, les isolées, les méprisées,

 

Mais tout le corps donné

Depuis des siècles 

A une humanité

En croix.

 

 Catheau

1 septembre 2013 7 01 /09 /septembre /2013 17:27

 

Quand les couvents eurent fermé

On ne sut que faire des cornettes.

On pensa y mettre des moules,

Puis des frites pour accompagner;

Et comme dessert deux boules de glace.

 

Nounedeb

1 septembre 2013 7 01 /09 /septembre /2013 10:58

Sœur Cunégonde

 
« Dominique, nique, nique s'en allait tout simplement,
 
Routier, pauvre et chantant
 
En tous chemins, en tous lieux, »
 
La mère supérieure
 
Cessez de chanter cette chanson sœur Cunégonde. Vous savez qu'ici, les plaisirs sont interdits.
 

Sœur Cunégonde

 
Est-il si grave d' apporter un peu de joie aux malades ?
 
La mère supérieure
 
Vous savez bien que non, une prière ou deux , croyez moi cela fait de l'effet . Je vous permet aussi quelques lectures mais les malades doivent se reposer.
 

Sœur Cunégonde

 
C'est que je n'ai point de livres pour cela.
 
La mère suppérieure
 
Où est votre bible ?
 

Sœur Cunégonde

 
C'est que , je l'ai perdue en allant me confesser au près de père Ignacio .
 
La mère supérieure
 
Peut-être que vous l'avez oubliée dans le confessionnal.
 

Sœur Cunégonde

 
Oh non ! J'en suis sure, j' y vais tous les jours et je n'ai rien vu.
 
La mère supérieure
 
Avez vous tant à vous faire pardonner que vous allez voir le père ?
 

Sœur Cunégonde

 
A part la chanson , non mais le père m'apporte tant de réconfort dans cette abbaye que je ne peux …
 
La mère supérieure
 
Suffit sœur Cunégonde. Ici nous devons nous occuper des corps et des âmes des malades. Il n'y a aucune place pour notre confort personnel.
 

Sœur Cunégonde

 
Je vais dire de ce pas au père que je ne pourrai plus le voir ;
 
La mère supérieure
 
Vous ferez ça plus tard pour l'instant, les malades ont besoin de vous.
 

Sœur Cunégonde

 
Bien ma sœur « Dominique, nique, nique s'en allait tout simplement,
 
Routier, pauvre et chantant
 
En tous chemins, en tous lieux, »
 
La mère supérieure
 
Soeur Cunégonde, je vous ai déjà dit que le chant était interdit ici. Encore une désobéissance comme celle ci et je vous renvoie...
 

Sœur Cunégonde

 
A vos ordres ma sœur ( en aparté) quelle vieille rabat-joie celle là . Bon je n'ai que 2 options , soit je reste ici et je verrai le père Ignacio tous les jours soit, je chante et on me renvoie. Quel dilemme....
 
sœur Cunégonde parcourt le couloir tout en chantant et le soir même elle ne revit plus le père Ignacio.
 
 
Aimela
 
 
1 septembre 2013 7 01 /09 /septembre /2013 08:09

 

Soeur Marie Berthe... !
Oui soeur Marie Augusta... ?
Qui a t-il... ?
Il n'y a presque plus d'éther... !
J'ai encore du Cognac...
Le prochain soldat on l'enivrera !
Oh mon Dieu... !
A la guerre comme à la guerre !
Si jambe ou bras à couper
C'est mieux que sans rien !
Oui mais tout de même...
Vous préférez l'assommer ?
Oh Jésus Marie Joseph NON...
Soeur Marie-Berthe... !
Quoi encore soeur Marie-Augusta ?
Il n'y a plus d'eau de Javel... !
Nous reste l'huile de coude...
Hélez soeur Dominique
Qui ne fait rien qu'à chanter... !
Et soeur Emmanuelle aussi...
Elle est au Caire... !
Encore !!
Et mère Thérèsa ?
En mission en Inde avec soeur Diana... !
Reste que nous quatre
Avec le docteur Petot ou Petiot... je crois !
Prions le Seigneur
De n'avoir qu'à bander
Aux prochains brancards ! 
Soeur Marie-Berthe... !
OUI soeur Marie-Augusta ?
Il n'y a plus de pansement... !
Nous couperons nos dessous alors...
A la guerre
Oui je sais, comme à la guerre !

jill bill

30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 17:00

 

Mon amour,
 
Dans cette nuit bleutée.. un rayon de lune vint de se poser sur ma joue.. toute la chambre en fut illuminée.. J'ai ressenti la légèreté de ta caresse... 
Le suave parfum de tes cigarettes préférées a subtilement flotter dans l'air.. Mon cœur s'est emballé et j'ai crié ton nom... ombre bien aimée....!
Je prends cette feuille à témoin.. je souhaite signer pour preuve de ta présence... chère ombre errante !
Reviens encore et encore... je serai toujours là tant que mon cœur sera capable de bondir dans ma poitrine.
A toujours !
 
