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8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 10:13

 

- Quelle misère ! Vous avez-vous, Monsieur Duval, ce qu’ils ont osé nous installer comme décor sur ce minuscule bout de pelouse ? Comme je disais hier à…

La voix de Maude maugrée en bruit de fond. Jacky Duval, habitué aux papotages de son aide ménagère, la laisse exprimer toutes ses frustrations et bien qu’il apprécie sa compagnie bihebdomadaire il n’est pas rare qu’il soit soulagé quand elle referme la porte sur un "à bientôt et n’oubliez pas de me transmettre votre liste de courses"

Le bout de pelouse ? Bien sûr qu’il a pu l’observer à loisir, c’est le seul coin de verdure offert à sa vue.

- L O V E - Quatre lettres colorées, géantes sur lesquelles viennent parfois se poser de trop rares oiseaux. Une statue abstraite et grise aurait-elle été plus attrayante ?

 

En quelques jours, Jacky s’est attaché à cette oeuvre d’art bigarrée et assis à sa fenêtre il s’amuse avec les mots, les pimentant à sa guise : love, louve, olive, vélo…. Et surtout avec son préféré, celui qui lui parle au creux de l’oreille, l’invite à s’évader : VOLE !

 

Vole Jacky, vole !

Comme les distances sont courtes grâce à ces nouvelles ailes…

Vole, Jacky, vole ! Suis ces hommes et ses femmes cheminant depuis des siècles au travers des Pyrénées. Prends, comme tu l’as si souvent rêvé, prends ton bâton de pèlerin et fais-le tinter sur les pierres séculaires, redevient simplement toi-même au cœur de l’immensité.

Vole, Jacky, vole ! Engouffre-toi dans le métro, regarde défiler les stations, tu les connais par cœur, tu as tant de fois compulsé le plan des lignes et de leurs correspondances. Quelle destination vas-tu choisir aujourd’hui ? L’Etoile, Wagram, Montmartre ? Paris n’aura bientôt plus de secrets pour toi.

Vole Jacky, vole !

Retrouve ce coin perdu de campagne anglaise où tu avais logé jadis. Te souviens-tu de cette vieille grange à la porte vermoulue ? De Mary, cette jolie rousse, de vos baisers passionnés ? Aime Jacky, love !

 

Love, vole !

Aimer semble si loin.

Voler est si bon.

Quatre lettres et la vie se fait plus légère…

 

Un bout de papier, un stylo.

Jacky de sa grande écriture note :

- des aquarelles

- un bloc de papier

- des pinceaux

 

Il faudrait préciser, indiquer la qualité du papier, le numéro des pinceaux…

Maud se débrouillera-t-elle pour lui dénicher ce qu’il désire ?

Et si ? Oui, il va se risquer à passer commande par Internet, ce sera un premier pas vers la liberté.

 

Jacky a soudain hâte de recevoir son colis, il est pressé de se remettre à la peinture, de marier les coloris, lui qui depuis cet accident d’hélicoptère n’est plus, à ses yeux, qu’un numéro de sécurité sociale, un dossier d’assurance en suspens, un corps en partie inerte…

 

Vole Jacky, vole vers d’autres horizons !

 

Mony

 

8 juillet 2013 1 08 /07 /juillet /2013 07:59

 

Un jour de chance, sur un quai de partance, nous nous sommes croisés à la station de métro Wagram. Sagement, elle attendait sa rame. Comme une flamme trentenaire, elle pliait sous les assauts des courants d’air. Alors, sa jupe si légère se soulevait et tous ses motifs imprimés se mélangeaient devant mes regards impressionnés. J’aimais bien son regard lointain, son allure de fragile pâquerette et ses cheveux piqués dans un chignon malin avec cette si grande barrette…  

 

Les aléas des métros passants avaient des bouffées de vents chauds, ceux de vacances généreuses et toutes les publicités affichées se contorsionnaient dans des postures racoleuses…  

 

Tout à coup, dans cet antre tellement impersonnel, j’ai entendu gazouiller les hirondelles, chuchoter des soupirs de cascadelles, crier des véhémences inconditionnelles, tirer des feux artificiels, psalmodier des incantations surnaturelles… J’ai vu s’ouvrir des murs de citadelle, s’allumer des étincelles, des amants enlacés sur leur balancelle, des blessures mortelles devenir superficielles et des vieilles cordes de polichinelle jetées enfin à la poubelle…

Des tunnels, soufflaient des vents du large, des vents de Costa Brava, où des chimères capricieuses manoeuvraient au milieu de danses ensorceleuses… Les mirages se touchaient, les illusions étaient réelles, les prières s’exhaussaient… Il montait à mes yeux des courants de grande marée et à mon nez inquisiteur des effluves de parfums de viande grillée… Estivants, nous étions attablés dans un restaurant de la Rioja en train de déguster des côtelettes d’agneau grillées aux sarments. Elle avait des rires qui assaisonnaient tous les plats et des sourires qui abreuvaient toutes mes pensées. Le soleil de la terrasse avait des prétentions de majesté en plantant des banderilles fleuries dans les ombres cachées…

 

Seul, j’entretenais une conversation d’arlequin car elle était trop investie dans la lecture de son bouquin. Pourtant, les rames bruyantes n’avaient de cesse que de tenter de brouiller son histoire de papier ; les pages palpitaient de frissonnements incessants comme un éventail de corrida pendant une mise à mort aux soubresauts rougissants…

 

Moi, je lui parlais d’Amour. Vous savez, tous ces mots qu’on dit avec nombre d’adjectifs en couleur. Ces mots qu’on a laissé mijoter sur son cœur, ces mots préparés à la recette enivrée d’un poète rêveur, ceux qui crèvent de pudeur quand ils supplient l’inaccessible Bonheur…  

 

Avec quelques larmes, je distillais son charme. Elle était la protectrice de mon âme, la directrice de mes frissons, l’embaumeuse de mes parfums, le tumulte de mes couleurs, la chaleur de mon sang, la sueur de mes émotions, la musique de mon entendement, mes sensations en cohortes émues et tant d’autres choses encore…

 

Métro Wagram… J’étais fantassin montant à l’assaut du vacarme, grognard émérite aux mille médailles mordorées tintinnabulant des sombres victoires aux paysages trop campagnards, hussard sabre au clair mais à l’œil bagnard, empereur vantard de l’armée de mes sens en bataille !...

