sujet 3/2020 - clic
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Voilà. C’est Dimanche matin. Sur le chemin des Panetiers, chaque matin, lorsque je fais ma petite marche au milieu des vignes, je ne rencontre presque jamais personne.
Mais chaque matin, lorsque j’approche de sa maison, j’entends les aboiements de mon copain le chien. Il a entendu de loin le bruit de mon bâton sur la route, et lorsque j’arrive devant la grille du portail, il se met japper, sauter, frétiller de plus belle avec l’air de me dire : « alors ! Quand est ce que tu m’amènes avec toi…je suis disponible tu sais, mon patron n’est pas là, il est rarement là…»
Et il me fait sa grande démonstration d’impatience.
J’essaie de le calmer, chaque matin, en lui disant : « pardon mon vieux, sois cool, moi je voudrais bien, mais je n’ai pas le droit… on se revoit demain ? »
C’est rare qu’il se calme, il a l’air de comprendre, mais il continue à japper et à sauter sur les barreaux comme un fada.
Alors, je continue ma route vers les Panetiers avec regret et je repense à cette photo qu’ils m’ont envoyée et du devoir que je dois rendre.
Une peinture un peu bizarre.
Mon vieux, tu n’y comprendrais rien. Un peu brouillon, « caca bouya » comme je disais à mes enfants, mais pleine de jolies couleurs avec de grands rochers au fond.
Mais il y surtout trois portraits de tes frères canins, qui m’ont fait penser à toi. Surtout à cause de leur regard.
Ça fait longtemps que je n’ai plus de chien et je ne suis pas spécialiste en marques de canidés, mais après avoir consulté Wikadrupedia, je crois que ce sont des braques, d’origine allemande, ou des whippets ? Je suis certain qu’on me corrigera.
Mais moi, ce qui m’a frappé, ce qui me touche, c’est qu’ils regardent ces braves chiens. Il y en a un qui n’a pas d’oreilles, ou c’est le peintre qui a oublié de les dessiner, un autre de profil, au fond, qui regarde au loin, l’air un peu triste lui aussi, mais c’est surtout celui qui est devant, au premier plan qui vous interpelle.
Il a l’air étonné, la truffe interrogative, les oreilles aux aguets et il vous regarde, oui, il vous regarde avec ses yeux et il vous parle. Comme toi, mon copain, oui, je suis sûr qu’il nous parle.
« Alors ? C’est tout ce que vous avez à faire, me reluquer comme ça, sans dire un mot, sans faire un geste, juste me prendre en photo ? »
Pardon, les chiens ! Je dois vous laisser. Je vais continuer mon petit bout de route, un peu triste quand même, malgré ce beau soleil.
Il faut que je finisse mon devoir du Dimanche matin.
Vite fait bien fait, en forme d’inventaire.
Un grand tableau plein de couleurs
Trois chiens
Peut être un autre plus petit
Et tout noir, comme caché
Une casquette de baseball
Un ciel orange et vert
Et le regard des chiens qui vous regardent
Des aplats de couleur
De toutes les couleurs
Du roux du terre de sienne et parfois du bleu ciel
Et des nuages blancs qui s’effilochent
Des griffures des traits
Le visage d’un homme
Ou d’une femme
Qui vous sourit
Et le regard des chiens qui vous regardent
Surtout celui à qui il manque des oreilles
Et dont les pattes démesurées
Sont étalées sur une sorte de tapis
De grands rochers au loin
En bleu foncé du côté gauche
Et en beige au milieu
Un drôle de boule en bas au premier plan
Qui pourrait être une sucette en chocolat
Toujours plein de couleurs
Et le regard des chiens qui vous regardent
JC Scant Ilonat