M'amzelle Jeanne
30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 15:44

 

Après cette soirée dont l’écho de tes maudits mots tinte encore à mon oreille, ne restent que les maux. 
Adieu
72

 

Josette

30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 13:49

 

Ici, août 1946

 

Mon doux mon tendre, le peintre de mon âme,

 

Oh ! Si vous saviez ce que je viens de vivre !

Te souviens-tu (ici mon ami je Veux te tutoyer)

te souviens-tu de cette longue promenade dans la lande Bretonne sur cette pointe du bout du monde ?

Tu me tenais tendrement la main, mon ombrelle se retournait chaque fois que mon cœur battait la chamade poussé par ce vent d’amour.

Tu ne parlais pas.

Je voyais dans tes yeux comme une palette lumineuse de couleurs,

les bruyères se dessinaient et se coloraient dans ton regard,

je crois même que je t’ai vu cligner des yeux, tu étais en train d’immortaliser ce moment divin…

La mer de bruyère ondulait,  je sentais monter un étrange vertige.

Ces plantes rases mais fragiles, ces plantes qui résistent vaillamment  à l’assaut du temps, 

ce dégradé de parme et de gris, c’était les petits instants d’amour volés à Marthe. Nous étions si bien.

Les critiques diront de ta peinture des bruyères : « osmose avec la nature »

Moi,  je la sentais cette osmose d’amour et ton bras protecteur m’a bien gardé de la pâmoison.

Mon ami j’arrive à ces faits qui m’ont tant troublée.

La nuit dernière, en famille nous étions là-bas dans notre nid de bruyères.

Il y avait les enfants, mon mari, des amis. Nous étions quatorze mais j’étais seule avec toi.

J’ai entendu Paul dire à ses amis : « ne vous inquiétez pas elle fait un peu de neurasthénie »

Je sentais ta main sur la mienne, le vent passait dans mes cheveux,

c’était tes tendres baisers d'alors,  dans mon cou.

Nous attendions ces feux qui devaient clore en beauté la fête des bruyères.

Feu d’artifice !

Tu dois connaître cette poudre magique qui offre des étoiles à la foule.

Toi qui as su m’aimer nue sans tous ces artifices de la vie mondaine,

écoute bien ce qui nous est arrivé ce soir.

Sous les applaudissements et la joie des enfants

les derniers bouquets dans le ciel nous ont tous éblouis.

C’est alors que nous vîmes dans la lande,  une lumière rouge immense.

La lande brûlait.

Notre lande, nos bruyères, notre amour partaient en fumée: le rouge, le noir et les cendres.

J’ai vraiment cru mourir.

Oh ! Mon tendre mon doux ami comme vos bras m’ont manqué!

Une larme vient de tomber…je suis si malheureuse.

« Votre douceur sucrée » pour l’éternité

 

Jamadrou

 
30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 07:09

 

J'imagine un jour
où nos lettres d'amour
d'un geste du doigt
apparaîtraient sous nos yeux
et cela en moins de deux.
 
Ne te moque pas de moi,
je rêve, mais on n'sait pas!
 

 

Hélène
J'imagine un jour
où nos lettres d'amour
d'un geste du doigt
apparaîtraient sous nos yeux
et cela en moins de deux.
Ne te moques pas de moi,
je rêve, mais on n'sait pas!
24 août 2013 6 24 /08 /août /2013 12:18
Pierre Bonnard - clic
 
Ma chère petite-fille,
 
 
Je ne te demande pas si tu es bien rentrée dans ta famille après ces deux semaines passées chez moi, car si tu es assez grande pour porter des talons et te maquiller, tu ne l’es  malheureusement pas pour voyager seule dans un train de jour rempli de voyageurs (pour la plupart de simples touristes ou de bons pères de famille partant en vacances avec les leurs, qui n’ont rien de violeurs, mais on ne sait jamais, tu as raison de te méfier chère enfant) et j’ai bien fait de te raccompagner chez toi, à 900 km de mon domicile. C’est vrai, la carte jeune et la carte sénior offrent de bons prix, on a raison d’en profiter, à 400 euros l’aller-retour cartes comprises pour nous deux, ça n’ampute pas trop sur ma retraite. Je mangerai juste un peu moins de viande le mois prochain. A mon âge, on a moins besoin de protéines.
 
Ta présence me manque, tu t’en doutes, car maintenant je ne peux plus regarder avec toi  la télé dès huit heures du matin et tes chers feuilletons, consistant principalement en édifiantes sagas pour la jeunesse, avec des bandes de jeunes lycéens dont l’occupation principale est l’amour (et ses complications) ou le chant en play-back et la danse dans des écoles  américaines qui vous font croire qu’en chacun de nous se cache un nouveau Fred Astaire ou une Nathalie Wood moderne, ça me change de mes habitudes. Grâce à toi, je n’ai pas ouvert mon poste de radio ni écouté les infos pendant 15 jours, c’est super, j’ai évité  ainsi les mauvaises nouvelles du style guerres en tous genres, impôts nouveaux, augmentations diverses, catastrophes, suicides, meurtres  ou autres. Dans la merveilleuse bulle où tu m’as enfermée pendant ces deux semaines, j’ai pu vivre avec plaisir et par écran interposé les amours et les affres d’une jeunesse en devenir, malgré l’évident décalage qui existe entre son mode de vie et le mien tel que je l’ai vécu autrefois.
 