 

Allons, ma Belle, allons jusqu’à poursuivre ces pèlerins sur le chemin de Compostelle, mêlons-nous à l’ombre de leur airain, marchons ensemble main dans la main ; j’ai dans mes plans secrets des chansons de tourterelle et des refrains de ritournelle !… A nous, l’Espagne et ses châteaux, à nous ses fêtes et ses mâts de cocagne, ses éventails et ses taureaux, ses plages et ses montagnes !...

 

Moi, j’aimais bien cette muse de nulle part. J’aimais accrocher mes illusions de départ le long de ses remparts. Elle était là, posée dans un moment charnière de ma vie, au soleil clignotant des néons blancs et j’exhumais le charnier de mon cœur avec les prévisions enjouées d’un Don Quichotte comploteur…

 

Le souffle du vent des courants d’air revenants crachait sur les quais des papiers gras et des journaux fanés. Quelques gobelets roulaient en bout d’aventure ; ils s’échouaient sous les bancs ou mouraient dans le ballast sans une éclaboussure. Des lumières papillotaient, çà et là, en déroulant des publicités éphémères…

 

D’un couloir invisible, un violon mélomane tirait sa romance sur des airs de fandango. Moi, je marchais vers elle en m’initiant enfin au pas de l’heureux tempo. J’aurais voulu être castagnettes pour lui compter fleurette ou matador pour lui susurrer un flamenco…

 

Comme je me découvrais poliment pour la saluer, une rame est venue s’allonger le long de son quai, en criant son arrêt. Les publicités se moquaient si bien de mon geste de désespéré perdu dans le vent…

 

Précipitamment, elle s’est engouffrée dans un compartiment et je l’ai suivie des yeux comme le pire des châtiments. Il n’est qu’à Paris qu’on puisse supporter cette terrible peine capitale… Les glissières se sont rabattues derrière elle telle une guillotine convenue. Elle est partie. Il ne restait plus que les deux yeux rouges du dernier wagon pour me cligner des œillades d’adieu. Comme une fermeture éclair irrationnelle, les rails se perdaient dans le tunnel…

 

 

Pascal. 

7 juillet 2013 7 07 /07 /juillet /2013 16:05

 

                C’est un beau garçon. Athlétique, de haute taille, il marche devant moi, mais je ne le vois pas.
Personne ne voit personne dans les couloirs du métro, n’est-ce pas ? Sauf les prédateurs, bien entendu. Circulation de zombies parmi lesquels, peut-être, des fantômes se pressent encore vers l'exposition universelle de 1900.
Il porte un superbe costume bleu, mais je ne le sais pas encore. Il doit se rendre à un rendez-vous important, un entretien d’embauche, ou une fête. Tout à l’heure, en le voyant de près, je pencherai pour la fête, parce qu’il est vraiment très élégant. En tout cas, il est pressé, peut être joyeux, ou impatient.
 
Pressé, trop pressé : il est violemment happé par la rame qui arrive à toute vitesse.
Pendant des jours, et des nuits, j’entendrai en boucle le bruit. Mat, sourd, horrible.
Le voilà étendu sur le quai gris du métro/boulot/dodo, cet eldorado pour lequel il a quitté les couleurs de l’Afrique.
 
Le chef de train a arrêté la circulation : c’est le règlement, il faut attendre les autorités ; les secours, visiblement, sont superflus.
Un type prend son mal en patience et passe et repasse en sifflotant devant cet homme qui, il y a une heure encore allait à une fête, et  git là, dans son beau costume, sur la poussière grise.
Mais quelques zombies se sont éveillés et protestent bruyamment contre cet arrêt.
Le chef de train crie : " un peu de décence, un homme est en train de mourir, là ! " Merci à toi.
 
Il y a sept millions d’années, Lucie et Toumaï se sont mis en marche du fond de la savane, suivis par les quelque cent huit milliards d’humains (et des poussières) qui sont nés après eux.
Regardez les marcher depuis la nuit des temps, saluez la procession.
"depuis les steppes interminables des temps, ils nous ont rejoints dans l'aujourd'hui... fermez les yeux, et entendez bruire cette foule humaine dans votre dos. Toute cette humanité dont vous procédez ! Sentez derrière vous cette chaine d’amants et d’amantes dont vous êtes à cet instant les seuls maillons visibles 1"
Ils marchent, parce qu’ils n’y a que ça à faire, avancer, et parce qu’ils ont toujours eu du vent dans la tête, les amants et les amantes. Peace and love, l'amour pas la guerre, l'amour et la guerre. Surtout la guerre, massacres, et autres peste et choléra ; chair à canon, chair à misère, ils ont surtout gratté le sol, et la grattent encore, au fond des tourbières…
"Empaquetés dans des guenilles couleur de terre et de muraille. Tous esclaves. Ils font penser à ces paysans du Moyen Âge dans les livres d'histoire. Et sur les routes, en files interminables, inépuisablement, les lents chariots branlants des réfugiés, couverts de hideux tapis bariolés, conduits par des vieux à dos rond hérissés sous leur bonnet de fourrure pelée. Des gens à qui on a ordonné de partir vers l'ouest et ils sont partis et ils n'en connaissent pas davantage. Et cela aussi c'est du Moyen Âge, du temps des grandes peurs et des exodes. On n'en est pas sorti du Moyen Âge, malgré les villes et les livres et tout ce qu'on croit. On en est toujours à l'an mil 2. "
 
Saluez la caravane.
Ils marchent vers des lendemains qui chantent, ou pas. Des lendemains, quoi. Mais le plus souvent ils fuient.
Derrière Toumaï et Lucie, ils arrivent du fond de la savane, et les voilà dans les couloirs du métro.
 
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 1 Christiane Singer : N'oublie pas les chevaux écumants du passé
 2 Georges Hyvernaud : lettre à une petite fille
 
Emma
7 juillet 2013 7 07 /07 /juillet /2013 11:39

 

Wagram:
Pour se consoler de sa défaite à Waterloo, Napoléon a fait construire la salle Wagram où on a créé les valses autrichiennes de Vienne.
 
Homo sapiens
C'est dans le palais olithique qu'un homo ça-pince a inventé le barbecue pour ne pas se brûler les doigts.
 
Ombres chinoises
Les ombres chinoises ne sont pas jaunes pour qu'on puisse bien les voir sur les plages de la mer Jaune.
 
Roumanie
Après la chute de Ceaucescu en Roumanie, on a déterré une grosse charnière mais pas les cercueils.
 
LOVE
La dyslexie est une maladie dangereuse qui fait confondre AMOUR et VELO.
 
Chapeau
Un couvre-chef c'est quelqu'un qui protège son supérieur pour que - quand ça se gâte - le premier porte le chapeau de l'autre. 
 
 
Vegas sur sarthe
6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 17:36

 

A qui est le chapeau qui salue le ciel ? Est ce à toi Alphonse à moins que cela soit à Marcel ? Non ce chapeau est à Frédéric qui lui aussi est parti se faire un barbecue dans une grange dont les huisseries de la porte sont rouillées. Vous n'auriez ni les uns ni les autres aimé flâner dans le maudit métro, les vieilles affiches collées vantant la culture vous aurez donné le blues. Un bien vilain mot tout comme love en lettres fluorescentes.
 
 
Vous qui aimiez tant la langue française, vous auriez détesté ces mots qui ne chantent pas. Non pour vous le blues c'est le bourdon accompagnateur des cigales qui scient toute la journée que cela vous vrille la tête. Love en rouge, c'est l'amour que vous aviez pour votre Provence et qui ne vous a jamais quitté même lorsque vous étiez bien loin d'elle.
 
 
Ce chapeau qui te couvrait la tête Frédéric est resté seul accroché à une main de marbre, il salue, le ciel, la mer, les personnages en fer qui dansent dans une île voisine en ton honneur … 
 
 
aimela
6 juillet 2013 6 06 /07 /juillet /2013 13:43

 

Fermer sa porte à tout
Maison à vendre
Tirer sa révérence
Sur quarante ans de train train 
Changer de matin
De vue, d'essences
Enfin se rendre
Là où l'on veut voilà tout...

Il love l'exotisme lointain
L'Afrique, terre rouge sang
Hutte et pagne
Vivre de chair de crocodile 
Sur le grill 
Ebènes compagnes
Au sourire blanc
Polygame enfin... !

Le réveil sonne... 
Je tombe des nues
Retour à la rude réalité
La jungle des villes
Mon chapeau, mon auto
Reprendre ma place dans le trafic...


jill bill

29 juin 2013 6 29 /06 /juin /2013 15:49

Pub pour un blanc
Qui lave plus blanc ?
Que nenni
Cette mamie
Spider-Woman nonagénaire
A une bougie de son centenaire
-Pour le p'tit rappel-
Descend en rappel
Building de sa cité
Pour une oeuvre de charité !

Gamin... Souris !
On nous photographie
Et le premier en bas
A lui la médaille en chocolat !

Oh tu vas encore gagner
Et j'vais m'taper
La honte devant les copains
C'est quoi ton secret m'enfin... !?

Ne le répète pas
A l'EPO la nana...

E ncaisser les ans
P laindre verbe banni
O isive jamais !


jill bill

28 juin 2013 5 28 /06 /juin /2013 21:28

 

 

 

Le chien gueulait quelque part du côté du vallon escarpé de Saint Baudille…  

 

Ses aboiements rauques étaient concentrés au même endroit. On aurait dit qu’il prolongeait le point fixe avec sa voix de ténor enrhumé. Il jappait guttural, notre Tango. Ce qu’il tenait en respect était intéressant mais ce n’était pas du gibier de grande classe.

Il restait planté là pour nous faire venir…  

 

Mon père courait doucement. Il longeait les ornières du champ fraîchement labouré. Il avait refermé son fusil, je le suivais…

 

J’aimais bien l’accompagner à la chasse. C’était toujours une aventure à travers les paysages environnants de notre Drôme, ses conseils éclairés sur les plantes des champs et ses relations avec la faune sauvage.

 

J’avais une trentaine d’années et je le suivais comme un pistard attentif de ses moindres gestes. Je marchais dans ses pas, dans les mêmes brindilles, j’oubliais de tousser ou d’éternuer et je respirais sa pipe remplie de « Amsterdamer » fumant. Il y avait cette sorte d’emballement, cette traque engagée et le piège s’était refermé sur l’animal débusqué…

 

Les branches basses de l’orée du bois nous griffaient le visage comme pour nous interdire la préméditation du geste tuant. La Nature retardait l’inexorable. C’était flagrant...

 

Tango continuait de nous alerter avec ses signaux de braillements. Il faisait son job…  

 

Je n’ai jamais connu un chien aussi pacifiste. Il était chien de chasse parce qu’il était né dans une niche de chiens courants dans une grande meute. Il assumait sa condition de génération en génération. Il était brave comme seuls ces chiens savent l’être au milieu des enfants. Il nous fouettait avec sa queue et il léchait tous les visages à sa portée.

Pour un peu, il aurait partagé sa gamelle avec nous. D’ailleurs, il arrêtait de bâfrer quand on était dans ses parages à l’heure de son repas. Il cherchait à jouer encore.

 

Avec l’habitude, aux intonations des aboiements intéressés, mon père savait quel était le gibier poursuivi. Il changeait alors les cartouches, tout en courant, et on se plaçait dans le seul passage logique de l’animal traqué.

A distance, le chien ramenait le gibier vers son patron, c’était tout un art de le voir s’activer, avec une grande précision, au bout des champs ou de l’autre côté des vallons.

 

Mais là, c’était plutôt statique. Mon père ne disait rien. Il se doutait bien de l’animal pris dans la nasse. Il avait son idée…

 

Tango aboyait et on courait…

 

J’avais l’impression d’être dans un orchestre tellement notre course, dans la terre et les herbes, était synchronisée avec les jappements du chien. C’était bizarre, cette charge…

 

On allait tuer. On allait prendre une vie d’animal à cause de sa chair, de son goût, pour s’adjuger le titre de fine gâchette et surtout, pour faire plaisir au chien de chasse.