Grâce à toi, j’ai appris aussi qu’écrire 700 SMS par semaine ne représentait pas un exploit impossible pour une fille de 13 ans, mais juste la normalité, c’est normal mamie de prendre des nouvelles des copines et j’ai été ravie de connaître régulièrement et en direct, conjointement à la nôtre, la météo des plages de Noirmoutier ou autre lieu de vacances. Merci aussi d’avoir subtilisé ma tablette pendant ces 15 jours, car il est clair que ce genre d’article ne contribue pas à améliorer la vue des gens de mon âge. Et pourquoi lire un roman sur une tablette, alors qu’avec 7 bibliothèques, tu as de quoi t’occuper ! Merci aussi chère petite-fille d’avoir installé skype sur mon ordi, je peux enfin dialoguer en images avec ma famille, au cas où je m’ennuierais d’elle. Et puis, ça a permis à tes parents de constater que je te nourrissais bien et que tu n’as pas maigri chez moi. Pas plus que tu ne portes la trace d’éventuelles violences que j’aurais pu te faire ! Je pense que le mot « immersion » est à rayer désormais de notre vocabulaire, car avec tous ces moyens modernes, aucune chance de couper le cordon, ne serait-ce que pour quinze petits jours. Téléphone, SMS, skype et compagnie sont là pour vous tenir au courant, minute après minute, de votre emploi du temps et de celui que vous impose votre chère grand-mère.
 
J’oubliais : merci aussi pour le superbe vernis à ongle magnétique que tu m’as fait acheter (et qui n’a pas fonctionné sur moi !) Jusque-là, j’ignorais son existence, j’ai enfin appris grâce à toi qu’on ne peut plus se contenter de passer un simple vernis sur les ongles, mais qu’on peut y dessiner des tas de figures, même y imprimer quelques mots avec une feuille de journal et un peu d’alcool. Oui, ma chère petite-fille, grâce à toi, j’ai rajeuni d’un coup de quelques années, à moins que tu ne m’aies juste fait constater à quel point est profond le fossé qui sépare nos deux générations. Mais peu importe, ces 15 jours m’ont appris à mieux te connaître, à t’apprécier, à te signifier aussi que tu avais encore beaucoup de choses à apprendre de la vie, même si tu as déjà l’impression à 13 ans de tout savoir, de tout connaître, j’espère que bientôt tu réaliseras que la culture ne s’apprend pas seulement à la télévision ou par les médias, mais aussi dans les livres et ailleurs, et que les aînés ont parfois des choses intéressantes à dire, même s’il ne savent pas danser la zumba ou manipuler le dernier Iphone ou mp4 à la mode. Et même s’ils ne portent pas en permanence un casque sur les oreilles pour écouter les derniers clips en vogue. Pardon de t’avoir traînée  dans quelques églises de la région et même au centre Pompidou de Metz, où tu as semblé prendre un intérêt réel, tant mieux, cela m’apporte un certain réconfort,  merci de m’avoir supportée pendant ces 15 jours et d’avoir dû ralentir ton pas pour le régler sur le mien pour m’accompagner dans nos visites. C’est vrai que je n’ai pas eu de chance avec ce vilain mal de dos qui m’a poursuivie pendant tout ton séjour à la maison. J’espère que ce dernier t’aura changé un peu les idées et que tu reviendras l’année prochaine, si le cœur t’en dit.
 
De mon côté, j’abandonne pour un temps ce titre pompeux de chicouf qu’on donne aujourd’hui aux grands-parents qui reçoivent leurs petits enfants en vacances (chic quand ils arrivent et ouf quand ils repartent), tu sais que tu seras toujours la bienvenue ici, l’année prochaine tu auras un an de plus, et moi aussi, on verra bien ce que l’avenir nous réserve. Cette année est l’année du brevet, je te souhaite une bonne réussite.
 
Je t’embrasse, chère petite-fille, en attendant tes mails, tes SMS , et tes appels par skype ou autre. Il faut bien vivre avec son temps, mais n’oublie pas tout de même qu’une présence réelle ne remplacera jamais tous ces outils virtuels. A bientôt et bonne fin de vacances à toi.
 
Ta mamie qui t’aime.
 
claude
 
 
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24 août 2013 6 24 /08 /août /2013 11:50

 

 

Samedi 29 juillet 1902

 

Chère Adeline

 

Quelle surprise ce matin lorsque j'ai reconnu  ta petite écriture pointue à l'encre violette sur l'enveloppe rose que mère m'a tendue. Les yeux fermés, sans doute, j'aurais reconnu le parfum des sachets de lavande que tu glissais dans tous tes tiroirs.

Trois ans, trois ans que j'attends un signe de toi.