J’allais assister à cette peine capitale et j’étais dans mes petits souliers…  

Avez-vous déjà entendu les cris déchirants d’un lièvre blessé à mort ?... On dirait un nouveau-né qui pleure. C’est catastrophique. C’est brutal, la chasse.

Et un faisan à peine effleuré d’une giclée de plombs et auquel il faut tordre le cou ?...

Ce n’est pas reluisant. C’est le revers de la médaille.

 

On n’en parle pas à table. On couperait l’appétit des enfants. On omet les détails saignants de la boucherie, on se concentre sur sa fourchette et on sauce en regardant son verre de Crozes. On voudrait presque trouver des plombs utiles dans des endroits vitaux pour prouver la vitesse de l’exécution. On se dépêche quasiment pour passer au fromage.

Alors, pour cacher le méfait, on donne les os au chien parce que lui, il ne se pose pas toutes ces questions gênantes. On le regarde broyer, du fond de sa gueule, ce dessert de chasse. Il en bave de plaisir, l’animal et il nous fait oublier notre conscience perturbée pendant ces craquements exquis.

On tapote sa tête de chien,  il est simplement content d’être chien, dans cette vie de chien. On lui réclame la « papate » pour sceller la connivence implicite de ces moments partagés. Et il remue encore la queue avec des remerciements complices de traqueur, comme s’il se rappelait de tous les évènements cruciaux de la capture pénible du gibier fusillé…  

 

Tango gueulait encore…

 

Il s’impatientait de voir arriver notre présence imminente. Il nous languissait…Toute sa hargne de chien chasseur était accaparée par l’affût de la bestiole coincée.

 

Nous avons traversé le talus et emprunté un sentier de début de forêt. Il était tôt mais il faisait déjà chaud. Je ne sais plus si c’est la course ou l’adrénaline qui transpirait dans mes habits.

 

Le chien était là, au pied d’un jeune chêne.

Il tournait autour comme une sentinelle studieuse de son garde-manger en hauteur.

Il cherchait dans les feuillages en reniflant l’air et il jappait encore.

Il me semble encore l’entendre quand je descends ces souvenirs du Grenier du Passé et même la poussière a un parfum de nostalgie…

 

Un jour, mon père m’avait passé son fusil. J’étais bien plus jeune.

J’avais une sorte de fierté, en paradant entre les arbres. J’étais armé et puissant. Invincible. Je possédais la Mort au bout du canon et des intentions de zigouiller tout ce qui volait, courait ou rampait, des cibles... C’était délicieux d’appréhender ce pouvoir indicible de chasseur. C’était une forme de volupté troublante de caresser la tiédeur de la crosse et la froideur gravée des canons superposés. C’était un mélange capiteux de sensations étranges mais fortes.  

 

Le croassement significatif d’un corbeau avait ameuté mes sens aux aguets. Je devais faire mes premières armes et montrer, à mon père, la finesse de ma gâchette. Le volatile s’approchait, ignorant le danger, encore caché par les frondaisons.

Nous nous étions embusqués derrière des fourrés tels des tireurs d’élite.

Déjà, j’ajustais le ciel dans le viseur, je serais la DCA du secteur…

 

L’oiseau noir est passé à la verticale de notre cache ; je le suivais dans le canon et j’ai tiré. Une seule fois. Le fracas est parti dans les airs. C’était le plus mauvais coup de fusil que j’aie tiré, dans ma courte carrière de chasseur tueur. En échange malheureux, je voyais tournoyer un amas de plumes disloquées qui tombait vers les taillis.

Toutes ses couleurs, en dégradés de bleu indigo, se fanaient à la mesure de sa chute, entre le soleil et l’azur.

 

Il est tombé à mes pieds. Je n’étais pas fier. Il agonisait en saignant au bout de son bec jaune, ses petits yeux clignotaient quelques restes d’altitude sauvage, ses pattes cherchaient une ultime branche...

 

Mon père l’a jeté dans un talus.

J’étais le triste assassin de cette pauvre bête, même pas mangeable. J’avais honte.

J’ai rendu le fusil fumant à mon père et je n’avais pas besoin de ses compliments. Je ne l’écoutais pas. D’ailleurs, il était mal à son aise, lui aussi.

On ne tue pas pour rien, c’est indigne même si c’est un nuisible, un pilleur de champs de belles semailles, un détrousseur de raisins, un oiseau de mauvais augure dans une livrée trop sombre pour être honnête, etc, etc…

On avait l’air de deux imbéciles mesurant l’effarante bêtise monstrueuse d’avoir tué gratuitement. Je savais déjà qu’on ne parlerait pas, à la table familiale, de cet exploit et que ce fait d’arme vain resterait dans nos mémoires empoisonnées, emprisonné à jamais.

 

Notre Tango dansait sous l’arbre…

 

Il faisait des bonds et sa langue pendante le suivait de près avec des halètements de belle fatigue excitée.

 

C’était un chat.

 

Mon père me l’avait expliqué comme nous arrivions près du chien. Le gros matou blanc s’accrochait désespérément dans les fourches nues du tronc menu. Il plantait ses griffes dans l’écorce, suspendu par son instinct, et il cherchait encore à grimper pour s’échapper plus loin, plus haut, dans le jeune chêne.

 

Mon père a changé les cartouches de son fusil. C’est coriace un chat…

 

Il était tôt au clocher de l’église quand il l’a visé entre les feuilles.

 

Le chien gueulait tout ce qu’il savait. Il entretenait une sorte d’angoisse bruyante grandissante où seuls, le coup de fusil et l’odeur de la poudre allaient calmer les esprits à vif. Il avait l’air de crier à son patron :

 

« Mais allez ! Allez ! Tue-le ! Fais-le descendre en vitesse ! Explose-le ! Que j’arrive enfin à le renifler ! Et si je peux, je lui mettrai un coup de dent, le coup de grâce, pour l’achever ! Mais qu’est-ce que tu attends ? Allez, fais ton boulot de chasseur ! J’ai fait mon boulot de chien ! C’est une grosse boule de poils, il se gonfle ! Ecoute ! Il miaule tellement fort qu’on dirait qu’il ronfle !... »

 

Mon père visait. Il cherchait le meilleur angle de tir. Il ne voulait pas contrarier son chien enragé. On aurait dit un seule personne, ivre de folie meurtrière, tant ils faisaient équipe tous les deux…

 

« Papa ? Papa ?... »

 

« Quoi ?... »

 

« Ne tire pas... Cela ne sert à rien... »

 

Le chien me contredisait en sautant devant son maître. Il bavait une haine féroce et ses yeux étaient révulsés d’effervescence collante.

 

« Mais tue-le ! Tue-le ! Tu sais bien que c’est un nuisible dans la nature ! Il saigne les lapereaux dans les terriers et il détruit les couvées des poules faisanes, il grimpe jusqu’aux nids et il fait la razzia des petits ! Tu ne peux pas le laisser sur cet arbre ! Regarde comme il est gras, il a dû se gaver toute la nuit ! Tu sais bien qu’il est à moitié sauvage maintenant ! Allez, balance la grenaille, qu’on en finisse avec cette racaille !... »

 

« Papa ? Papa ?... »

 

« Quoi ?... »

 

« Ne tire pas, s’il te plaît… »

 

Mon père était dans l’expectative ennuyeuse de ma présence encombrante, en martèlements répétés, dans sa conscience réveillée. Pourtant son chien attendait la salve tueuse, celle qui ferait choir ce poilu des forêts jusque dans les feuilles mortes du chêne. C’était son seul dénouement logique, il voulait flairer la poudre, ce guerrier à quatre pattes !...  

 

« Papa ? Papa ?... Papa ? Papa ?... »

 

Mon père visait juste. Il a toujours été adroit et rapide mais là, il n’y avait aucune gloriole à tirer de cette mascarade de chasse. Il maintenait son fusil en joue et il essayait de tuer ses états d’âme…

 

« Papa ? Papa ?... Papa ? Papa ?... »

 

Je tentais de fissurer ses certitudes pour mettre le doute dans son œuvre de destruction inutile. Son fusil pesait lourd dans ses bras tendus. Mais son con de chien insistait : 

 

« Allez ! Feu ! Feu ! De ce griffu, on va faire un pendu !... »

 

J’ai touché l’épaule de mon père et j’ai laissé ma main posée, comme ça, en fidélité filiale franche…

 

« Si cela se trouve, il est à une petite gamine, ce miron. Regarde ! Il a un collier avec une clochette ! Il doit avoir son nom écrit dessus… Allez Pa, ne tire pas... Il a l’air paumé ce matou et ce sont les boîtes de Ronron qui l’ont rempli comme ça. C’est peut-être une chatte ! Allez Pa, ne tire pas… Regarde, il est déjà mort de frousse… »

 

Mon père était dans l’embarras. Il était habillé en habile chasseur, camouflé en Nemrod accompli avec ses lunettes anti-reflets, sa cartouchière était bien en place, son fusil était pointé, son chien lui hurlait de tirer. La fonction crée l’organe... Il était secoué entre deux propositions, il cherchait la meilleure conduite à adopter dans cette forêt tapageuse avec ce jeune témoin gênant dans son dos. Il tergiversait mais le chien réfutait tous mes arguments… 

 

« Mais tire donc ! Allume-le ! Celui-là ne bouffera plus personne ! Dépêche-toi ! Que son glas sonne !... »

 

Je ne parlais plus. Tous les mots auraient été superflus maintenant. J’espérais seulement que ma main continuait de lui parler « en dedans. » Est-ce que j’avais touché son entendement ou avait-il pris sa décision ?... Allait-il trucider ce matou ou passer son chemin en rappelant son chien ?...  

 

J’ai toujours aimé mon Père sans jamais remettre en question, ni discuter le moindre de ses choix. Moi ? Un gamin de trente ans essayant de lui dicter une conduite à tenir ?

Mais non. C’était impensable... J’avais beaucoup trop de respect pour lui…  

 

Il ne m’a jamais déçu pour laisser un seul mauvais souvenir dans ma vie d’aujourd’hui.

 

Mais il a tiré...

 

La tentation était trop forte. J’ai encore la détonation foudroyante dans mes oreilles sifflantes…

 

Le chien était content, il cherchait et reniflait, au pied de l’arbre, l’hypothétique cadavre du chat. L’odeur de la poudre et les feuilles fauchées par les plombs se mélangeaient dans l’air saupoudré… Le clocher de notre village racontait quelque chose comme neuf heures du matin. J’avais compté…

 

J’avais laissé la main sur l’épaule de mon père comme pour prendre un appui reposant.

 

Il a rentré ses lunettes dans son étui et il a rappelé son Tango. Il a ouvert son arme de chasse pour extirper la cartouche vide encore fumante de poudre explosée.  Puis il a mis son fusil en bandoulière comme un douanier bredouille d’une journée de frontière sans contrebandier. Il a rallumé sa pipe, en s’appliquant, et le parfum du « Amsterdamer » m’a chatouillé les narines.

Son chien était à ses pieds, en train de remuer la queue comme à l’accoutumée.

Il pendait une langue d’assoiffé du désert, notre Tango…

 

Soudain, j’ai vu traverser le blanc matou ; il détalait comme un dératé épouvanté, vers la ferme toute proche, ventre à terre...

 

Pascal.

 

 

 

 

25 juin 2013 2 25 /06 /juin /2013 07:13

 

« ‘Tain, pourtant, je l’avais dans ma ligne de mire !... Je n’y comprends plus rien…Toi, ma bonne vieille pétoire, tu me laisses tomber au moment le plus crucial !... Jamais tu ne m’as fait défaut et, là, tu fuis devant l’ennemi !... Mais non, je ne tremblais pas !... » 

 

C’est ma femme qui se moque… Taquine, elle aime bien mes retours au parfum contrit de grande bredouille. Elle en profite pour me caresser l’ego avec ses gentillesses de terroir. Le jour où la chasse à la bartavelle sera ouverte, c’est sûr, je prendrai mon permis… Les plus beaux souvenirs sont ceux qui dorment, empoussiérés, sur le rebord de la cheminée et j’y mettrais bien sa photo…

 

« Depuis quatre heures, ce matin, j’étais caché à mon poste. J’ai regardé l’aube arriver.