Nous nous étions promis, rappelle-toi, que nous nous écririons au moins une fois par mois, pour prolonger nos interminables conversations qui faisaient tant rager Sœur Marie Dolores au dortoir…

Je me réjouis  de tes succès dans la couture et la mode. J'ai toujours été admirative de tes talents artistiques, bravo, ma chérie.

Justement j'ai rencontré chez mon oncle  Henri (tu te rappelles, ce chanteur à la belle moustache noire qui fait la honte de la famille, et dont nous étions amoureuses au pensionnat ?) une dame remarquable qui crée des toilettes et chapeaux.

Elle s'appelle Gabrielle Chanel, et elle a de grandes ambitions, dont tu pourrais t'inspirer (bien que je doute que ta timidité le permette).

D'abord, plus de corset, tu imagines ? Enfin libres !!!

Et elle a pour projet d'ouvrir boutique à Paris. Paris !!!

En attendant, nous apprenons toutes les deux à conduire l'automobile de l'oncle Henri. C'est follement amusant.

Tu comprends, je suppose, que je ne suis pas prête de te demander de confectionner mon trousseau de mariage. Grands dieux non ! Quand il y a tant de choses passionnantes à faire avant de s'encombrer d'un tyran domestique et de marmots !

Je ne dis pas que vers la trentaine je ne m'y résoudrai pas, mais pour l'instant j'ai d'autres projets, dont dans l'immédiat un voyage en Egypte, qui me fournira matière pour les chroniques que j'écris dans " la tribune de la montagne" dirigée par un ami de mon oncle.

 

Alors venons-en à ce beau danseur qui fait battre ton cœur, Georges Canfin.

Bien sûr que je le connais ! Lui et sa belle chevelure blond vénitien ondulée sont célèbres à Viremont ; ses parents ont une grosse ferme ici, mais j'ignorais qu'il habitait maintenant ton village. Il faut dire qu'il n'a donné son adresse à personne quand il a quitté Viremont précipitamment l'an dernier.

Il n'est jamais revenu ici, et on le comprend ! Parce que s'il le faisait, il serait accueilli avec des fourches par quelques maris furieux, je te laisse deviner pourquoi…

 Il y a eu en particulier un scandale retentissant quand la femme, la sœur, et la fille de Monsieur le Comte (sa mère est morte, hélas), chez qui il était intendant, ont mis au monde le même mois des bébés blond vénitien, alors que le Comte est certes chauve, mais noir de poil…

 

Mais non, ma petite Adeline, je te fais "marcher" comme on dit, parait-il, à Paris. Ton Georges est sans aucun doute un garçon tout ce qu'il y a de bien, sage et excellent comptable. De plus il a de belles espérances, la ferme de ses parents étant la plus grosse du canton.

Tu peux donc donner libre cours à ta passion.

À supposer que cela existe ! (à l'intérieur du mariage s'entend…)

Pardonne-moi de t'avoir taquinée ainsi, mais avoue que tu le mérites, après m'avoir laissée si longtemps sans nouvelle (mes lettres me sont revenues parce que tu as changé d'adresse semble-t-il).

 

J'espère que nous allons pouvoir reprendre le fil de notre relation. Si tu m'invites,  je viendrai à ton mariage en automobile, je te ferai faire une virée, tu verras comme c'est amusant…

 

Pour toujours,

 

ta Marianne 

 

 

Emma  

23 août 2013 5 23 /08 /août /2013 18:01

 

Mercredi, 16 juillet 1902

 

Chère Marianne,

Te souviens-tu de ce petit carnet rose dans lequel je notais tout ce qui me semblait précieux ?

…précieux comme ton adresse qui me permet de t’écrire aujourd’hui.

 

Près de trois années se sont écoulées depuis notre départ de l’internat et ces mois durant lesquels nous avons changé de siècle se sont succédés dans un tourbillon d’activité au point que je n’ai pas vu le temps passer. Il me semble, ma bonne, entendre ton rire clair et joyeux et notre complicité est, là, si forte qu’elle me conforte encore et toujours. Et pourtant je m’en veux de n’avoir pris plus tôt de tes nouvelles, ni de t’avoir prévenue de l’ouverture de mon petit atelier de couture qui, ma foi, me donne entière satisfaction. Quelques dames du bourg renouvellent régulièrement leur garde-robe et font appel à mes services, me confiant bien souvent le choix du modèle et du tissu de leurs toilettes. Il s’agit pour moi de faire preuve d’ingéniosité en choisissant des coloris et des coupes qui les mettent l’une et l’autre en valeur et gomment leurs éventuels défauts. Il faut voir mes clientes parader sur le parvis de l’église à la fin de la messe du dimanche matin, c’est à qui sera la plus élégante. En toute modestie j’avoue recevoir quelques compliments et le bouche à oreille aidant de nouvelles commandes me parviennent au point que j’envisage d’engager une apprentie, voire une ouvrière.