A cette saison, elle ne peut s’empêcher de venir accompagnée par la rosée !... Mais non, je n’ai pas éternué, j’avais mes grosses chaussettes et ma parka !... Si tu avais vu tout l’assortiment de perles dont les arbres se paraient… Le soleil est venu embraser tout cela en rajoutant des touches de couleur dans chacune des larmes suspendues aux branches… Mais non, je n’étais pas ébloui !... Puis, c’est toute une palette de parfums qui s’est immiscée dans le décor bucolique… C’était un étal de thym, de champignons, de bruyère, de mousse, d’herbe mouillée et de mille autres senteurs sauvages… Mais non, je n’avais pas bu !...

 

A l’affût, j’étais planqué dans les fougères comme un soldat paré pour l’embuscade…

En bas, dans le vallon, j’entendais les rabatteurs, leurs sifflets, leurs cornes et tout leur attirail de bruiteurs assidus à la tâche !... Ils avaient même lâché les chiens !... La battue était lancée… Si tu avais entendu comme ça gueulait !... Il passait des oiseaux, des faisans, des lièvres, des lapins, des chevreuils, toute la faune sauvage de la forêt !... »

 

« L’arche de Noé devant la vague tueuse des chasseurs fous… »

 

« ‘Tain !... D’abord, je l’ai entendu… C’était un bruit sourd de galopade, de feuilles écrasées, de branchages cassés !... Le sol vibrait, les arbres tremblaient, la poussière se soulevait…

Il est passé à moins de dix mètres !... On aurait dit un puissant soc de charrue emballé tellement il fonçait tête baissée !... Il défonçait les racines, emportait les buissons, déplaçait les caillasses !... Il avait dû se rouler dans une souille ; de son pelage hirsute, il se dégageait une vapeur de transpiration brutale. Il soufflait, il renâclait, il crachait comme une locomotive en haut de sa montée !...

Il m’a regardé !... Mais non, je n’étais pas caché sur un arbre !... Si tu avais vu ses dents !... Dans sa gueule, on aurait dit les cornes de Belzébuth… Mais non, je ne fermais pas les yeux, mais je récitais mes meilleures prières… Ses naseaux étaient comme deux cheminées en plein travail de respiration emballée !... Entre deux rochers, à la passe, je l’ai tiré !... Pan ! Pan !... Je l’ai manqué !... Un solitaire de deux cents kilos, au moins !...

 

Mais oui, mes cartouches, c’était les bonnes !... Les rouges, c’est des gros plombs et les bleues, c’est des petits !... C’est moi qui les prépare… »

 

« Oui, je sais, tu laisses toujours de ta poudre noire sur la table de la cuisine !... »

 

« Il m’a reniflé de loin, le monstre !... J’avais les oreilles qui sifflaient ma pétarade au milieu de l’odeur âcre du nuage de fumée bleue !... J’essayais de recharger mon fusil tout en surveillant ses atermoiements, oui… des rouges… Mais oui, il y avait les plombs dedans… Une hure, comme ça, qui te reluque dans les yeux, faut pas avoir la tremblote !... J’ai remis deux cartouches mais, avant que je l’ajuste encore, il a disparu en grognant sa disgrâce, l’animal !...

 

Quoi ?... Que je remplace mon fusil ?... Mais c’est celui du pépé, jamais il n’a failli !... Mon père s’en est servi, c’est l’héritage familial, c’est notre patrimoine à nous les gens de la campagne !... Il a tué plus de gibier que tu as cassé d’œufs en faisant des omelettes et c’est pas peu dire !... » 

 

« Faut peut-être remplacer le chasseur ?... »

 

« Tu dois avoir raison… Pourtant, les chiens ont l’air bien graissés, la culasse est en place, le viseur est ajusté, c’est à n’y rien comprendre… Mais non, mon flingue ne s’est pas enrayé !... Je l’avais nettoyé pas plus tard que la veille !... J’avais glissé l’écouvillon dans les canons, huilé le mécanisme, passé l’antirouille dans les chambres, oui, toute la révision générale !... Mais non, je n’ai pas oublié une petite vis, je pourrais le remonter les yeux fermés !… 

 

‘Tain, pourtant, c’est un Verney-Carron !... Estampillé Saint Etienne !... C’est mon grand-père qui l’avait acheté avec ses économies. Année de fabrication : mille… mille… huit… cent… Le temps a dû effacer les numéros… »

 

« La dernière fois, c’est une poule faisane que tu as manqué sur le chemin du village ; la fois d’avant, c’était un garenne devant son terrier et, maintenant, tu loupes un quartanier immanquable dans un couloir de rochers !...

Mon vieux mari, c’est d’une bonne paire de lunettes dont tu aurais bien besoin !... Demain, on descendra à la ville et on te trouvera bien deux verres sur une monture pour les mettre devant tes yeux…

 

Allez, ferme la porte, mon chasseur bigleux !... Tu fais rentrer le froid... »

 

 

Pascal.

 

 

23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 14:07

 

"Ah, le salaud ! L'a bien mijoté son coup ! "

dit Jean Claude quand Annie vient le chercher en courant à "la p'tite balance ", où chaque jour, à cette heure, il refait le monde avec les autres politologues du quartier.

 

C'est  mercredi.

 

Le mercredi est le jour où Jojo passe chez le grand père. Bon gré mal gré. Plutôt mal gré. Soudoyé par Cécile, sa mère qui en compensation lâche du lest sur le quota des heures de console.

Le grand père, lui,  dit qu'il garde le  Jojo parce que sa mère travaille.

Ni lui ni Jojo ne raffolent des parties de bataille. Mais, maintenant qu'il est assis sur "ses quatre roues", que faire d'autre avec le petit ?

 

Tous ses copains de belote sont morts, à Marcel.

"y' a plus que des veuves, dans le coin", dit-il.

 Et les veuves, ça fait dix ans qu'il les évite ! Depuis que Denise est "partie", comme il dit, elles ont été nombreuses à vouloir le consoler. Mais il a fui "les bonnes femmes" comme la peste, bien tranquille qu'il était avec sa pipe et son chien.

Puis, Galoupiau, le vieux compagnon de chasse, est "parti" à son tour.

Il lui est resté le jardin, tant qu'il avait ses "deux pattes". Et pour se "garder les neurones en forme", "les chiffres et les lettres" en fin d'après-midi, une habitude  prise avec Denise.