 

Qu’en est-il pour toi ? As-tu pu réaliser ton rêve de voyages ? Découvres-tu ces départements et ces régions qui te fascinaient au cours de géographie donné par ce farfelu de Derombière ? (bel homme entre nous, ce Derombière) Mais peut-être as-tu trouvé l’âme sœur et es-tu sur le point de convoler ? Si c’est le cas, je serais infiniment heureuse de te proposer mes services pour la réalisation de ta robe de mariée. Comme nous en rêvions de cette robe et de notre futur mari…

 

J’en viens au sujet plus précis pour lequel je te contacte. Avant-hier, au grand bal du 14 juillet, j’ai eu le plaisir d’être invitée à plusieurs reprises à danser par un jeune homme originaire de ton village, très charmant et bon danseur de surcroît. Il se nomme Georges Canfin et m’a dit travailler chez un notaire. Je sais que je peux avoir confiance en toi et je t’avoue qu’il m’a fait la promesse de me retrouver à la soirée donnée à l’occasion de la fête patronale, le 14 août prochain. Depuis, le temps semble s’écouler lentement et mon imaginaire, toujours aussi fertile, me mène vers des chemins de délices…

 

Chère Marianne, peux-tu m’en dire un peu plus sur ce jeune homme, le connais-tu personnellement ou connais-tu sa famille. Est-ce là des personnes bien et dignes de confiance ? 

 

J’attends ta réponse avec impatience et je te serre contre mon cœur,

 

Ton amie fidèle,

Adeline

 

 

Mony

22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 17:31

 

Mon cher Mimi,
 
J'ai reçu avec grande émotion la partition. C'est mademoiselle Pincenez qui va être étonnée de me voir reprendre goût au piano. Je ne sais pas pourquoi vous dédiez ce morceau à ce prénom qui sonne moins bien et beaucoup trop solennel à mon oreille que les doux "mimi" que nous nous échangeons et qui ne sont que de nous. A moins qu'en écho à Hélène, je vous susurre Riri.
J'aurais rêvé plus enjoué comme déclaration, un peu comme la lettre à Elise ...
 
Mademoiselle Pincenez prétend que Ludwig avait écrit cette bagatelle à une certaine Thérèse.
Rassurez-vous je vous taquine. Je préfère mille fois ces notes savoureuses à des bonbons. Vous auriez été capable de m'adresser le mot d'accompagnement à "ma chère Germaine". J'ai aussi horreur des sucettes à l'anis et ne m'appelez plus jamais France. J'espère que c'est de l'histoire ancienne et j'ai hâte de venir au château.
Aucun risque de déclencher une nouvelle guerre de Troie de mon côté. J'ai bien quelques flirts sans conséquence qui papillonnent de leur côté. Rien de sérieux. Promis, je ne ferai plus de stop. Vous avez eu raison de m'en décrire les risques mais comment aurais-je rencontré mon prince charmant ?
A très bientôt,
 
votre Mimi
 
 
Jeanne
20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 08:00

 

Ma Douce, ce sont tous les « je t'aime » qu'on n'osait pas se raconter sur les bancs de l'école. Ils sont restés en suspens au bout de nos lèvres tout le temps de notre oubli et, maintenant, ils envahissent nos moments enchanteurs en se déclinant sur tous les tons du plaisir partagé.

Tous ces « je t'aime » nous habillent d'élans d'Amour qu'on ne peut mesurer qu'avec des grands sourires d'enfant se cherchant pendant la récré. Alors, je te les livre, enfin dépliés, enfin libérés, dans l’ordre échevelé de nos jeunes années…  

 

Viens avec moi, là, derrière le préau et je te raconterai des histoires de vent du Nord avec mes bises sur tes joues pour faire rougir nos décors, avec ta main au creux de la mienne pour avancer dans le futur sans penser à demain et tes rires multicolores pour enivrer notre Destin d'aventures de gamins...

 

Viens, allons recompter les platanes de la cour pour être sûrs d'en vivre tous les détours ; de l'ombre verdissante jusqu'aux branches dépouillées et agonisantes, des carrés de soleil les éclairant jusqu'aux nids les peuplant, des bourgeons précoces jusqu'aux parfums de leur écorce, nous les caresserons encore…   

 

Viens mon Amour ; sur notre banc préféré, nous graverons nos initiales comme des signatures nuptiales, déjà enlacées dans leurs majuscules cérémoniales. Attendris du printemps, nous écouterons les nouvelles chansons des moineaux et nous regarderons les vols de passereaux traversant la cour quand l'hiver les fera fuir dans nos coteaux. Notre Vercors aura sa parure de froid, tout enguirlandé de givre par les cisaillements matinaux du soleil Roi ; il est bien plus beau que les photos nos grands livres !...

 

Viens mon Amour ; on ira à cloche-pied sur quelques marelles pour essayer nos jeunes ailes et, après la pluie, on ira sautiller dans les flaques aquarelles ! Chaque refrain de nos semelles changera le paysage, chaque claquement ritournelle nous emportera dans un autre voyage ! On ira taquiner les toiles d'araignée, on ira chiper les perles de rosée piégées dans leurs filets et je te les offrirai en collier éphémère comme un parement de princesse chimère. On boira les gouttes de pluie en dansant sous les nuages contrits ! J'attraperai tous les flocons de la neige, tu sais, ces merveilleux diadèmes, je t’en ferai des chapelets de "je t'aime" que je te réciterai comme des grands théorèmes !... Au temps de cette froidure, on apportera des graines aux oiseaux de la cour et du gruyère pour les mulots des alentours !...