 

Depuis un an, Annie vient l'aider à sortir du lit, le matin, et l'installer sur ses quatre roues.  Elle prépare le repas qu'il n'a plus qu'à mettre au  micro-ondes. Le soir elle vient l'aider à se coucher, après le JT.

Souvent elle emmène le reste du repas pour ses chats. C'est qu'il n'a plus guère d'appétit,  Pépé Marcel.

Sauf pour ce qu'il appelle "mon quatre heures" : une tartine de pâté de campagne qu'Annie prépare le matin et pose sur la table entre deux assiettes,  à côté d'un verre de "côtes du Rhône". Rituel immuable, et régal du vieux.

 

La semaine dernière, le docteur est venu alors qu'il prenait son "quatre heures". Il a poussé des cris d'horreur :

"Monsieur Legrand" a-t-il dit, " tout ça c'est du poison ! Avec ce que vous avez,  vous me supprimez tout ! Absolument : une compote et un thé, vous verrez, ce sera aussi agréable".

Et il avait passé la consigne à Annie et Cécile. Marcel avait eu beau les supplier, les charmer, ruser, rien n'y avait fait.

Ce mercredi, Pépé Marcel a demandé à Jojo :

" Petit, tu veux bien me passer mon fusil ? La clé de l'armoire est dans la boite à musique sur la commode".

Jojo a rigolé :

" Tu veux retourner à la chasse, Pépé ? Comme le type de l'Almanach accroché sur le mur?"

Le vieux a pris un air sévère :

" Les fusils et les outils, Johan, il faut les entretenir, les graisser régulièrement. Ce fusil, ce sera pour ton père, ou toi, plus tard".

"Jamais je n'irai à la chasse, Pépé ! "

"Eh bien, tu le vendras, mais seulement s'il est en bon état, allez, passe le moi, et donne-moi le chiffon sous l'évier, je m'en vais te l'astiquer, tu vas voir ça !"

 

Après que Johan se soit  envolé, le vieux a pris le fusil, toujours chargé, parce que Denise avait une peur bleue des voleurs, surtout dans les derniers temps.

Il a calé la crosse entre ses genoux inertes et a mis le canon dans sa bouche.

 

Quand Cécile arrive,  toute essoufflée,   Jean Claude répète :

" Le salaud ! L'avait bien mijoté son coup !

Eh ben, on va pouvoir enfin  la vendre, la maison !"

 

Emma

 

 

22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 21:09

 

Derrière le bosquet, je suis en train de me reposer

Et j’ai entendu l’ancien bougonné

Surij Nounedeb  qu’il se nomme

Mais par ici,  « le poète» on le surnomme.

Il porte toujours une vareuse bleue

Et des sabots de vieux

Il siffle tout le temps, il est heureux

Il aime les oiseaux ça je le sais

Un jour j’ai lu ses poésies aux doux attraits.

Mais aujourd’hui il n’est que colère

Contre les p’tits oiseaux il vocifère

Il en a plus qu’assez de tous ces étourneaux

Piafs, pies et corbeaux.

Il voudrait cueillir quelques cerises

Pour offrir à la belle Denise.

Oh ! je vois, oui je vois 

Son vieux tromblon d’après-guerre

Ça va chauffer dans les chaumières !

Alors, je sors de mon hamac

Et j’viens vers lui pour éviter un couac.

« Interdit même dans ton jardin

Tu vas ameuter tous les voisins

Même si les étourneaux gourmands

Dévorent le peu de cerises laissées

Par ce printemps pourri de névrosé

Il est interdit de tirer les p’tits oiseaux.

Dans l’temps c’était pratique courante

Mais « poète » si tu veux avoir bonne presse

Respecte les règles avec délicatesse

Et écoute les rigoler les p’tits oiseaux

 Quand ils crachent les noyaux

De tes derniers bigarreaux ! »

 

jamadrou

 

 

22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 18:05

 

Une fois n'est pas coutume,
j'en ai connu qui n'est plus
et c'est à titre posthume
qu'ici même vous l'avez vu.

C'était mon tonton Gaston
Il ne mettait son veston
que dans les grandes occasions
Repas de fêtes et communions.

Mieux valait un bleu de travail
A genoux avec la truelle
en construisant vaille que vaille
charriant le sable avec la pelle.

Le dimanche en casque et lunettes
il roulait en motocyclette
et quand c'était la saison
chassait avec ses compagnons

Avec son chien et son fusil
Il partait au petit matin
traquer une ou deux perdrix
et même un lièvre ou un lapin

Sans plus, il n'était pas question
de prélever plus que raison.
La joie était dans la sortie
les bottes dans les orties.

J'étais encore petite fille,
déjà un peu scandalisée
qu'on pût aller jusqu'à tuer
des bêtes comme on joue aux billes.

Quand il s'agissait de la pêche
dont on faisait de la réclame
avec une petite canne à pêche
je n'avais pas ces états d'âme !

Il est vrai que nous respections
avec nos pièges en hameçons
la rivière et ses poissons
comme nous en avait fait la leçon

Notre tonton
Gaston

 

Jeanne

 

 

22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 18:04


Les foins sont rentrés. Les cerises sont mûres et les étourneaux sont dedans. Voyons  mon fusil de la retraite de Russie. Il n'est pas trop rouillé ma foi. Si j'arrive à tirer dans le tas, ça fera de la bouillie de sansonnet.

Nounedeb

22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 13:25


Ah Clémence
Nous les gens misérables
On prendra la Bastille un jour
A vivre de pain sur ta table
Tandis que l'autre à la Cour
Fait royale bombance...

De la poudre à fusil
Et quelques balles
Il me reste ma mie
J'hésite... Tuer un lapin ou le crotale... !

Plaisante pas Jacquou
Tu vas finir au trou
Quand tu refais l'monde à l'auberge
Ivre de colère... T'as plus vingt berges !

Humides sont les cachots
Pour ta vieille carcasse
Va donc sagement à la chasse
La marmaille en a marre du fayot...

Emmène le p'tit Gavroche
Comme le Toine à son âge
Il a du culot au braconnage
Débrouillard dans ses galoches...