 

Viens mon Amour ; pendant la récré, nous partagerons mes pâtes de fruit si sucrées, quelques carrés de chocolat à croquer et nous mordrons fort dedans sans nous moquer de tous nos barbouillages de goûters !... J’échangerai mes petites voitures de garage pour te rapporter des belles images et, malgré que tu sois une fille,  je te donnerai toutes mes billes !... Tout là-haut, on regardera les furieux nuages de la fumée bleue ou blanche, rouge ou verte, de la brosse du tableau quand le maître la tape derrière le préau ! Et si tu as froid, je te donnerai mon manteau ; si tu as chaud, je te donnerai mon chapeau et si tu as peur, je serai ton flambeau !...

 

Viens, ma Tendre ; j’enlèverai les graviers de ton soulier, je porterai ton cartable, je serai ton plus fervent écolier et j’apprendrai mes leçons pour te plaire, je saurai tout des récitations et des fables, des problèmes et des aires, même des pays et de leurs frontières !… Je t’écrirai des longs poèmes qui finissent tous par je t’aime !... Tu puiseras dans mon encrier et tu dessineras des coeurs dans tous mes cahiers !...  

 

Viens !... On tirera à la courte paille pour savoir si j’ai le droit de prendre ta taille, on jouera à colin-maillard pour laisser sécher l’encre sur nos buvards, ou à chat perché comme deux enfants amourachés !... De nos jeux de partage, tu choisiras tous les gages !… 

 

Moi, je suivrai l’éclat farouche de tes boucles d’oreilles jusqu’au bout du Pays des Merveilles. Moi, je danserai avec ta chevelure châtain tout au long de nos refrains. Moi, je ferai le beau pour réclamer un seul de tes baisers et je fermerai les yeux pour te le laisser poser. Moi, je marcherai sur la tête et, pour chacune de tes risettes, ce sera un jour de fête ! Partout où tu iras, je cheminerai dans tes pas…  

 

Pour conserver ton cœur, tous les matins, je t’apporterai un bouquet de fleurs ; tous les midis, à la cantine, je te donnerai mes tartines et tous les soirs, à l’arrêt de l’autobus,  je singerai un olibrius pour te faire rire encore…  

 

Si, au hasard d’une poursuite trop joyeuse, tu tombes dans la cour, si tu écorches ton genou, je te donnerai mon mouchoir et ma salive pour te soigner sans détour ; et, si tu pleures, accusée par la douleur, je te donnerai tout mon Amour. Et quand on rentrera en classe, en rang organisé, au sifflet commandeur, on aura nos places côte à côte pour écouter, à l’unisson, battre nos cœurs…  

 

Tel un acrobate, j’ai tenté de te raconter un peu de tous ces « je t’aime » qu’on n’osait pas expliquer avec des mots, au temps de notre jeunesse écarlate.

 

Ma Merveilleuse, tous ces billets doux, je les emprisonnais avec des tonnes de… bisous et, si je peux ce soir me pencher sur ton cou, c’est pour mieux te faire la cour, tu sais… là, où l’on sent encore les effluves du préau, où l’on touche la poussière bariolée des tableaux, où l’on entend les cris des hirondelles en partance pour d’autres lointaines citadelles, où l’on regarde notre Vercors s’enflammer de ses parements d’or, où l’on goûte tous ces moments inoubliables, si bien cachés au fond de nos cartables…

 

 

Pascal

 

 

 

 

 

20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 06:23

 

Mon Pierre,
 
Comme vous me manquez et comme j'aurais aimé vous accompagner dans la chaude lumière du Cannet. Mais aujourd'hui encore j'ai beaucoup toussé et taché de rouge mon mouchoir.
 
Alors que je prends la plume pour vous écrire, je me mets à rêver que vous me portraiturez habillée, tant il est vrai que cela n'est guère dans vos habitudes. N'avez-vous pas toujours préféré me saisir dans la baignoire, au sortir du bain ou vêtue de mes seuls bas noirs, ma pudeur dût-elle en souffrir ? Je me souviens du gentil Verlaine, celui qui évoquait si joliment mon "charme sombre des maturités estivales". "Elle en a l'ambre, elle en a l'ombre" ajoutait-il avec délicatesse.
 
A l'étroit dans le cadre étréci de la toile, je serais là, assise sur le vieux fauteuil  Voltaire de votre atelier, le regard  penché sur la feuille vierge, perdu dans votre souvenir, celui du maigre jeune homme à lunettes, timide et hésitant, que je rencontrai en 1893.
 
Mon corps, dont vous avez tant de fois happé le reflet dans les miroirs de notre maison, voilà qu'il serait corseté dans cette sévère robe de taffetas noir au col en v, celle que je porte toujours lorsque vous êtes absent. Dans la coque de mes cheveux auburn, un gris peigne d'écaille qui me vient de ma mère.
 
Et dans cette toile austère, à l'atmosphère intime, éclateraient seulement le jaune des meubles cirés, le rose de la pochette de mon mouchoir de baptiste et le bleu pâle de mon papier à lettres qui porte vers vous mes mots d'amour et de reconnaissance.
 
Amour pour vous, mon Pierre, qui m'avez préférée à Renée et m'aimez depuis cinquante ans. Et reconnaissance pour vous, mon peintre, en quête de la beauté pure, dont le pinceau me célèbre éternellement jeune.
 
Votre aimée, Marthe
 
 
Catheau
19 août 2013 1 19 /08 /août /2013 12:16

 

Mon cher fils
 
Je te remercie pour ta jolie lettre que j'ai demandé à ton institutrice de me lire. C'est elle aussi qui écrit à ma place car moi, je ne sais pas. Je n'ai pas été longtemps à l'école pour ça. Ici tout se passe bien, ton pauvre père est surchargé de travail depuis que tu es parti à la guerre. Moi, après ma besogne, je tricote des chaussettes que je joins à la lettre, j'espère que tu recevras le tout, par les temps qui courent, les routes ne sont pas bien faites et le courrier se trouve perdu. Prends bien soin de toi et surtout reviens nous vivant, on a trop besoin de toi pour les foins en juin.
 
Tes parents
 
 
L'institutrice
Vous pourriez lui dire que vous l'aimez et l'embrasser, il serait heureux.
 
La mère
C'est que chez nous, on est plus rudes, on ne dit pas les sentiments, il se ferait du souci si je dis vos mots Madame. Il comprendra qu'il est arrivé quelque chose de terrible au père et il voudra déserter ou pire, il se fera tuer et ça je le refuse, j'ai trop besoin de lui pour faire tourner la ferme. Ses frères et sœurs font ce qu 'ils peuvent mais ils sont bien jeunots, les pauvres.
 
L'institutrice
Je comprends, la lettre est terminée, je la mets dans la paquet et je l'emporte à la poste.
 
La mère en pleurs
Merci Madame, vous êtes bien gentille de nous aider.  Je suis seule depuis la mort de mon pauvre Léon fauché dans les champs.
 
L'institutrice
Voyons, voyons, je serai toujours là alors cessez de pleurer, vos enfants ont besoin de vous. Je resterais plus longtemps mais le paquet n'attend pas...
 
La mère
Merci Madame et au revoir...
 
L'institutrice partie, Germaine pleura toutes les larmes de son corps.
Qu'allait-elle devenir ?  Madame l'institutrice est bien gentille mais elle n'est pas faite pour travailler dans les champs.
 
 
Aimela
18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 09:10

 

À l'oncle Paul, la tante Gertrude, le petit Robert, la vieille Maryse, la Jeannine et son Auguste, Nina, Noémie, Corentin, César, Le curé et sa bonne, la crémière et son commis, la commère d'en face, et le râleur de la rue du haut, le facteur, la couturière, ...,..., je sais pourtant que j'oublie quelqu'un, mais qui ?
Serait-ce vous ?
Si oui, ne m'en voulez pas, sachez juste que...
Que le village me semble bien loin depuis que j'ai épousé le châtelain.
 
Votre Berthe
 
 
ABC
18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 08:08

 

 

Monsieur le directeur, je sollicite votre haute bienveillance pour un emploi de coiffeuse dans votre établissement.

 

J’ai seize ans et je suis célibataire sans enfant. Formation : Troisième au collège de Meaux. Expérience professionnelle : Une semaine de stage au salon de coiffure à Congis sur Therouanne et une semaine de stage au salon de coiffure de Saint Talgue, à Meaux. Centre d’intérêts : La coiffure, l’esthétique de la peau et lire.

 

Monsieur le directeur, je veux être coiffeuse depuis l’âge de neuf ans pour la vie et jusqu’à la mort. La coiffure, pour moi, est toute mon ambition. Je ne peux vivre qu’entre les peignes et les ciseaux, les bigoudis et les mises en plis, les bacs de rinçage et les casques séchant. Je serai capable de passer des heures à confectionner des chignons compliqués et je ferai des permanences devant les permanentes.

Si personne ne veut me prendre, je recommencerai ma troisième technique, encore et encore, jusqu’à être embauchée comme coiffeuse dans un salon. Vous comprenez ? C’est mon seul avenir, ma seule mission, c’est ma seule passion.

 

Pour moi, la coiffure, c’est un grand bonheur inaltérable. J’adore coiffer, même toucher les cheveux fins ou gras, épais ou épars, raides ou bouclés. C’est tactile, c’est une relation intime avec ce besoin irrépressible de caresser une tête et j’ai l’imagination sans fin de pouvoir créer une œuvre d’art plus belle qu’une couronne sertie de diamants.