Si tu veux ma jolie
Le temps d'jeter un oeil au chien
Et d'siffler mon verre de vin
T'auras ton lapin pardi !

jill bill

 

 

21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 15:45

 

A Nounedeb : Tu oublies les parfums collants de cendriers froids, les parfums adipeux de sueur d’inquiétude, ceux de ferraille impressionnée en mille figures fantomatiques, ceux, éphémères, des décalcomanies de sel accrochés sur le pont, ceux du café froid, des œufs violets, ceux des vomis qui flottent sur le parquet glissant, ceux âcres des cheminées aux souffles du soufre de la fumée passagère, ceux de l’humidité occupée à la moisissure du moindre tissu, ceux des relents de cuisine où la friture frétille dans l’huile rance, ceux des paquets de mer qui lavent tout cela en frottant ses embruns sur la coque et ceux de la tempête qui mord les lèvres jusqu’au goût étrange du sang…

 

Pascal

20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 16:45

 

Pépé fait claquer sa langue de bonheur - crénom c’est bon ! - puis il dépose son verre d’un petit geste sec, aussi sec que le jus ambré coulant dans son corps.

- Il faut que j’y aille à présent !

 

Il est toujours pressé, Pépé.

Pépé, c’est le papa de Papy, le papa de mon papa.

Mon pépé il m’appelle "salut la jeunesse" alors que moi, c’est Arthur mon prénom.

Il sent bon Pépé ! Quand il m’embrasse - salut la jeunesse, aïe mon dos, la terre est basse - c’est toute la montagne qui apparaît et puis ça pique mes joues.

 

La montagne je connais bien. Papy m’y emmène en promenade. J’aime bien sentir l’odeur des vaches et des fleurs. Le sapin aussi, j’aime beaucoup. Mais pas les bouses, beurk !

 

Quand Pépé est reparti "faire son tour des chapelles" comme il dit, Maman enferme la bouteille dans l’armoire en secouant la tête… - ton grand-père, elle dit à Papa en soupirant, il a la gorge raide.

 

Moi, je ne sais pas encore si je ressemble à Pépé. J’crois pas, parce que lui, c’est pas "salut la jeunesse"… mais j’essaie de faire claquer ma langue, même que j’ai déniché dans la chambre de mes parents une jolie petite bouteille et que je vais tenter de l’ouvrir pour goûter au bon jus.

 

Crénom, ça sent bon comme tout le jardin de Mamy en été.

Hum, hum !

Bouah ! C’est dégueu et ma langue elle claque pas !

Mais comment il fait Pépé ?????

 

- Arthur, mon nouveau parfum !

 

Ouille, c’est mal parti, je ressemblerai jamais à Pépé… Crénom, j’ai mal au                ventrrrre !!!!!!!!!!!! 

 

 

Mony

 

20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 06:27

 

(Il m'a semblé entendre une demande, quand à mes aventures marines:)

 

Vieux fonds humides où moisissent les miettes,

Chaussettes marinées dans des bottes salées,

Et surtout, et surtout le parfum écœurant

D'un réchaud à kerdane qu'on n'a pu préchauffer

A l'alcool à brûler. Alors, que l'on est bien

Dehors, quand le vent nous vaporise en pleine poire

Embruns et pluie iodés.

 

Nounedeb

19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 19:52

 

revenir sur ses pas
là surgit la pensée
ici  elle renaîtra
 
Sillage diorella
 
jeunesse distillée
rire au creux du cou
aux plis des coudes
entre tissu et peau
 
Tendresse de chair
 
sucs et lames  de vie
chatouillis en palais
dans le velours intime
se froissent les oripeaux
 
Jouvence et pluie des sens
 
 
Carmen P.
19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 18:45

 

De cet angle de la pièce, je ne voyais pas la console. Ni le miroir immense qui surplombait le meuble. Je m'étais légèrement accroupie pour revoir, de ma hauteur d'enfant, ces trois flacons alignés.
Effet d'optique étrange et amusant que ce vaporisateur ambré,multiplié dans le tain du miroir. 
J'eus envie de rire. Comme je le trouvais vieux... Déjà, du haut de mon enfance, je n'aimais ni la couleur ni la forme du flacon. Il racontait à mon âme jeunette la fin d'une autre vie. Des mains ridées qui le prenaient amoureusement. Voulaient me faire goûter, comme un privilège rare, le dernier acte d'une vie de lumière qui s'étiolait lentement.
Je n'aimais pas cette odeur lourde à base de jasmin. J'avais envie de vivre, de courir, de humer l'herbe des champs et le parfum des coquelicots.
Tous ces effluves libres, prisonniers d'un flacon ? Jamais !
Il m'a fallu grandir... grandir... grandir encore pour libérer chaque matin, à la base de mon cou, un bouquet odorant, fin, libre, libre comme le vent et  captif d'un flacon tout simple.


Il s'appelle Brindille. N'a pas de particule. Et me suis chaque seconde... fidèle...

 

Christiane

19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 10:02

 

 

Il m'a vite mise au parfum
moi je l'écoutais, bonne poire
j'ai atterri sur le trottoir
Eau du Soir
 
Il m'a fait passer le Chanel
là-bas j'ai fait mon numéro
pas sympa la mère maquerelle
Azzaro
 
Mon nouveau Boss s'appelle Hugo
le Number One des gigolos
mais c'est Patou, j'l'ai dans la peau
sans repos
 
Je sais qu'un jour j'en aurai marre
des fragrances et du Shalimar
de ce foutu plus vieux métier
pas d'Cartier
 
Je l'inonderai de Poison
dussé-je finir en prison
dans des relents de garnison
Horizon
 
 
Vegas sur sarthe
Il m'a vite mise au parfum
moi je l'écoutais, bonne poire
j'ai atterri sur le trottoir
Eau du Soir
 
Il m'a fait passer le Chanel
là-bas j'ai fait mon numéro
pas sympa la mère maquerelle
Azzaro
 
Mon nouveau Boss s'appelle Hugo
le Number One des gigolos
mais c'est Patou, j'l'ai dans la peau
sans repos
 
Je sais qu'un jour j'en aurai marre
des fragrances et du Shalimar
de ce foutu plus vieux métier
pas d'Cartier
 
Je l'inonderai de Poison
dussé-je finir en prison
dans des relents de garnison
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