C’est la seule chose importante qui existe, dans ma vie, tout comme l’Amour d’un être humain. C’est viscéral. Je n’arrive pas bien à m’expliquer parce que je n’ai pas beaucoup d’instruction. Pourtant, j’entends mordre les ciseaux délicats quand ils se referment entre leurs lames précises. Alors, les cheveux se mettent en rang, ils acceptent la coupe, ils tombent sur la main et c’est comme une nouvelle création qui naît entre mes doigts.

 

J’aime bien voir la cliente s’admirer dans la glace quand elle dodeline de la tête pour se découvrir des angles de vue agréables à regarder. Et moi, je serai l’instigatrice inspirée de son contentement. Je resterai en retrait, mais sa satisfaction sera la mienne. Ce sera toujours comme ça. Si je vous disais que je ressentirai des frissons de joie. La cliente se reconnaîtra différente dans la glace et moi, je deviendrai cette cliente encore plus heureuse de lui avoir remis de l’ordre agréable dans sa chevelure.

 

Il y en a qui soignent l’intérieur de la tête avec des mots difficiles, moi je m’occuperai de l’extérieur avec des conversations de salon de coiffure et je crois parfois que je ferai plus de bien que tous les psychiatres et autres médicaments ravageurs. Quand la cliente s’en ira, c’est un peu de moi qui partirai avec elle et, sans qu’elle le sache, je partagerai son futur succès avec les compliments qui lui seront adressés. C’est comme si je les entendais déjà à l’avance.

 

Tous ces cheveux à terre, toutes ces boucles encore enroulées, ces fines mèches décolorées, ces franges découpées se contorsionnent comme des reliquats d’un passé décapité. Vous voyez, dans un salon de coiffure, on ne parle que d’avenir parce que mon but, c’est de redonner de l’assurance à la cliente et je vois bien, à sa démarche transformée, qu’elle repart dans le futur avec un courage tout neuf. J’aurai participé à la reconquête de son royaume parce que c’est une nouvelle couronne qu’elle portera sur la tête.

 

Coiffeuse, c’est le plus beau métier du monde. Avec un petit CAP, on peut rendre le sourire sur des visages éteints, on peut redonner de l’élan à des âmes désabusées, on peut remettre des rires dans des conversations. Le prolongement de la conscience est forcément dans les cheveux des clientes attentives. Ce sont les ultimes terminaisons nerveuses soupirant à l’air libre mais ça, on ne me l’a pas appris à l’école d’apprentissage. Je l’ai compris toute seule pendant mes deux stages en immersion dans la coiffure.

 

Je ferai n’importe quoi pour être une bonne coiffeuse parce que c’est ma seule ardeur dans la vie. C’est vraiment le seul métier que j’aime. Je m’améliorerai le matin, le midi et le soir, tous les jours de la semaine. Je sais qu’il faut travailler très dur pour atteindre la perfection. Pour moi, la coiffure est un travail si beau qu’on peut le contempler comme un coucher de soleil au bord de la mer et sans jamais s’ennuyer un seul instant. Les reflets des glaces sont mes plus belles images et les couleurs des néons blancs, la musique entraînante, les parfums exubérants des laques, les lotions enivrantes, les shampoings exotiques sont mon environnement merveilleux.

 

La coiffure fait battre mon cœur chaque jour, de plus en plus fort, et je ne vis maintenant que pour être intégrée dans votre équipe de coiffeuses. Pour moi, avoir une belle situation, c’est vraiment le métier de coiffeuse que je trouve le plus formidable.

 

Vous savez, moi je vous parle avec mon cœur parce que je n’ai pas encore de références et parce qu’on ne m’a pas donné encore la moindre chance de débuter. J’aime étudier pourtant. De jour en jour, j’apprendrai de nouvelles coiffures et de nouvelles colorations, même s’il faut se lever tôt et balayer le magasin tous les soirs. Etre coiffeuse, c’est un art esthétique comme le dessin ou la peinture. Il faut créer la coiffure espérée ou la teinte idéale et les sourires échangés avec la cliente sont les approbations muettes de sa promenade dans les glaces du salon. C’est comme si elle se rendait une visite personnelle et qu’elle se redécouvrait à mesure du travail accompli sur sa coiffure. Elle vient faire son plein de confiance, retrouver des espoirs, museler le temps pendant un moment et ça, je le comprends facilement dans les glaces bavardes. Voilà, je vous ai tout dit sur ce que je pense de mon avenir de coiffeuse.

 

Veuillez accepter, Monsieur le Directeur, mes salutations respectueuses.

 

 

Pascal

 

18 août 2013 7 18 /08 /août /2013 08:05

 

Pour ne pas oublier ou pour oublier
Pour s'indigner
Pour faire joli
Parce que c'est clair de lune et que Pierrot est prêteur
Pour vider son sac ou remplir un devoir
Pour jeter l'encre
Parce qu'il pleut ou parce qu'il pleure
Parce que c'est celui qui dit qui y est
Pour un trait d'humour, un fou-rire
Parce que ça démange ou ça titille
Pour un amour, une amitié
Pour faire comme l'oncle Hubert ou la tante Marthe
Parce qu'on dort mal, parce que ça gratte
Pour la semaine 34 de 2013
Parce que c'est Bonnard
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